Intervention de Christophe Sirugue

Séance en hémicycle du 30 octobre 2012 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2013 — Débat sur l'égalité hommes-femmes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Sirugue, suppléant Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes :

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, je constate que nous sommes nombreux à le faire au cours de cette séance, mais comment comprendrait-on que, m'exprimant au nom de la délégation aux droits des femmes, je ne puisse vous dire notre plaisir de disposer, à travers vous, enfin, d'un ministère de plein droit pour le droit des femmes.

C'était un engagement de campagne de François Hollande, c'est aujourd'hui une réalité. Elle s'inscrit comme un acte politique fort. Vous contribuez d'ailleurs à lui donner le rayonnement tant attendu et je peux témoigner, comme rapporteur pour avis, depuis quatre ans, de la commission des affaires sociales sur la mission solidarités, insertion et égalité des chances, mission qui recouvre une part importante de vos crédits, que mon travail a été grandement simplifié cette année par votre action et votre investissement.

Ce débat s'inscrit dans un environnement qui justifie une mobilisation permanente pour contribuer à promouvoir le droit des femmes dans notre société. Même quand les combats semblent justes et nécessaires, comme cela est le cas sur l'égalité professionnelle, le constat des avancées réelles est ô combien décevant !

Même quand l'urgence est décrétée, comme pour les violences de quelque nature que ce soit faites aux femmes, le bilan demeure toujours aussi alarmant, à supposer qu'il ne s'aggrave pas. Même quand on pensait les victoires acquises, parfois de haute lutte, les remises en cause sont permanentes comme pour la contraception et l'interruption volontaire de grossesse. Même quand on s'inscrit dans le sens du progrès, on ne peut que constater la précarité professionnelle quotidienne des femmes, de celles qui travaillent comme de celles qui atteignent l'âge de la retraite.

Les batailles restent nombreuses et vous pourrez, pour cela, compter sur la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée, présidée par notre collègue Catherine Coutelle, malheureusement absente et excusée ce jour mais qui joint sa parole à la mienne à travers cette intervention.

Mener ces batailles nécessite à la fois des actes politiques forts et des moyens pour les assumer. Parmi ces actes politiques, il y a, madame la ministre, celui qui vous vaut d'être ici, bien sûr, et qui marque l'engagement résolu du Président de la République et du Premier ministre. Il y a le fait que vous siégez dans un gouvernement pour la première fois composé de manière paritaire. Mais il y a aussi la mise en place d'un comité interministériel inexistant depuis plus de douze ans, qui permettra de donner force et cohérence aux politiques publiques en ce domaine. Il y a une liste de référents identifiés au sein de chaque administration et de chaque cabinet ministériel. Il y a aussi un premier projet de loi qui nous mobilisait dès le mois de juillet sur le harcèlement sexuel ; et bien d'autres en préparation.

Les actes sont là. Ils sont forts. Ils sont politiques. J'ai énoncé des actes, voyons les moyens.

Ils sont inscrits dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013 dont je souhaite vous dire quelques mots et sur quelques aspects méritants duquel, peut-être, je souhaite vous interroger.

Même si c'est un budget qui reste aux yeux des membres de la délégation aux droits des femmes encore modeste, avec ses 23 millions d'euros, je note une progression de 15 % de son montant, soit 3 millions d'euros supplémentaires, ce qui, dans le contexte budgétaire général, mérite d'être relevé comme un élément positif. Il met surtout fin à l'insincérité budgétaire qui était l'apanage de la mission solidarité ces dernières années.

L'apparition d'une nouvelle action 14 est pleine de promesses quant aux batailles que j'évoquais au début de mon propos. En effet, nous percevons ce fonds budgétaire comme la volonté de mettre en oeuvre des programmes de soutien et d'expérimentation et de fonder les bases de nouvelles pratiques au service de l'égalité professionnelle à nos yeux essentielle et de la protection effective des femmes face à la violence. Ce fonds nous semble être un prolongement intéressant de la conférence sociale qui s'est tenue il y a quelques semaines. Il constitue en tout cas un objectif, et un objectif clair que je me plais à souligner depuis cette tribune. Il est l'élément majeur et nouveau de ce budget sur lequel nous serons bien sûr vigilants afin d'analyser les retombées effectives de cet axe d'intervention.

