Intervention de Étienne Blanc

Séance en hémicycle du 20 juin 2013 à 15h00
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière-procureur de la république financier — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉtienne Blanc :

Madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, nous ne vous souhaitons rien de tel ! Mais se renier trois fois en présentant un seul texte, cela fait beaucoup !Bref, nous vous accompagnerons sur ce premier texte : nous voterons pour. Beaucoup d’amendements ont été déposés sur ces articles, dont certains provoqueront des débats au sujet de la défense des libertés : je pense notamment aux amendements concernant les avocats, la dénonciation et les lanceurs d’alerte. Ces amendements ne sont pas anodins : ils susciteront un débat qui ne manquera pas d’être particulièrement intéressant.Le second volet du texte crée le procureur financier. Or, j’ai été frappé, ces dernières semaines, par les articles rédigés par les syndicats de magistrats, qu’il s’agisse de l’Union syndicale des magistrats, du Syndicat de la magistrature ou de l’Association des procureurs, dont le président a publié un article dans Le Monde : tous estiment que ce texte pose de véritables problèmes. Sur ce second volet, l’UMP ne vous suivra pas, madame la garde des sceaux, et ce pour trois raisons.Premièrement, nous pensons que, par leur nature même, les infractions fiscales sont complexes, transversales, protéiformes, diverses. Parfois, ces infractions particulièrement lourdes et très organisées sont révélées dans les parquets des départements de France à l’occasion d’affaires totalement anodines, qui n’apparaissent pas initialement comme incluses dans un dispositif très large. Nous considérons donc, pour notre part, que donner à ces parquets des compétences beaucoup plus larges et transversales serait beaucoup plus efficace.La deuxième raison de nos réserves a trait à la limite des compétences de ce procureur financier. Je citerai l’exemple boursier. Vous n’avez pas donné à ce procureur financier des compétences lui permettant de connaître des affaires d’investissements sans agrément, de démarchage illégal, de déclaration de franchissement de seuil. Comment cela va-t-il se passer entre le procureur de la République de Paris qui, en matière boursière, restera compétent pour ces infractions et le procureur financier qui, lui, ne le sera pas ? La limite des compétences nous paraît floue. Ce sera source de complexité, voire de nullité, de procédures, en tout cas de procédures dilatoires.La troisième raison est tirée de la pratique. Souvent, la collégialité est censée régler les problèmes, mais, parfois, elle en crée. En effet, les magistrats ne sont pas toujours d’accord et s’opposent sur le fond. Dans des affaires sensibles, il est même arrivé que des magistrats s’adressent des courriers, parfois en recommandé, parce qu’ils ne s’entendent pas sur la stratégie et la procédure. Nous pensons que, dans des affaires compliquées, associer deux procureurs de la République peut créer plus de difficultés que cela n’apporte de réponse. Certes, le procureur général sera censé arbitrer. Mais lorsque l’on sait comment cela se passe à Bordeaux, je ne suis pas certain que ce soit une bonne solution !C’est la raison pour laquelle, madame la garde des sceaux, nous vous disons très clairement que, si vous renoncez à ce parquet financier, nous voterons ce texte, car les quatorze premiers articles ne soulèvent pas de difficultés majeures. En revanche, si vous maintenez ce dispositif, qui ne nous paraît pas bienvenu, nous nous prononcerons contre.

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