Intervention de Daniel Gibbes

Séance en hémicycle du 24 février 2014 à 16h00
Géolocalisation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Gibbes :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme nous l’avons abondamment développé lors de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale le 11 février dernier, il était urgent que ce projet de loi soit adopté, et que nos forces de police et de gendarmerie puissent à nouveau utiliser la géolocalisation dans le cadre de leurs enquêtes, en particulier en matière de criminalité organisée. Il était urgent de trouver un équilibre satisfaisant entre intérêt général et protection des libertés publiques, et je crois pouvoir dire que nous l’avons trouvé, avec le Sénat. On peut d’ailleurs saluer l’esprit de consensus peu commun qui a animé cette commission mixte paritaire.

L’équilibre à trouver était, somme toute, circonscrit par la Cour européenne des droits de l’homme, notamment par l’arrêt Uzun contre Allemagne rendu en 2010. La Cour avait alors considéré que le procédé de géolocalisation ne méconnaissait pas en lui-même le droit au respect de la vie privée, si et seulement si la mesure de surveillance judiciaire par géolocalisation respectait deux conditions cumulatives.

La première de ces conditions est que ce procédé soit prévu par la loi dans des termes suffisamment clairs pour indiquer à tous de manière suffisante en quelles circonstances et sous quelles conditions l’autorité publique est habilitée à y recourir. Il s’agit justement, par ce projet de loi, de compléter le code de procédure pénale et le code des douanes, en précisant dans quelles conditions les services concernés peuvent géolocaliser des véhicules, des individus, des objets dont ces derniers sont porteurs, et ce en temps réel. Rappelons au passage qu’il s’agit uniquement de suivre un contenant, jamais de se servir du contenu, même si on géolocalise par téléphone portable.

La seconde condition est que la géolocalisation soit autorisée uniquement pour des infractions particulièrement graves et qu’aucune autre mesure d’investigation moins attentatoire à la liberté individuelle ne soit envisageable. Cette notion d’infraction particulièrement grave pouvant conduire à géolocalisation a donné lieu à quelques débats dans l’hémicycle et en commission mixte paritaire. La rédaction finalement retenue par la CMP autorise la géolocalisation pour les délits d’atteinte aux personnes, de recel de criminel et d’évasion punis d’au moins trois ans d’emprisonnement ; ainsi que tout autre crime ou délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement.

Sur tous les bancs de cette assemblée, certains de nous continuent de penser qu’autoriser la géolocalisation pour toute atteinte aux personnes ou aux biens punie d’au moins trois ans d’emprisonnement, avec appréciation au cas par cas du juge, aurait été une garantie suffisante, mais passons sur ce point.

Un autre sujet de débat entre l’Assemblée et Sénat a été la durée pendant laquelle le parquet peut autoriser une géolocalisation avant d’avoir à recueillir l’autorisation du juge des libertés et de la détention. Le Sénat avait voté huit jours consécutifs, l’Assemblée quinze jours consécutifs. Je me félicite que la CMP ait retenu le délai de quinze jours. En Allemagne, suite à l’arrêt Uzun, il a été prévu que le juge du siège intervienne dans un délai d’un mois, que la Cour européenne des droits de l’homme a jugé satisfaisant. Le délai de quinze jours l’est donc également.

Quant à la question de la géolocalisation en cas d’urgence, pour faire face à un risque imminent de dépérissement des preuves ou d’atteinte grave aux personnes ou aux biens, le projet de loi prévoit la possibilité d’une initiative spontanée de l’officier de police judiciaire, donnant lieu à une autorisation a posteriori du procureur. Vous savez que le groupe UMP était très attaché à ce que ce délai d’autorisation a posteriori soit de vingt-quatre heures, et non pas de douze heures, comme en avait initialement décidé le Sénat. Je me félicite donc particulièrement que la commission mixte paritaire ait validé ce délai d’autorisationa posteriori de vingt-quatre heures, car rien n’aurait été pire que d’entraver l’action de l’officier de police judiciaire en risquant de rendre caduques les procédures.

Au final, le texte qui nous est soumis aujourd’hui remplit parfaitement l’objectif de rendre à nouveau possible l’utilisation des moyens de géolocalisation dans le cadre des enquêtes préliminaires et des enquêtes de flagrance. Il permettra aux policiers, aux gendarmes et aux magistrats s’appuyer à nouveau sur ce moyen technologique avec la sécurité juridique requise.

Un bon équilibre a été atteint entre l’efficacité opérationnelle, qu’il convient évidemment de préserver, et le respect des libertés publiques auquel nous sommes tous très attachés. C’est donc dans l’intérêt de la sécurité de nos concitoyens, mais aussi pour un bon fonctionnement de notre justice pénale, que le groupe UMP apportera tout son soutien à ce projet de loi.

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