Intervention de Philippe Vigier

Séance en hémicycle du 5 février 2014 à 21h30
Formation professionnelle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier :

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, le constat, sans appel, est largement partagé sur l’ensemble des bancs de cette assemblée : notre système de formation professionnelle ne permet plus de répondre aux objectifs qui lui ont été assignés, en particulier à la lutte contre le chômage de masse et à l’adaptation aux mutations du marché de l’emploi. Depuis 1971, il n’a jamais vraiment été dépoussiéré, alors que des bouleversements économiques, sociaux et technologiques profonds sont intervenus à l’échelle mondiale. C’est pourquoi, monsieur le ministre, je regrette que ce texte soit très insuffisant par rapport aux enjeux auxquels nous sommes confrontés. Il est pourtant devenu urgent de moderniser et d’actualiser notre système de formation professionnelle pour l’adapter à un monde ouvert aux échanges et qui évolue à toute vitesse.

Vous l’avez souligné, la formation professionnelle est un outil majeur pour lutter avec plus d’efficacité contre le fléau du chômage, et je sais votre engagement pour y parvenir. Elle est aussi, à nos yeux, un outil au service de la croissance, cette croissance que nous recherchons et qui pour le moment est atone.

Vous partagez comme nous l’exigence que chaque euro investi dans le système de formation soit un euro utile : utile pour les entreprises, utile pour les salariés et utile pour les chômeurs. Je souligne ce point parce que les enjeux financiers sont considérables, comme cela a été rappelé à plusieurs reprises : pas moins de 32 milliards d’euros, soit 1,6 point de PIB. Pour autant, votre texte ne répond pas aux trois objectifs principaux que doit poursuivre la formation professionnelle : permettre un accès équitable à la connaissance, sécuriser les parcours professionnels et favoriser la promotion professionnelle.

Pire, la formation professionnelle souffre de trois maux auxquels le projet de loi n’apporte que des réponses là encore insuffisantes. Tout d’abord, son financement est complexe et opaque. Il existe trois contributions distinctes, des obligations de financement qui varient en fonction de la taille de l’entreprise, et la collecte des fonds de la formation professionnelle est assurée par des organismes différents qui appliquent chacun leurs propres règles de gestion.

Deuxième insuffisance, ou deuxième mal : la gouvernance est caractérisée par l’éparpillement. État, régions, partenaires sociaux, entreprises, organismes de formation continuent de se marcher sur les pieds. Sans pilote dans l’avion, les filières de formation sont artificiellement pourvues, parfois au mépris des aspirations personnelles, des spécificités des bassins d’emplois ou encore des compétences dont la France aura tant besoin.

Enfin, le système de formation professionnelle est injuste, et chacun reconnaîtra que la qualité des formations délivrées n’est pas toujours satisfaisante. Pourquoi du reste échapperait-elle à un principe d’accréditation et de vérification des qualités ?

Ce système pénalise les salariés des petites entreprises par rapport à ceux des grandes, pénalise les ouvriers par rapport aux cadres, pénalise les femmes par rapport aux hommes et les chômeurs par rapport aux actifs.

Je ne prendrai qu’un seul exemple, connu de tous, pour souligner à quel point la formation professionnelle est un outil indispensable, qui doit permettre à la France de sortir de la crise : 400 000 offres d’emploi demeurent sans réponse chaque année. Or la formation professionnelle devrait justement permettre de mettre en adéquation, dans l’immense majorité des cas, les profils des candidats avec les besoins des recruteurs. Nous ne devrions plus entendre ces phrases infernales : « Je cherche quelqu’un, mais je ne trouve pas », ou encore « Je cherche du travail, mais je ne trouve pas ». Il faut donc mettre un terme à cet immense gâchis.

Nous sommes malheureusement face à un projet de loi frileux, dont la principale avancée – la création d’un compte personnel de formation – est une étape certes indispensable mais insuffisante. Nous ne pouvons plus nous permettre de laisser la formation professionnelle fonctionner en sous-régime. Le projet de loi aurait dû réformer profondément la démocratie sociale, faire toute la transparence sur l’argent des syndicats – mais il ne faut pas en parler ! – et refuser la mainmise des organismes de formation sur le système de formation professionnelle. La création du fonds paritaire ne présente, de ce point de vue, aucune garantie d’amélioration.

Il est tout aussi vital de confier la responsabilité de la gouvernance de la formation professionnelle à une seule entité : les régions. Ce projet de loi prolonge le mouvement de décentralisation de la formation professionnelle, sans l’achever, et vous le savez bien, monsieur le ministre.

Issu de l’accord sur la formation professionnelle, conclu le 14 décembre 2013 entre partenaires du dialogue social, ce texte comporte des avancées et ne mérite pas une opposition frontale, mais, en revanche, il manque vraiment de souffle. Aussi ferai-je une proposition simple pour améliorer la formation professionnelle afin d’éviter une occasion manquée : que les chômeurs de longue durée aient une obligation de formation, correspondant en priorité à des offres d’emplois disponibles, et que le respect de cette obligation conditionne, monsieur le ministre, le versement des indemnités chômage. Je souhaite que la majorité puisse étudier cette proposition sans a priori, car je sais que nous partageons ensemble la même volonté de mener une lutte implacable contre le chômage, et que c’est ce seul objectif que l’examen de ce texte doit servir.

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