Intervention de Pierre Moscovici

Séance en hémicycle du 23 avril 2013 à 15h00
Déclaration du gouvernement en application de l'article 50-1 de la constitution sur le programme de stabilité de la france pour 2013-2017 débat et vote sur cette déclaration

Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances :

De lourdes faiblesses structurelles pèsent également sur nous : une croissance nulle, en moyenne, de 2007 à 2011, un million de chômeurs de plus au cours du quinquennat précédent, 750 000 emplois perdus dans l'industrie en dix ans, un secteur secondaire qui a reculé dans la valeur ajoutée en France de 18 % à 12,5 % entre 2000 et 2011. Tout cela traduit une perte de substance industrielle, une forte dégradation de la compétitivité dix ans, ce qu'illustre un déficit commercial encore supérieur à 65 milliards d'euros en 2012.

Je n'y reviens pas, je le répète, par esprit de polémique, mais pour souligner que face à une situation aussi dégradée que celle de la France, qui reste une grande économie, qui est la cinquième économie du monde, nous devrons poursuivre nos efforts de redressement sur le long terme.

En deuxième lieu, nous sommes confrontés à une crise sans précédent dans la zone euro. J'ai déjà eu l'occasion de le dire devant vous, je le répète aujourd'hui : comme l'a dit le Président de la République, nous avons apporté des réponses fortes à la crise de la zone euro ; j'insiste sur la préposition, c'était une crise de la zone euro. Quand nous sommes arrivés aux responsabilités, la question suivante était dans tous les esprits : est-ce que l'euro va survivre ? Est-ce que l'euro existera encore dans un an ? Toutes les réunions internationales ou européennes auxquelles je participais étaient dominées par cette question. Une pression s'exerçait presque sur nous, pour que nous sortions de cette crise. Eh bien, un an plus tard, regardez ce qui s'est produit, les solutions qui ont été apportées, qu'il s'agisse du système bancaire espagnol, de la dette italienne, de la situation de la Grèce ou, même si ce fut laborieux, de Chypre. Oui, aujourd'hui, je peux le dire, l'euro est sauvé.

Je ne peux cependant nier que demeure une crise dans – je dis cette fois « dans » – la zone euro. La zone euro est stabilisée, oui, mais ce n'est pas une fin en soi, et la zone euro n'a pas pour autant retrouvé la croissance. Au contraire, force est de constater que la dégradation de la situation économique s'est accélérée à la fin de l'année 2012 et que toutes les prévisions récentes, à commencer par celles de la Commission, suggèrent que la zone euro resterait en récession en 2013, pour la deuxième année consécutive, une récession de 0,3 % du PIB, alors que le chômage touche à présent près de 19 millions de personnes en Europe.

Dans ce contexte, que je voulais présenter très rapidement, je veux d'abord rappeler le sens de notre action, en recourant à cette formule : nous voulons réformer au bon rythme pour réussir le redressement du pays.

Il y a actuellement en Europe, et même en France, personne ne peut le cacher, un débat sur le rythme du redressement des comptes au regard de la nécessité de soutenir la croissance. Peut-on redresser l'économie sans redresser ses finances publiques ?

J'ai déjà eu l'occasion d'exposer longuement devant l'Assemblée, et ce à de multiples reprises, les raisons pour lesquelles le Président de la République et le Premier ministre ont fait du sérieux budgétaire l'un des axes de leur politique économique. Il ne faut pas, mesdames et messieurs les députés, opposer remise en ordre des comptes et croissance, car il ne peut y avoir de croissance durable sans finances publiques maîtrisées et sans confiance.

La question, en réalité, n'est pas, n'est plus de savoir si les finances publiques doivent être redressées. Cela a été tranché, et personne ne conteste la nécessité du désendettement. Une économie qui s'endette, c'est une économie qui s'affaiblit, une économie qui s'appauvrit, une économie qui perd de sa liberté, une économie qui perd de sa souveraineté, et ce d'autant plus que les taux d'intérêt ont tendance à augmenter avec l'endettement. C'est pourquoi les questions du désendettement et de la crédibilité sont des questions tout à fait centrales, qui, me semble-t-il, ont été tranchées à l'épreuve des faits.

