Intervention de Pierre Moscovici

Séance en hémicycle du 16 octobre 2012 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 — Présentation des deux projets de loi

Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, c'est évidemment pour Jérôme Cahuzac et moi-même un moment particulier que celui qui consiste à présenter ces deux importants projets de loi.

Il faut les resituer dans leur contexte. Une croissance plus forte, une croissance plus équilibrée, une croissance plus solidaire : voilà ce à quoi le Gouvernement travaille, voilà le cadre dans lequel s'inscrivent le projet de loi de finances pour 2013 et le projet de loi de programmation des finances publiques pour 2012 à 2017.

Nous sommes convaincus qu'il existe une voie pour à la fois résorber la dette, réduire les inégalités et relancer la croissance et l'emploi. Cette voie, elle est étroite, elle est singulière, c'est celle qu'a définie François Hollande pendant la campagne présidentielle, c'est celle que les Français ont appelée de leurs voeux. Rien ne nous en détournera. Je veux la tracer et l'expliquer devant vous aujourd'hui.

Je reviens de Tokyo où j'ai participé aux assemblées annuelles du Fonds monétaire international et du groupe de la Banque mondiale. J'y ai défendu la politique économique de la France, tout entière tournée vers le même but : renouer avec la croissance et l'emploi. J'ai été à la fois frappé et d'une certaine façon conforté par la prise de conscience des impasses auxquelles l'austérité généralisée, si elle perdurait, mènerait l'économie mondiale. Vous le savez, nous avons alerté nos partenaires sur ce sujet dès notre arrivée aux responsabilités en mai dernier et nous avons été entendus : aujourd'hui, en Europe et dans le monde, le rejet de l'austérité comme seul horizon politique et économique s'impose peu à peu.

Dans la période de turbulences que nous traversons, il nous faut, tous ensemble, garder le regard braqué sur cet objectif sans nous laisser distraire par des bruits de fond. C'est le mandat que les Français nous ont confié.

Renouer avec la croissance, tel est l'objet de ce mandat, mais pas avec n'importe quelle croissance. Nous voulons une croissance plus solidaire, c'est-à-dire une croissance qui s'accompagne d'une réduction des inégalités et du chômage et non pas une croissance qui détruirait des emplois ou qui ne bénéficierait qu'à quelques-uns.

Nous voulons aussi une croissance plus équilibrée, c'est-à-dire une croissance durable, respectueuse de nos ressources, tirée non par l'endettement mais par le dynamisme et la compétitivité de nos acteurs économiques et qui ne laisserait pas aux générations futures la facture de l'ajustement à travers le fardeau de la dette.

L'inversion de la courbe du chômage d'ici un an, la réduction de la part de la dette dans la richesse nationale dès 2014, le retour à l'équilibre des finances publiques et du solde extérieur, hors énergie, d'ici à la fin du quinquennat : voilà les grands objectifs de politique économique que le Gouvernement s'est fixés, les grandes étapes du redressement.

Aujourd'hui, force est de constater que nous en sommes encore loin.

D'abord, parce que la France n'est pas une monade isolée. La situation internationale, en particulier européenne, conditionne celle de notre pays – évidemment, allais-je dire. J'y reviendrai dans quelques instants.

Surtout, parce que la France paie encore le prix de fragilités structurelles et de déséquilibres persistants dans l'économie française qui n'ont pas été traités sérieusement depuis dix ans et sur lesquels la crise actuelle, qui a sa part de responsabilité, c'est indéniable, joue comme un révélateur.

Je pense avant tout au chômage, qui atteint désormais 10 % de la population active. Je pense au creusement des inégalités, aux deux extrêmes de l'échelle des revenus. Je pense aussi à notre déficit commercial et de compétitivité qui explique le fort recul de nos parts de marché à l'exportation depuis dix ans. Je pense enfin à la dérive financière du pays : 1 700 milliards d'euros de dette l'an dernier, soit 86 % du PIB – nous en sommes désormais à 91 %.

Ce sont 600 milliards d'euros de dette supplémentaire qui ont été accumulés sous le quinquennat précédent. Plus de 50 milliards d'euros d'intérêts sont à servir chaque année. Nous produisons moins qu'en 2007 et la France vient d'enregistrer trois trimestres de croissance nulle.

Voilà la réalité. Il ne s'agit pas d'une référence sempiternelle à l'héritage – c'est de peu d'intérêt – mais simplement du constat objectif, que personne ne peut discuter, de l'ampleur du redressement à accomplir. Et je le dis aux députés de tous les bancs : cela ne peut durer plus longtemps.

J'entends des interrogations sur notre stratégie économique ; elles sont légitimes, c'est le sel même de la démocratie. Je veux y répondre, expliquer, convaincre, et surtout agir rapidement et en profondeur, mais nous refusons, avec Jérôme Cahuzac, de tomber dans les fausses solutions. Certains, même s'ils ne l'avouent pas, car le mot est déplaisant, prônent l'austérité et pensent que, pour redevenir compétitifs, il faut casser le modèle social français. Ils disent que les sacrifices devraient être consentis principalement par ceux qui ont le moins, au prétexte qu'ils ne seraient pas assez productifs, qu'ils seraient trop assistés.

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