Intervention de Marion Maréchal-Le Pen

Séance en hémicycle du 12 février 2014 à 15h00
Artisanat commerce et très petites entreprises — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarion Maréchal-Le Pen :

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, l’artisanat, les TPE et les commerçants indépendants sont une partie essentielle de notre économie, qui représente plus d’un million d’entreprises et trois millions de salariés. On le répète trop peu. L’artisanat, c’est un tiers des entreprises françaises, un chiffre d’affaires proche de 200 milliards d’euros et plus de 250 métiers, dans le bâtiment, l’alimentation, la production ou les services.

Malheureusement, les politiques et les médias se focalisent trop souvent sur les grandes entreprises, leurs mégafusions ou leurs plans sociaux, oubliant ces acteurs incontournables de la vie économique. Nous sommes, avec le Front national, d’ardents partisans de la valorisation de l’artisanat et du petit commerce, comme du travail dit manuel, injustement dévalorisé par l’éducation nationale et la société de l’argent.

Ces modes d’activité professionnelles sont synonymes d’emplois de proximité et de développement équilibré des territoires. La présence en zone rurale des activités artisanales est autant de lien social qu’il faut maintenir.

Nous souhaitons que les communes puissent bénéficier de fonds comme le FISAC pour aider ce commerce de proximité et maintenir une vie économique au sein de nos villages, trop souvent privés de leur boulangerie, de leur supérette ou de toute forme de petit commerce, écrasés par une politique favorisant exagérément l’implantation de la grande distribution et les logiques de concentration de l’offre.

Les entreprises artisanales sont ensuite des structures où la relation humaine est plus forte que dans des grandes, les liens hiérarchiques moins distants. En cela, les petits patrons ne licencient la plupart du temps qu’en derniers recours et pour des motifs sérieux. Ils sont un gage de protection pour les salariés en ces périodes où le profit prend le pas sur tout autre considération. Dans un contexte où les délocalisations ont affecté des secteurs nombreux, il s’agit enfin d’emplois non délocalisables qui, à ce titre, doivent être aidés. L’artisanat est également un vecteur important de transmission du savoir-faire, au travers de l’apprentissage notamment, dans des domaines très variés.

Or ces modes d’activités ont été affectés par la crise économique ces dernières années. La baisse des carnets de commandes a été marquée, réduisant souvent à quelques mois la visibilité de l’activité et donc les possibilités d’embauches. L’augmentation de la TVA dans le bâtiment, qui est passée à 10 %, est également pénalisante.

Autre problème majeur : la sensibilité accrue aux soucis de trésorerie et à l’accroissement des délais de paiement. Trop souvent, les délais de la loi LME, trente à quarante-cinq jours fin de mois, ne sont pas respectés, y compris par les administrations.

Face au coût ou à la mauvaise connaissance des procédures de recouvrement ou de mobilisation des comptes clients, nous proposons que soit menée une réflexion pour créer un juge spécialisé, au sein des tribunaux de commerce par exemple, qui puisse, en présence d’une créance non contestée, prononcer des injonctions de paiement dans le cadre d’une procédure accélérée.

Les artisans ont également subi la une concurrence mal vécue avec les auto-entrepreneurs. Votre texte améliore certains points. La loi LME, qui a créé ce régime, a eu le mérite de remettre le pied à l’étrier à une partie de la population qui s’était éloignée de la vie active. Son succès a créé les conditions d’une concurrence parfois déloyale avec les artisans et a pu constituer, en accroissant l’offre, un facteur de pression à la baisse des salaires.

Afin de ne pas pénaliser les artisans, il convenait d’éviter les effets d’aubaine : un artisan ne doit pas pouvoir basculer dans le statut auto-entrepreneur, le salarié d’une TPE ne doit pas pouvoir arrondir ses fins de mois en travaillant au noir.

Le rapport conjoint de l’IGF et de l’IGAS de mars 2013 pointe également une autre dérive : le fait de créer une structure auto-entrepreneur pour cacher un salariat, lorsque l’on crée une structure pour facturer des prestations à la société dont on est, de fait, l’employé. On ne peut se passer de la qualification, de l’expérience et du sérieux des artisans. C’est en particulier le cas dans les secteurs où il y a un enjeu de sécurité fort : électricité ou bâtiment.

La disposition du projet de loi mettant en place un stage a priori auprès des chambres des métiers va plutôt dans le bon sens. Développer la labellisation serait une différenciation plus forte qui permettrait de distinguer les artisans chevronnés. Elle existe, mais est mal connue. Votre solution fusionnant les régimes au sein de la micro-entreprise aboutit en fait à diriger tous les entrepreneurs vers un statut plus fiscalisé, alors même que la nécessité, sans cesse rappelée par les syndicats d’artisans, est de faire baisser les contraintes au niveau des charges financières et des normes pour l’ensemble.

Il faut valoriser les formations aux métiers de l’artisanat, et non les réduire à un choix de dépit face aux cursus dits intellectuels qui ne mènent parfois qu’au chômage. Il faut lutter contre la concurrence déloyale intra-européenne particulièrement criante avec certains pays de l’Est. Au-delà de la révision de la directive Détachement envisagée après dix ans de dégât, c’est sa suppression pure et simple qui doit être décidée.

Il faut que l’État s’implique davantage dans la reprise d’entreprises, par exemple autour d’un service public dédié. Il faut favoriser les formations des artisans sur les normes et les questions juridiques.

Au niveau national, nous regrettons que des syndicats d’artisans comme l’UPA ne soient pas plus fréquemment associés aux réformes concernant les petites entreprises. Le Front national plaide enfin depuis longtemps pour un small business act à la française, qui réserverait une partie des marchés publics à des PME-TPE locales dont elles sont le plus souvent exclues compte tenu de la complexité des appels d’offres et de la segmentation des marchés. Dommage que l’Union européenne interdise à l’État français de favoriser ces petites entreprises.

En définitive, il faut un véritable tournant faisant de l’artisanat et du commerce de proximité une priorité absolue dans le cadre du redressement économique, notamment par une politique radicalement différente en matière de charges. Les artisans ne doivent pas demeurer les grands oubliés, les grands « sacrifiés » comme ils se définissent de la politique du Gouvernement toujours plus prompt à venir déplorer devant les caméras la fermeture d’une grosse usine, à prêter l’oreille aux frémissements du CAC 40 ou à satisfaire les demandes des grands groupes multinationaux.

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