La question qui reste, c'est celle que j'évoquais, celle du rythme du redressement, et de l'équilibre entre croissance et réduction des déficits, ce que l'on appelle en jargon économique la consolidation budgétaire. Comment concilier les deux ? Eh bien, mesdames et messieurs les députés, nous pouvons le faire, et nous le devons, par une gestion qui soit sérieuse sans être rigide ou dogmatique, c'est-à-dire par un pilotage en termes structurels, c'est-à-dire qui défalque ces faits de la conjoncture, qui engage nos finances publiques sur la voie d'un assainissement en profondeur, durable, mais en laissant jouer ce que les économistes appellent les stabilisateurs automatiques quand la situation économique l'exige.

Quand nous sommes dans la situation qui est aujourd'hui la nôtre, avec une croissance ralentie, voire une récession dans la zone euro, il faut en effet faire en sorte de soutenir la croissance.

Cette approche, qui permet de préserver la demande intérieure et, in fine, les perspectives de croissance, tout en conservant une ambition intacte pour le solde structurel de nos comptes publics, c'est l'inverse d'une politique d'austérité, qui se crispe sur des objectifs comptables sans prendre en compte les aléas de la conjoncture. Je le dis notamment à la majorité : nous refusons absolument, j'insiste sur l'adverbe, une gestion comptable de nos finances publiques. Nous voulons une gestion économique, dynamique, solidaire.

Cette question du rythme du redressement, le Gouvernement la pose avec force, depuis l'élection de François Hollande, dans tous les forums de coopération économique internationaux. À l'échelle européenne notamment, nous défendons depuis l'an dernier un rééquilibrage des politiques économiques en faveur de la croissance. Je la pose aussi dans le cadre de nos relations bilatérales, en particulier avec nos partenaires allemands, non pas dans un esprit de stérile confrontation, mais parce que cette relation franco-allemande qui reste puissante nous permet de dire à notre partenaire allemand, dont les finances sont solides, qu'il a les moyens de donner plus de dynamisme à son économie.

Je la pose enfin dans les enceintes plus larges, comme la semaine dernière lors des assemblées générales du FMI et de la Banque mondiale, ainsi que dans le cadre du G20. Ce sont autant de lieux où, je peux vous le dire, nos idées ont considérablement progressé ces derniers mois, autant de lieux où je défends l'idée que, pour la croissance européenne, c'est aussi indispensable de relancer son économie quand on peut le faire que d'assainir ses finances publiques quand on doit le faire. Je retiens d'ailleurs du dernier G20 la forte convergence autour d'un même message : il faut faire davantage pour la croissance et l'emploi. Évidemment, il faut continuer à améliorer la soutenabilité budgétaire, mais la priorité des priorités, c'est l'emploi, et ce climat anti-austérité gagne maintenant la société internationale.

Ce message, je l'ai partagé avec le Fonds monétaire international, avec la Commission européenne, avec le gouvernement des États-Unis, avec plusieurs de nos partenaires européens. L'économie mondiale se tourne vraiment davantage, dans ses priorités, vers la croissance. Le sérieux ne peut pas être abandonné, les réformes de structure sont indispensables, mais l'austérité n'est pas une solution : la voie que nous empruntons, le chemin que nous dessinons, je suis persuadé que c'est la bonne voie, le bon chemin.

Et ce n'est pas s'éloigner des préoccupations du pays que de porter ce débat sur la scène internationale car, en réalité, agenda intérieur, national, et agenda européen sont étroitement liés. C'est parce que nous faisons et ferons les efforts attendus que nous serons entendus par nos partenaires européens. C'est parce que nous sommes et serons crédibles que nous pouvons et pourrons réorienter la construction européenne. Si nous ne sommes pas crédibles, nous ne pèserons pas. Faisons donc, à notre façon, sans nous renier, avec notre modèle social, les réformes qui sont attendues de nous. C'est déjà le cas avec le pacte de compétitivité, ou l'accord sur la sécurisation de l'emploi. Eh bien, poursuivons dans cette voie, continuons le redressement des finances publiques, mais au rythme que nous estimons à la fois économiquement efficace et socialement juste. Continuons les réformes pour une croissance plus forte et plus solidaire, en restant fidèles à nos principes et nos méthodes, c'est ainsi que nous serons forts, sur la scène internationale et sur la scène européenne.

J'en viens maintenant à nos programmes, bâtis sur des prévisions de croissance réalistes. Elles sont identiques, pour 2013 et 2014, à celles de la Commission, et vous vous doutez bien que cela ne doit rien au hasard : 0,1 % en 2013, 1,2 % en 2014. Puis nous escomptons, pour les années 2015 à 2017, une croissance de 2 % par an.

