Intervention de Fanélie Carrey-Conte

Séance en hémicycle du 5 février 2014 à 21h30
Formation professionnelle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFanélie Carrey-Conte :

Madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons porte sur plusieurs enjeux majeurs. J’évoquerai d’abord celui de la formation professionnelle, laquelle renvoie, avec la manière dont nous souhaitons la faire évoluer, à des questions plus larges mettant en jeu notre modèle économique et social.

D’une part, elle renvoie à la question de l’articulation des temps de la vie et finalement à la place du travail en leur sein. Avec ce texte, nous rappelons ce que nous savons déjà mais qu’il est bon d’entériner définitivement : les temps de la vie ne s’articulent plus selon un schéma linéaire formation-travail-retraites ; la période de travail devra être couplée en permanence avec des temps de formation, et ce tout au long de la vie. Les dés ne sauraient être définitivement jetés à l’issue de la formation initiale : il est possible par la suite d’avoir d’autres chances et de se créer d’autres parcours.

D’autre part, ce projet de loi nous invite à parler du rôle des dépenses sociales au sens large. Nous montrons que celles-ci ne sont pas un coût mais bien un investissement qui s’inscrit dans une stratégie de long terme, bénéfique à l’ensemble de notre société et à notre avenir collectif grâce à l’amélioration de notre situation économique. À l’inverse des théories qui pointent de manière simpliste les coûts de production, en particulier le coût du travail, comme seuls responsables des difficultés de compétitivité, nous croyons qu’un des éléments essentiels de l’amélioration de la qualité de notre production et des emplois passe par la qualification de la main-d’oeuvre. De ce point de vue, l’accès de tous à la formation professionnelle, en particulier ceux qui sont les plus éloignés de l’emploi, les moins qualifiés, doit être un objectif majeur. C’est un renversement de perspective qu’il faut assumer : pour nous, le travail n’est pas un coût, c’est au contraire un atout dans lequel il faut investir. C’est le sens de ce texte qui, en instaurant le principe d’un compte personnel de formation universel, pose les bases nécessaires pour bâtir un système plus juste et plus efficace et répondre aux objectifs que je viens d’évoquer.

Je l’ai dit : l’un des objectifs prioritaires de ce texte est de rendre accessible la formation professionnelle à tous, particulièrement à ceux qui en ont le plus besoin et qui en sont paradoxalement aujourd’hui souvent les plus éloignés. Je pense notamment aux personnes accompagnées par les structures de l’insertion par l’activité économique : entreprises d’insertion, associations intermédiaires, ateliers et chantiers d’insertion dont il est important de saluer ici l’action. Une réforme de l’insertion par l’activité économique, ou IAE, a été engagée ces derniers mois : le texte que nous examinons contribue à sa mise en oeuvre et à sa concrétisation. Il est essentiel que les dispositifs créés soient accessibles à toutes les personnes en parcours d’insertion, en tant que salariés comme en tant que demandeurs d’emploi, car les personnes en insertion ont bien ce double statut de salariés et de demandeurs d’emploi. Les débats nous permettront, je le sais, d’apporter toutes les assurances sur ce point.

Ce texte ouvre donc un nouveau droit en créant un compte universel, c’est-à-dire destiné à tous. Ce faisant, nous devons, à partir des mécanismes ainsi posés, envisager d’autres étapes, notamment concernant la question de l’alimentation du compte pour les personnes qui n’ont pas d’emploi ou un emploi très précaire ou partiel.

En outre, une réflexion plus large portant sur les politiques à destination des personnes les plus éloignées de l’emploi devra continuer à être conduite : pour certaines personnes aux parcours accidentés, il ne suffit malheureusement pas toujours de mettre en oeuvre des logiques administratives donnant accès à des dispositifs pour que les choses se mettent en place : les dimensions d’accompagnement social et personnel sont également très importantes.

Quelques mots enfin sur une problématique commune aux diverses parties du texte, celle du « hors champ », évoquée ici à de nombreuses reprises – non sans raison. Le travail sur ce texte a permis à de nombreuses reprises de mettre la lumière sur un problème et sur ses conséquences concrètes : un tiers de l’activité économique et des emplois de notre pays n’est pas représenté à la table des négociations lors de la conclusion d’accords interprofessionnels. C’est le cas notamment du monde agricole, des professions libérales et d’un secteur qui est cher, je le sais, à nombre de parlementaires ici, celui de l’économie sociale et solidaire ; et ce, dans un contexte où les règles de mesure d’audience et d’établissement de critères visant à déterminer la représentativité n’étaient pas définies pour les organisations patronales, contrairement à ce qu’avait fait la loi de 2008 pour les salariés.

Il y avait donc deux enjeux dans ce texte : en finir avec la mise à l’écart du « hors champ », et poser des règles nouvelles pour la représentativité patronale. L’objectif à mon sens n’est pas de figer une situation existante, mais bien de poser un cadre permettant demain la traduction de dynamiques d’évolutions qui pourront intervenir dans le champ patronal, dans une logique et selon des principes démocratiques – car on parle bien ici de « démocratie sociale ». Le texte est porteur en ce sens de plusieurs mesures importantes dont nous aurons l’occasion de débattre de manière plus approfondie au cours des jours à venir, en soulevant probablement encore certaines questions.

Voilà les quelques points que je souhaitais mettre en avant concernant ce texte porteur d’évolutions importantes sur des sujets essentiels et très concrets pour nos concitoyens, pour l’emploi, pour la démocratie et pour le progrès social. Cela nous promet donc, dans les heures qui viennent, de riches et stimulants débats !

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