Intervention de Christiane Taubira

Séance en hémicycle du 20 juin 2013 à 21h30
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière — Article 9 septies, amendements 33 73

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

Je vais vous parler franchement, et j'annonce la couleur tout de suite, car il n'y a pas lieu de jouer le suspense : je compte m'en remettre à la sagesse de l'Assemblée, pas donner un avis défavorable.

Ce dispositif renverse la charge de la preuve dans le secteur privé comme dans le secteur public. Pour le secteur privé, le ministère du travail nous avait proposé une rédaction tout à fait correcte. Elle présentait néanmoins l'inconvénient de ne s'appliquer qu'au seul secteur privé, car le ministère ne modifiait que le code du travail. Je ne l'ai pas validée car je crois que nous introduirions une difficulté supplémentaire en établissant deux régimes distincts de protection du lanceur d'alerte dans le monde privé et le monde public.

Il y a une deuxième difficulté. Comme vous le savez, la ministre de la fonction publique est actuellement en discussion avec les organisations syndicales sur le sujet. D'après les informations dont je dispose, il ne semble pas très facile de régler le problème en ce moment avec les partenaires sociaux. Or la rédaction que vous avez introduite à la commission est assez large. Elle ne se limite pas à la fraude et à la corruption mais couvre absolument toutes les infractions, ce qui suscite des craintes. C'est une vraie difficulté.

J'entends bien la nécessité de protéger les lanceurs d'alerte et de ne pas faire peser sur eux la charge de la preuve que leur dénonciation est de bonne foi et porte sur des faits réels. Mais un champ aussi large, couvrant toutes les infractions dont ils peuvent avoir connaissance dans les entreprises ou leur administration, créerait une protection et surtout un renversement de la preuve tout aussi larges.

Je suis face à ces difficultés, tout en voyant bien la nécessité de protéger les lanceurs d'alerte. Je ne sais si vous aurez la patience d'attendre de voir comment les choses s'ajusteront au Sénat. Il me semble que vous êtes très attaché à cet amendement, monsieur le rapporteur, à voir votre raideur !

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