Le Haut Conseil des finances publiques – nouvelle instance créée à l'initiative du Gouvernement et de la majorité pour éclairer le débat parlementaire, symbole de transparence et de rénovation en profondeur de la gouvernance des finances publiques – a rendu la semaine dernière son avis sur ces prévisions. Je ne veux pas le taire ici, cela n'aurait pas de sens, sinon à quoi bon créer de telles institutions ? Dans son avis, le Haut Conseil des finances publiques estime que le scénario macroéconomique du Gouvernement est entouré d'un certain nombre d'aléas qui, dans leur ensemble, font peser un risque à la baisse sur les prévisions. Nous reconnaissons l'existence de ces facteurs, qui jouent d'ailleurs à la hausse comme à la baisse, mais, avec Bernard Cazeneuve, nous avons souhaité confirmer devant la commission des finances, mercredi dernier, les prévisions de croissance du programme de stabilité, et je les confirme encore aujourd'hui, dans cet hémicycle.

C'est vrai, il y a, comme toujours, une part de volontarisme dans ces prévisions. Cela ne veut pas dire qu'elles sont fantaisistes : je le répète, pour 2014, notre prévision est en ligne avec celle de la Commission européenne. Franchement, ne pas croire et ne pas savoir que le potentiel de l'économie française est supérieur à 0,1 % de croissance en 2013 et 1,2 % en 2014, ce serait plus que du pessimisme, ce serait du défaitisme ; nous nous y refusons. Au contraire, nous pensons que l'ampleur des réformes engagées permet de maintenir ces prévisions, voire de faire mieux.

Ces prévisions s'appuient sur deux convictions. La première conviction, c'est que l'Europe va progressivement redémarrer. Pour de nombreux pays, le plus gros des efforts est désormais passé ; le commissaire aux affaires économiques Olli Rehn reconnaissait d'ailleurs la semaine dernière que le rythme de l'ajustement s'était déjà ralenti, avait été divisé par deux, et que cette décélération des efforts structurels, pour les pays qui les avaient déjà entrepris – ce n'était pas le cas de la France lors du précédent quinquennat –, allait se poursuivre. La politique monétaire de la BCE reste durablement accommodante, et les pays sous tension pourront effectivement bénéficier de meilleures conditions de financement, grâce à la mise en oeuvre résolue d'une union bancaire pour laquelle la France se bat. Oui, donc, cette Europe stabilisée va redémarrer.

Ma deuxième conviction, c'est que les réformes que nous menons en France portent et porteront leurs fruits. Ces réformes, précisément, nous les décrivons en détail dans le programme national de réforme, et je veux m'y arrêter.

En économie, il n'y a pas d'immaculée conception. Notre économie ne pourra renouer avec les créations d'emploi que si nous conduisons des réformes audacieuses et innovantes pour stimuler la croissance. Le programme national de réformes dont vous débattez aujourd'hui se présente autour de quatre axes : redresser les comptes publics, et je terminerai évidemment mon propos par là ; rétablir la compétitivité de notre tissu productif ; préparer l'avenir ; lutter contre le chômage et la précarité.

Tout d'abord, en matière de compétitivité, nous avons pris en onze mois davantage de décisions positives qu'au cours des dix dernières années. L'année 2013 sera consacrée à la mise en oeuvre et à l'approfondissement des mesures que nous avons prises.

Nous devons d'abord réorienter notre système fiscal pour encourager la compétitivité et l'innovation : tel est le sens du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, d'un montant de vingt milliards d'euros, qui permettra de relever d'un demi-point de PIB le niveau d'activité, de créer 300 000 emplois d'ici à l'année 2017. Nous travaillons à la montée en puissance de ce crédit d'impôt, notamment au moyen d'un dispositif de préfinancement. La Banque publique d'investissement propose d'ores et déjà ce préfinancement du CICE à toutes les entreprises, sans effet de seuil : je dis cela à l'attention de tous les députés, de la majorité comme de l'opposition.

Au-delà de cette mesure puissante, qui représente tout de même 1 % du PIB, d'autres dispositions favorables à l'investissement ont été votées : il s'agit de la nouvelle fiscalité des dividendes, qui incite les entreprises à réinvestir leurs bénéfices, ou encore de l'extension du crédit d'impôt recherche, que nous avons renforcé alors même que le climat budgétaire nous pousse à l'économie.

