Intervention de Marietta Karamanli

Séance en hémicycle du 20 juin 2013 à 15h00
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière-procureur de la république financier — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Madame la présidente, madame et monsieur les ministres, madame et monsieur les rapporteurs, chers collègues, le projet de loi dont nous débattons a pour objet de lutter contre la délinquance économique et financière et la fraude fiscale.Il s’assigne trois objectifs : simplifier et rationaliser, centraliser, et par ce biais, nous l’espérons, dissuader et réprimer plus efficacement.Tandis que le projet de loi organique relatif au procureur de la République financier créé un parquet financier à compétence nationale, le projet de loi objet de notre examen détermine ses compétences. Une compétence d’attribution lui est reconnue en premier lieu pour les atteintes à la probité, la corruption, les conflits d’intérêts, le détournement de fonds publics, le favoritisme et autres actions de même nature et les infractions de corruption d’agent public étranger. Cette compétence concerne également les délits de fraude fiscale complexe et de fraude fiscale commise en bande organisée. Elle s’étend enfin au blanchiment de l’ensemble de ces infractions. Le procureur de la République financier exercera également une compétence exclusive en matière de délits boursiers.La création de ce nouveau parquet ayant suscité des interrogations, il convient de la mettre en perspective avec la réforme du Conseil supérieur de la magistrature.La nomination du procureur de la République financier sera en effet soumise à l’avis conforme de ce dernier, comme c’est le cas pour les magistrats du siège.Il convient également de faire état des progrès en cours concernant la carrière des magistrats du parquet vis-à-vis d’un exécutif qui, dans le passé, les a sollicités à propos d’affaires mêlant intérêts politiques et économiques.Par ailleurs, le projet de loi supprime les pôles économiques et financiers créés par la loi de 1975 dans les tribunaux de grande instance, et dont le mode de fonctionnement est assez inégal du fait de la disparité des réalités économiques et financières sur le territoire.Ils seront remplacés par les juridictions interrégionales spécialisées en matière économique et financière, composées essentiellement de magistrats spécialisés dans la criminalité organisée et compétentes pour les procédures d’une grande complexité. Le procureur financier à compétence nationale connaîtra, quant à lui, des procédures d’une très grande complexité.L’honnêteté conduit à reconnaître que des interrogations pourraient surgir dans la pratique quant à la répartition des compétences entre les juridictions de droit commun, les juridictions spécialisées et le procureur financier. Bien qu’il soit difficile d’appliquer des critères objectifs, l’expérience et des règles de fonctionnement claires devraient permettre de prévenir le plus de difficultés possible.Par ailleurs, la réforme modifie certaines dispositions pénales en matière fiscale et qualifie de circonstance aggravante de la fraude fiscale, le fait de la commettre en bande organisée : la fraude fiscale aggravée est désormais passible de sept années d’emprisonnement et d’une amende pénale de 2 millions d’euros. Il est à noter également que l’utilisation de techniques spéciales d’enquête sera autorisée. L’ensemble de ces dispositions contribuera à faire évoluer le système actuel en garantissant la qualité de son fonctionnement.J’en viens maintenant à la question de la lutte intergouvernementale contre la fraude et le dumping fiscaux. Les ambitions exprimées en la matière doivent être concrétisées aux plans européen et international.Lors de son audition en commission, le ministre chargé du budget a rappelé plusieurs initiatives prises ou soutenues par le Gouvernement.Je citerai également l’initiative de l’OCDE visant à établir un programme de travail sur la lutte contre la planification fiscale agressive des entreprises. Il ne s’agit ni plus ni moins que de lutter contre les montages complexes, mais légaux, qui permettent aux multinationales d’échapper totalement ou partiellement à l’impôt en localisant leurs profits là où le fisc est le plus clément. Nombre de multinationales ne paient effectivement que 4 à 5 % d’impôt sur les bénéfices, alors que le taux moyen dans les pays de l’OCDE est compris entre 23 et 24 % et que la TVA a augmenté, au cours des dernières années, dans 25 des 33 pays de l’OCDE.Par ailleurs, le Gouvernement a demandé la mise en place d’une véritable politique européenne de lutte contre les paradis fiscaux et pour la transparence.En conclusion, permettez-moi de vous faire part d’une double proposition, à la suite de l’intervention de Valérie Rabault, qui a réfléchi aux perspectives qui s’offrent à nous.Dans la cadre de la réflexion engagée en matière de lutte contre l’évitement de l’impôt, il convient de porter une attention particulière à la proposition – que, personnellement, je soutiens – de l’économiste Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, qui a suggéré le 27 mai dernier que les États concluent un accord international sur l’imposition des bénéfices des sociétés.Par ailleurs, la Chambre des communes, dans un récent rapport sur les grands cabinets d’audit, a constaté des pratiques qui ne relèvent pas seulement de la planification fiscale acceptable, mais qui flirtent avec l’illégalité. Aussi propose-t-elle un code de bonne conduite, dont l’application conduira à s’interroger sur d’éventuelles mesures contraignantes.Notre assemblée doit, elle aussi, se pencher sur ce phénomène car, si la répression est nécessaire, la dissuasion est indispensable. Il nous faut donc poursuivre notre action

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