Intervention de Sergio Coronado

Séance en hémicycle du 24 février 2014 à 16h00
Géolocalisation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSergio Coronado :

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, avec le fichage ADN et la police 2.0, la géolocalisation est l’une des technologies qui a le plus modifié la conduite des enquêtes au cours des dernières années.

L’amélioration de ces technologies et la baisse de leurs coûts ont rendu leur utilisation plus facile et plus courante, y compris pour des délits que l’on qualifie souvent de mineurs.

Progressivement, nous assistons à la mise en données de l’ensemble des aspects de notre vie et à leur collecte par les États mais aussi par des sociétés commerciales. Qui appelons-nous ? À quelle heure ? Pendant combien de temps ? De quel endroit ? Quels sites visitons-nous ? Quels mots-clés tapons-nous dans les moteurs de recherche ? Les procédés de collecte d’informations nous concernant sont désormais innombrables.

Comme pour le fichage ADN, la généralisation des technologies de géolocalisation rend nécessaire un meilleur encadrement. C’est ce qu’ont demandé deux arrêts récents de la Cour de cassation, qui ont conduit le Gouvernement à déposer ce projet de loi.

Cet encadrement est une nécessité que nul ne saurait contester. Les possibilités de débordement et d’abus existent. Deux affaires récentes sont venues nous le rappeler.

C’est tout d’abord, l’arrêt précipité du programme PERGAM – plateforme d’exploitation et de recueil des géolocalisations appliquées à des mobiles en émission ; c’est, plus récemment, l’article du Canard enchaîné de la semaine dernière, que vous n’avez pas dû rater, et qui soulignait que, pour la géolocalisation, les services de police on fait appel à des plateformes privées ni déclarées à la Commission nationale de l’informatique et des libertés ni encadrées par un arrêté.

Si la géolocalisation est devenue indispensable à certaines enquêtes, son encadrement l’est tout autant pour protéger nos libertés publiques. C’est pour cela que le projet de loi relève de l’urgence.

Lors des débats en première lecture, au nom des écologistes, je me suis opposé à plusieurs points du texte dans sa version adoptée par notre assemblée.

Tout d’abord sur le délai maximum d’intervention du juge, notamment dans le cadre d’une enquête préliminaire : le contrôle d’un juge au bout de huit jours, et non quinze, est incontestablement plus protecteur pour les libertés individuelles et paraît un délai suffisant pour être opérationnel.

C’est également ce qu’avait jugé la CNIL dans son avis. Elle notait notamment que dans le cadre des procédures de flagrance, la durée de l’autorisation du procureur de la République devrait être de huit jours, reconductible éventuellement une fois, pour que cela soit cohérent avec l’article 53 du code de procédure pénale.

La CNIL relevait également que, dans le cadre des autres enquêtes menées par le procureur de la République, le délai de quinze jours prévu par le projet de loi ne correspond à aucune durée prévue par le code de procédure pénale pour le déroulement des enquêtes préliminaires ou par ses articles 74 à 74-2. Nous regrettons donc que la CMP n’ait pas suivi cet avis.

Il y a également eu un débat important dans cet hémicycle – initié notamment par Mme la ministre – sur les délits concernés par la géolocalisation. Pour de nombreux délits où la peine encourue est de trois ans de prison, la mise en place d’une géolocalisation ne semble pas totalement justifiée : discrimination, vente à la sauvette, organisation d’insolvabilité ou intrusion dans un bâtiment scolaire.

Le recours à la géolocalisation doit, pour nous, être réservé aux infractions les plus graves, comme le souhaite d’ailleurs la Cour européenne des droits de l’homme qui souligne ce caractère de particulière gravité.

Finalement, le seuil sera de cinq ans, sauf pour les atteintes aux personnes où le seuil serait de trois ans. Ce compromis semble satisfaisant mais, en toute logique, il faudrait que les délits douaniers soient soumis au même seuil. C’est pourquoi nous soutiendrons l’amendement proposé par le Gouvernement.

Nous regrettons que les objets géolocalisables ne soient nulle part précisés dans le texte. Le flou n’est jamais bon en la matière.

Nous aurions aimé également une information régulière du Parlement sur les techniques spéciales d’enquête. Sans l’inscrire dans la loi, madame la Garde des Sceaux, vous vous êtes engagée à mettre des éléments d’information à disposition du Parlement. Dont acte.

Quant à revoir l’article 20 de la loi de programmation militaire sur la géolocalisation administrative, le débat n’a pas été rouvert ici. Il le sera forcément dans les mois à venir. Il serait regrettable qu’il le soit à nouveau par une décision du juge constitutionnel ou de la Cour européenne des droits de l’homme. Trop souvent la législation en la matière n’a évolué que sous cette double contrainte.

Sur les points de désaccord que j’ai soulignés dans mon intervention, la décision de ces juges est probable ; j’allais dire souhaitable. C’est pour cela que nous soutenons, en ce qui concerne le dossier occulte, l’idée d’une saisine préventive, dont vous avez exprimé la volonté ici même, madame la garde des sceaux.

Madame la garde des sceaux, chers collègues, notre sécurité sera d’autant mieux assurée que nos libertés fondamentales seront respectées. Dans cet état d’esprit, je considère que l’équilibre trouvé en CMP n’est pas totalement satisfaisant, même si nous notons la volonté d’offrir un cadre au recours à la géolocalisation. Et c’est pour saluer cette volonté que les députés écologistes s’abstiendront. Nous partons d’une position qui était beaucoup plus dure, je le rappelle, puisqu’au Sénat nous avions voté contre le texte.

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