Nous avons également remis le secteur financier au service de l'investissement, de l'économie réelle, des PME et des entreprises de taille intermédiaire. Pour cela, nous avons créé la Banque publique d'investissement, fait voter une nouvelle loi bancaire, adopté le plan pour le renforcement de la trésorerie des TPE et des PME, et soutenu le financement de l'investissement des collectivités locales au moyen des fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations. Nous approfondirons encore cette réforme du financement de l'économie au cours des mois à venir. Nous aborderons notamment la question du financement en fonds propres des entreprises. Nous réformerons à cet effet la fiscalité de l'épargne des ménages sur la base des conclusions du rapport remis par Karine Berger et Dominique Lefebvre. Il s'agit de promouvoir une utilisation plus efficace de l'épargne des Français, qui est abondante.

Enfin, nous poursuivrons la mue de la BPI en l'orientant vers le financement des exportations. C'est aussi pour soutenir notre compétitivité que nous mènerons en 2013 des réformes de structure majeures, notamment dans les secteurs des services, de l'énergie et du logement. Ces réformes permettront de faire baisser les prix, et donc de réduire les coûts supportés par les entreprises, en même temps qu'elles soutiendront le pouvoir d'achat des ménages.

S'agissant toujours du pouvoir d'achat des ménages – que j'ai évoqué tout à l'heure lors des questions au Gouvernement – nous présenterons, avec Benoît Hamon, un projet de loi sur la consommation qui renforcera les droits des consommateurs et contribuera à lutter contre les rentes injustifiées. Nous mènerons également une réforme du secteur ferroviaire : hier, Jean-Louis Bianco a présenté un rapport sur ce sujet. Cette réforme sera élaborée au cours du premier semestre de l'année 2013 pour améliorer la qualité du service et son efficacité industrielle.

Voilà ce que sont toutes ces réformes : une fiscalité plus favorable à la compétitivité, à l'investissement, à l'innovation ; une réforme du financement de l'économie ; des réformes sectorielles. J'ajouterai à cette liste, pour finir, le choc de simplification voulu par le Président de la République, auquel nous travaillons ardemment. Toutes ces initiatives, qui visent à remettre d'aplomb la compétitivité de la France, font masse, font sens, et soulignent la cohérence de l'action du Gouvernement, qui fait confiance aux entreprises et dessine progressivement une politique de l'offre ambitieuse et innovante.

J'en viens à présent au deuxième axe de l'action du Gouvernement. Celui-ci s'attache à préparer l'avenir en encourageant la restructuration de l'économie autour de filières industrielles clés et en soutenant les secteurs stratégiques par une politique d'investissements ciblés. Le Gouvernement organisera au premier semestre une consultation pour choisir les initiatives industrielles prioritaires pour le quinquennat. Ces filières prioritaires seront soutenues par un fonds multisectoriel doté de 590 millions d'euros, qui sera mis en place au sein de la BPI.

Parallèlement, nous déploierons largement notre stratégie d'investissements de long terme dans des secteurs clés comme le logement, la rénovation thermique et le numérique. Cette stratégie doit renforcer le potentiel de croissance du pays. Elle contribuera à dessiner l'économie de demain. Voilà ce que nous voulons faire : il y a là un lien entre les réformes, la croissance et le redressement des comptes publics.

Enfin, notre troisième axe concerne la lutte contre le chômage et la précarité. En la matière, nous travaillerons tout au long de l'année 2013 au déploiement complet des mesures adoptées, et nous amplifierons les effets de notre politique grâce à une grande réforme de la formation professionnelle. Permettez-moi de vous rappeler les grandes lignes de cette réforme. La création de 150 000 emplois d'avenir d'ici fin 2014 réduira le chômage des jeunes. Destiné à ceux qui sont le plus éloignés de l'emploi, ce dispositif complète celui des contrats de génération, voté mi-février, qui permettra d'accorder une aide aux entreprises de moins de 300 salariés dans lesquelles l'embauche d'un jeune en CDI s'associe au maintien de l'emploi d'un senior. Les jeunes, qui sont toujours particulièrement touchés par le chômage, bénéficieront du projet « garantie jeunes », lancé sur dix territoires en septembre 2013.

En plus du déploiement de ces mesures, une réforme du marché du travail a également été adoptée par cette assemblée, tout comme par le Sénat. Permettez-moi de m'attarder un instant sur l'accord national interprofessionnel du 11 janvier dernier. Cet accord a été identifié à l'étranger comme un signe absolument majeur de la volonté et de la capacité de la France à se réformer. Je ne sais pas s'il est perçu de la même façon en France ! Il est au coeur de notre programme national de réforme. Il facilitera l'adaptation des entreprises aux chocs structurels tout en accordant de nouveaux droits aux salariés : c'est la clé de voûte de la lutte contre le chômage, cause pour laquelle nous nous mobilisons tous.

