Intervention de Paul Giacobbi

Séance en hémicycle du 29 janvier 2014 à 21h30
Privatisation de la société nationale maritime corse méditerranée

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Giacobbi, rapporteur de la commission d’enquête sur les conditions de la privatisation de la société nationale maritime corse méditerranée :

n’ayant pas autant de recul, tel était d’ailleurs mon état d’esprit. J’avais alors souligné de manière extrêmement claire que Butler Capital Partners ferait nécessairement une plus-value de 50 millions d’euros : elle s’est élevée à 60 millions. Je l’avais déclaré publiquement. Aussi m’eût-il été facile, je le répète, m’appuyant sur ce que j’avais dit quelques années auparavant, d’être particulièrement polémique.

Nous ne l’avons pas été, pour plusieurs raisons, et d’abord parce qu’il est très facile de dire a posteriori – les travaux de la commission l’ont bien démontré – qu’il fallait faire ceci ou cela. Un des enseignements de la commission, à travers les témoignages recueillis, qui étaient concordants, a été de comprendre à quel point la pression sur les uns et les autres était considérable, tant sur le gouvernement et les autorités de l’État, il faut le dire, que sur les fonctionnaires de l’État et les élus de Marseille. C’est une affaire qui tient au coeur des uns et des autres, pas seulement pour des raisons partisanes ou électorales, mais parce que cela fait partie de la vie locale. La pression était également considérable, il faut le dire, sur les élus de la collectivité territoriale de Corse, en particulier ceux qui exerçaient alors un rôle dirigeant, soit à l’Assemblée de Corse, soit à l’office des transports, soit au sein de l’exécutif.

Avec le recul, en écoutant les récits concordants des uns et des autres, je me suis demandé si, ayant été à leur place, j’aurais fait mieux ou différemment ; n’ayant pas trouvé de réponse positive à cette question, j’aborde le débat avec beaucoup d’humilité.

Mon humilité est renforcée par le fait que, par la suite, même si les conditions de l’époque avaient conduit à la conclusion d’une délégation de service public – à laquelle on peut toujours trouver des défauts –, un certain nombre de mesures ont été prises par l’office des transports ou par l’exécutif de la collectivité territoriale de Corse, en particulier pour renégocier en cours de route la délégation de service public et pour plafonner ce mécanisme d’aide sociale auquel, d’ailleurs, nous avons mis fin depuis le 1er janvier. Ce mécanisme a tout de même conduit au versement de 14 millions d’euros par an à Corsica Ferries, qui se dit naturellement très opposée à toute contribution publique mais qui n’a pas craché sur celle-là. Cela représente certes beaucoup d’argent mais si, à l’époque, l’office des transports et l’exécutif n’avaient pas plafonné cette aide sociale, elle eût été bien plus considérable. Je crois donc qu’il faut aborder cette question avec beaucoup d’équilibre et d’équité.

Par ailleurs, des propos stupides ont été tenus, non pas ici, mais par certaines parties prenantes du dossier. Ainsi, la compagnie Veolia a dit – je l’ai lu et entendu – que la collectivité territoriale de Corse voulait « s’emparer » de la SNCM. Non seulement nous serions bien idiots de vouloir le faire dans ces conditions, mais surtout c’est faux. La meilleure preuve en est que Veolia a proposé à la collectivité territoriale de Corse, oralement et par écrit, la cession pour un euro des actions qu’elle détenait dans la SNCM. L’Assemblée de Corse, unanime – je n’ai pas entendu de voix discordantes, je parle sous le contrôle des témoins ici présents –, sur ma proposition, a considéré qu’un euro, c’était terriblement cher. J’ai eu l’occasion de dire et d’écrire au président de cette compagnie que le versement de la somme d’un euro était naturellement envisageable, mais à la simple condition que soit établie une garantie de passif, rédigée dans les formes – et j’ai eu par le passé quelque expérience de ce genre de document – et portant sur un montant de 400 millions d’euros. Je dois même vous avouer que ce montant était insuffisant : il aurait fallu prévoir un peu plus pour tenir compte de la difficulté de l’affaire.

La collectivité territoriale n’a donc aucunement l’intention de « s’emparer » de cette société, de vouloir se créer son outil, son joujou, sa chose, pour le plaisir d’en disposer, car, très franchement, ce n’est pas un plaisir.

Ce qui soucie les élus de la collectivité territoriale de Corse et, plus généralement, ceux qu’ils représentent, est de préserver le service public et cet outil économique. Pourquoi le service public ? Je rappelle tout de même une donnée de base : la Corse est une île. C’est ce qu’a dit ici même l’un de nos illustres prédécesseurs, Emmanuel Arène, éditorialiste au Figaro et député d’Ajaccio. Ses collègues faisant remarquer qu’ils le savaient déjà, il a ajouté que c’était une île entourée d’eau de toutes parts.

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