Il nous importe aussi beaucoup que les associations qui sont les relais indispensables sur le terrain soient correctement accompagnées. De ce point de vue, depuis les négociations qu'avait menées M. Hortefeux et l'orientation imposée sur l'Acsé pour 500 000 euros afin de combler la baisse des dotations données à ces associations à l'époque, nous restons demandeurs d'un « refléchage » de ces sommes directement vers les subventions versées par votre ministère. Ce n'est pas le cas dans ce budget 2013 et nous continuons à penser que la situation inégalitaire ainsi constituée d'une région à l'autre et d'une association à l'autre méritera d'être revue.

De même, il nous semble que le principe de conventions pluriannuelles devrait être de mise pour des associations dont les actions s'inscrivent dans la durée et ont besoin de stabilité. De ce point de vue, vous pourrez peut-être nous indiquer quelle sera votre volonté en ce domaine, quelle est la teneur de votre discussion avec certaines associations puisque j'ai cru comprendre, à travers la discussion avec les membres de votre cabinet, qu'on pouvait noter des avancées significatives.

Enfin, je souhaite vous faire part de nos doutes quant aux moyens consacrés à la lutte contre la prostitution dont il nous semblait qu'elle constituait pourtant une orientation forte pour vous. Or, avec seulement 1,87 million d'euros, les moyens semblent bien limités même s'ils sont en progression de près de 17 % par rapport à l'an passé. Pourrez-vous, madame la ministre, nous préciser ce que sont les axes clés de votre politique en ce domaine ?

Les travaux que j'ai effectués en tant que rapporteur pour avis à l'occasion de l'examen du projet de loi pour 2013, travaux que j'ai pu exposer à la délégation aux droits des femmes, m'ont amené à constater la multiplication de plateformes téléphoniques destinées à parer aux risques encourus par trop de femmes. Si, bien sûr, il n'est pas question pour moi de remettre en cause le travail des associations qui pilotent ces plateformes – j'ai même plutôt envie de le saluer –, je m'interroge tout de même sur la lisibilité de ces dispositifs pour les femmes victimes. Nous souhaiterions que ce dossier soit examiné de près mais je suis confiant puisque vous avez évoqué cette question lors de votre audition par notre délégation.

Ce débat nous conduit à évoquer la France, son organisation sociale. Il reste que, comme vient de le rappeler le président Le Roux, nous sommes internationalistes et je ne peux empêcher que ce message sur la place, le rôle et le respect de la femme soit aussi porté au plan international. Ainsi, le mouvement d'émancipation dans les pays arabes, que nous avons soutenu, a plus que jamais besoin de la vigilance de la communauté internationale sur les enjeux du genre. Je ne pouvais pas ne pas mentionner cet aspect de notre engagement politique, cela au nom de la délégation aux droits des femmes qui se préoccupe des dits droits dans notre pays, certes, mais qui a vocation à observer ce qui se passe dans l'ensemble du monde.

En somme, nous sommes satisfaits de l'orientation donnée par le Gouvernement à la politique en faveur du droit des femmes. Cependant, les besoins sont considérables et les enjeux majeurs. Ils justifient notre vigilance et peut-être une forme d'impatience mais nous savons reconnaître ceux qui font progresser la cause des femmes dans notre société.

Une dernière requête, madame la ministre : le titre de la mission dont j'ai l'honneur d'être le rapporteur pour avis s'intitule : « Solidarité, insertion, égalité des chances » ; et si, l'an prochain, il pouvait s'intituler : « Solidarité, insertion, égalité des droits » ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

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