Ce volet sera complété au second semestre par la renégociation de la convention d'assurance chômage, et surtout par une réforme d'ampleur de la formation professionnelle, dès cette année, afin de l'orienter vers ceux qui en ont le plus besoin : les demandeurs d'emplois, les jeunes et les salariés peu qualifiés.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, quelles sont les réformes nous mènerons dans les prochains mois, avec le concours de la représentation nationale et le soutien de la majorité, pour rechercher activement la croissance, pour la créer, la stimuler, et soutenir ainsi le redressement de notre pays.

Je terminerai la description du programme national de réforme en disant que ces réformes permettent d'envisager un redressement des comptes publics, dont le rythme et les modalités sont précisément retracés dans le programme de stabilité sur lequel vous vous prononcerez aujourd'hui. La stratégie de remise en ordre des comptes qu'il expose participe au redressement économique auquel nous travaillons. Il était important de redire cela avant de parler un peu des finances publiques.

Le redressement des finances publiques – c'est-à-dire le redressement des comptes publics – et le redressement productif sont les deux faces d'une même médaille. J'insiste à nouveau sur ce point : le désendettement est un facteur de compétitivité ! Notre stratégie est dictée par un impératif : trouver le juste équilibre et le bon rythme pour remettre nos comptes en ordre. Bernard Cazeneuve présentera les principales orientations de cette stratégie plus en détail. Je vous indique simplement que cela se déroulera en trois temps, en respectant à la fois les principes de justice sociale et d'efficacité économique.

Quelles sont ces trois étapes distinctes ? Dans un premier temps, en 2013, nous ajusterons le rythme d'assainissement des comptes pour ne pas briser la croissance. Dans un second temps, à partir de 2014, nous approfondirons notre effort structurel pour nous donner les moyens d'atteindre nos objectifs de déficit. L'année 2014 sera une année de tournant, de basculement dans la répartition de nos efforts entre recettes et dépenses. À partir de 2015, enfin, nous commencerons à réduire la part de l'endettement dans le PIB et nous progresserons vers l'équilibre structurel grâce à la montée en puissance de nos économies.

Comme l'a dit François Hollande, notre politique économique n'est pas une politique d'austérité, c'est une politique sérieuse et juste. Pour 2013, donc, nous éviterons d'ajouter l'austérité à la récession. Le déficit public nominal s'établira à 3,7 %, comme l'a prévu la Commission européenne. Comme l'écrit votre rapporteur général, Christian Eckert, dans son rapport d'information, « ni le Gouvernement ni la majorité ne souhaitent atteindre des objectifs budgétaires secondaires au prix d'une récession ». Je reprends cette formule à mon compte : le choix de ne pas resserrer la vis en cours d'année est crucial. Nous ne mettrons pas en oeuvre de plan d'ajustement supplémentaire. Il n'y aura donc pas de collectif budgétaire supplémentaire pour aller dans cette direction.

Nous ne menons pas, mesdames et messieurs les députés, une politique d'austérité. Ce serait tomber dans le fétichisme du chiffre et ne pas tenir compte de la dégradation de la conjoncture dans notre trajectoire de redressement. L'austérité consisterait à effectuer des coupes aveugles dans nos dépenses, par exemple en baissant les salaires des fonctionnaires – comme certains nous appellent à le faire – ou en diminuant uniformément les prestations sociales. À vouloir obstinément tenir l'objectif d'un déficit public nominal à 3 %, nous tomberions dans ce travers, alors même que l'économie européenne s'enfonce et que nous avons déjà demandé un effort majeur aux Français. Nous ne le ferons pas, car nous ne voulons pas précipiter la France dans la récession, dont les conséquences seraient dramatiques pour les entreprises et pour l'emploi.

C'est en 2014, dans un second temps, que nous nous donnerons les moyens de ramener le déficit à 2,9 % du PIB, grâce à un effort structurel d'un point de PIB qui nous permettra de respecter nos engagements européens sans briser la croissance. Encore une fois, aller au-delà ne serait pas raisonnable. Ce serait précisément céder à l'austérité. L'effort structurel reposera à 70 % sur des économies et à 30 % sur des recettes. L'année 2014 sera donc à de nombreux égards une année charnière. Cette inflexion s'appuiera sur la conduite de la modernisation de l'action publique. Enfin, cette trajectoire est sous-tendue par une évolution maîtrisée de nos prélèvements obligatoires, dont Bernard Cazeneuve vous présentera le détail.

