Intervention de Arnaud Richard

Séance en hémicycle du 4 octobre 2012 à 9h30
Création des emplois d'avenir — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Richard :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la force d'une nation se trouve dans sa ressource humaine. Un pays n'est puissant que grâce aux femmes et aux hommes qui le composent, grâce à l'envie qu'ils ont de vivre et de construire ensemble, grâce au rayonnement et à la confiance qu'ils ont en l'avenir, grâce enfin à la cohésion qui les unit.

Les gouvernements passés ont tous voulu mobiliser l'ensemble des ressources de la nation pour amener ces jeunes à entrer dans le parcours d'accès à la vie active. Je ne crois pas, même si cela fait rire mes collègues de l'UMP, qu'il puisse y avoir deux France : celle qui travaille et celle qui serait assistée. Mes chers collègues, il faut savoir sortir de cette vision simpliste qui entretient, voire légitime, une société à deux vitesses.

L'avenir de notre pays est déterminé par notre capacité à fédérer tous ses talents. Or depuis quinze ans, le fossé continue inexorablement à se creuser entre ceux dont les enfants ont un avenir et ceux dont la descendance en est privée. D'innombrables talents sont gâchés, recevant la rage en lieu et place de diplômes.

Les jeunes sont l'énergie vitale de notre pays. Or, la situation est alarmante. Face à ces 150 000 jeunes – même s'ils n'étaient que 100 000, ce ne serait que trop – qui sortent du système éducatif sans diplôme, il convient de trouver des solutions. Tenter d'y parvenir est tout à l'honneur de ce gouvernement comme des précédents. Face à cette massification territoriale et générationnelle du chômage et de la désespérance, le texte tente de tirer des leçons des dispositifs précédents mis en place au fil des années. Certains considèrent – et je suis de ceux-là – que les perspectives de croissance bien maussades justifient cette voie.

Je remercie les rapporteurs qui, pour de jeunes parlementaires, ont fait un travail de qualité ainsi que les ministres du « pôle travail » pour leur courtoisie lors de nos débats. Sur un tel sujet, la modestie et l'honnêteté intellectuelle doivent prévaloir. La volonté du Gouvernement s'est exprimée et elle est respectable.

Cela dit, ce dernier n'a pas inventé grand-chose. Il ne suffit pas de changer le nom d'une mesure qui existe depuis longtemps pour qu'elle fonctionne. Jean Jaurès disait que l'on change les mots quand on ne veut pas changer les choses. Espérons, en l'occurrence, que l'avenir lui donnera tort ! Ma collègue ne vient-elle pas d'expliquer que l'on aurait pu adapter assez vite – dès le mois de juillet – le CUI, ce qui aurait ainsi montré le volontarisme du Gouvernement à traiter dans l'urgence ce sujet crucial pour notre pays ?

Je me refuse, pour autant, à me limiter à une analyse simpliste et réductrice consistant à considérer que le traitement social du chômage, puisqu'il faut l'appeler ainsi, ne sert à rien et que les politiques conduites en la matière depuis vingt ans n'ont eu aucun résultat. À cet égard, je suis heureux, monsieur le ministre de la formation professionnelle, que vous soyez présent ce matin – je comprends tout à fait que le ministre du travail assiste à un sommet européen sur l'emploi – parce que c'est à vous que va revenir la responsabilité de mettre en oeuvre la formation.

Si les gouvernements précédents ont exprimé leur volonté d'agir sur un sujet aussi difficile, je crois cependant que la différence viendra de la méthode et de la capacité à mobiliser l'ensemble des acteurs de la formation professionnelle dans notre pays. Cette volonté du Gouvernement, mais également des précédents, doit être contagieuse et doit devenir l'absolue détermination dans l'ensemble des canaux de la société française. En effet, le gâchis humain est proprement insupportable que ce soit dans ce que l'on appelle les quartiers difficiles, dans certains territoires ruraux et en outre-mer.

Le texte de la CMP fait état du travail accompli par les deux assemblées dans des conditions sur lesquelles je ne reviendrai pas, si ce n'est pour souligner qu'elles ont été quelque peu délicates, voire peu supportables face à la difficulté rencontrée par ces jeunes.

Si ce texte n'a pas apporté d'innovation majeure, je partage l'avis de M. Poisson s'agissant des améliorations que les uns et les autres ont pu y apporter, que ce soit à l'Assemblée ou au Sénat. Il demeure tout de même des limites, des faiblesses pratiques et des zones d'ombre au niveau de sa mise en oeuvre – nous l'avons évoqué au cours de la discussion. Aucun des opérateurs – région, département, agglomération, hormis les maisons locales et, bien évidemment, Pôle emploi – n'ont été cités dans le débat et dans le texte. La mise en application de ces mesures, que ce soit par des décrets ou par des circulaires, devra, par conséquent, être regardée de près. Le diable est, en l'occurrence, dans les détails.

Nous avons eu des débats difficiles concernant l'élargissement des périmètres. S'agissait-il de concentrer, de « lasériser » ces moyens sur les quartiers les plus difficiles ? Les deux assemblées ont choisi, en CMP, de les étendre aux zones rurales et, ce qui est bien dommage, seulement à certaines zones en outre-mer.

Toujours est-il que le zonage prévu initialement pendant la campagne électorale, c'est-à-dire des zones où le taux de chômage était supérieur à la moyenne nationale, ne voulait rien dire et que nous avons bien fait de l'éviter.

Si des avancées ont eu lieu concernant les structures d'accueil ainsi que les risques d'effets d'éviction, c'est essentiellement sur la formation que le texte a été approfondi – point sur lequel le groupe UDI a d'emblée insisté. Il faut souligner cette avancée car c'est là la clé de la réussite de ce contrat aidé – disons les choses telles qu'elles sont.

Je ne reviendrai pas sur toutes ces avancées dont nous partagions – même si elles ont été obtenues grâce à des amendements communistes, socialistes ou écologistes – l'objectif, qui est avant tout que ce type de dispositif fonctionne.

Nous avons eu finalement des réponses – ce qui est heureux, même si elles ont été assez tardives – concernant les conditions de financement de ces formations, et nous avons également constaté des avancées sur l'acquisition des compétences, sur le suivi personnalisé ou sur le tutorat rendu obligatoire.

Le fait que la mention des collectivités d'outre-mer ait disparu me laisse une petite inquiétude quant à la mise en oeuvre du dispositif dans quelques collectivités d'outre-mer pour lesquelles l'étude d'impact était extrêmement réduite. Surtout, la suppression des emplois saisonniers me semble regrettable.

Une modification de dernière minute pourrait dénaturer la cohérence du dispositif en élevant le niveau de formation des jeunes bénéficiaires, sujet sur lequel le débat s'est d'ailleurs révélé quelque peu compliqué au cours de la CMP entre les députés et les sénateurs socialistes. La question est toute pragmatique : elle est de savoir de savoir si vous allez ou pas en revenir aux emplois-jeunes du gouvernement Jospin. Certes, il a finalement été considéré qu'il s'agirait d'une exception, autorisée sur prescription spécifique du directeur de l'unité territoriale – encore que l'on aurait pu faire confiance au préfet, ou plus généralement, à l'autorité administrative. Toujours est-il que c'est un risque que vous prenez. C'est peut-être une brèche qui empêchera le dispositif de fonctionner.

La question de fond que l'on doit se poser, et qui d'ailleurs l'a été sur l'ensemble des bancs des deux assemblées, c'est de savoir si les deniers publics doivent prendre en charge à 75 % la rémunération de jeunes gens déjà formés pour qu'ils trouvent un emploi. Pour eux, la solution est certainement ailleurs que dans des emplois d'avenir, qui sont tout de même plutôt destinés à permettre à des jeunes vraiment dans la galère de reprendre pied dans l'emploi, des jeunes qui, pour la plupart, accumulent des obstacles sociaux, familiaux, culturels, souvent relationnels, et qui ont certainement bien plus de difficultés à accéder à l'emploi que ceux qui sont déjà dans le processus de formation.

Mes chers collègues, un tel sujet ne doit pas se résumer à un combat tactique ou médiatique, parce que c'est l'avenir de la France qui est en cause. Il faut laisser sa chance à ce dispositif, en espérant que le ministre de la formation professionnelle trouve les voies et moyens de mettre en oeuvre la formation obligatoire.

J'ai eu la chance de participer à la commission d'enquête sur les mécanismes de financement des organisations syndicales. Le paritarisme conduisant dans notre pays les organisations syndicales à gérer en partie la formation professionnelle, je mesure combien il sera difficile de bouger tous les tuyaux d'orgue ainsi concernés !

Nous aurons pour notre part un choix cornélien à faire, que nous traiterons en réunion de groupe la semaine prochaine, mais j'ose espérer qu'un certain nombre d'entre nous donnera la chance à ce dispositif, qui n'est évidemment pas parfait, mais les précédents ne l'étaient pas non plus. Ils ont aussi existé et il ne faut pas non plus les oublier. Il y a eu des succès.

Je reste convaincu qu'il faut mettre à mal ce sentiment dans notre pays que toute politique en la matière serait de l'argent perdu, de l'argent gâché. Dans mon esprit, cette dépense sociale est un investissement pour l'avenir. Notre responsabilité est de faire partager ce sentiment à un bon nombre de nos concitoyens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

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