Je précise que cette trajectoire d'ajustement budgétaire est conçue pour soutenir la croissance potentielle de long terme, grâce à un effort de maîtrise de la dépense publique dans lequel tous les acteurs seront impliqués, un exercice ambitieux de modernisation de l'action publique. Comme je l'ai déjà dit, le retour de la croissance et la maîtrise de la dépense sont les deux faces d'une même médaille. Permettez-moi de vous donner quelques chiffres clés pour apprécier l'ampleur de cet effort de maîtrise budgétaire. Tout d'abord, le rythme d'évolution de la dépense publique sera divisé par quatre par rapport aux dix dernières années : il sera de 0,5 point de PIB, contre 2 points en moyenne sur les dix dernières années. Le poids de la dépense publique dans le PIB sera réduit de 3 points au cours du quinquennat, ce qui représente un effort de plus de 60 milliards d'euros, alors que ce même indicateur a augmenté de 4,6 points au cours de la dernière décennie, comme Bernard Cazeneuve le disait tout à l'heure.

Les résultats en termes d'économies sont déjà observables, et ils s'accroîtront. La montée en puissance du processus de modernisation de l'action publique jouera un rôle clé pour pérenniser et amplifier ces économies. D'ici à l'année 2017, la modernisation de l'action publique permettra d'évaluer l'intégralité des politiques publiques menées par les différentes administrations publiques, en associant étroitement les usagers et les agents. Il ne s'agit donc pas d'une version modérée de la RGPP.

Je prendrai un exemple que je connais bien, puisqu'il s'agit d'une compétence qui relève de mon ministère : celui de l'aide aux entreprises. Ces aides sont dispersées, éclatées en 7 000 dispositifs – vous avez bien entendu : 7 000 dispositifs ! Leur évaluation devrait permettre de dégager un milliard d'euros d'économies en 2014, et 2 milliards en 2015.

La MAP, telle que nous la concevons, n'est pas un exercice punitif. Réduire le poids des dépenses n'est pas une fin en soi, mais une condition de notre croissance et de notre compétitivité futures. Réduire les dépenses, c'est réduire la dette ; et réduire la dette, c'est assurer des conditions de financement favorables aux entreprises, grâce, notamment, à un faible niveau de taux d'intérêts. C'est aussi alléger le fardeau fiscal des générations futures au nom du principe d'équité entre les générations, et nous assurer de pouvoir financer notre dette dans de bonnes conditions sur les marchés – je rappelle qu'elle est détenue pour près de 63 % par des non-résidents. C'est enfin garantir la souveraineté de notre pays et, surtout, retrouver des marges de manoeuvre pour nos finances publiques.

Tels sont, mesdames et messieurs les députés, les principaux éléments de notre programme de stabilité et de notre programme national de réforme. Ces programmes nous donnent l'occasion de valider nos orientations de politiques économiques : elles sont responsables, équilibrées, et surtout cohérentes. Notre ambition est connue. Elle s'inscrit dans la durée : nous voulons redresser notre pays et rétablir ses comptes publics. Nous voulons rendre la France plus productive, en gardant toujours le souci de la justice sociale et de l'emploi, tout en donnant la priorité absolue à l'investissement et à la jeunesse.

Les choix que le Gouvernement vous présente veulent concilier crédibilité et ambition. Il s'agit d'adopter un rythme de consolidation budgétaire qui ne pénalise pas la croissance, de mettre en oeuvre des réformes qui préparent l'avenir, sans nous renier ni tourner le dos à ce qui fait notre identité : notre modèle social. C'est indispensable pour rendre notre économie plus forte, plus respectée, et pour donner à la France les moyens de peser davantage dans la nécessaire réorientation de la construction européenne.

En faisant ces choix, nous refusons l'austérité. Les Français n'en veulent pas, et ils ont raison ! Dans le même temps, ces choix sont sérieux et responsables. Nous n'avons pas choisi la facilité, ni le laisser-faire. Nos choix sont ambitieux et réalistes à la fois. Pour toutes ces raisons, je souhaite que ce programme de stabilité et ce programme national de réforme que Bernard Cazeneuve et moi-même vous présentons reçoivent ici un accueil favorable, et tout le soutien qu'ils méritent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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