Intervention de Marylise Lebranchu

Séance en hémicycle du 26 février 2014 à 15h00
Débat sur la qualité et l'accessibilité des services au public dans les territoires fragiles

Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’état, de la décentralisation et de la fonction publique :

Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les députés, je suis ravie d’avoir l’occasion d’échanger avec vous sur le thème de l’égalité des territoires et de l’accessibilité des services publics, puisque ces questions sont en lien direct avec les textes de décentralisation et de réforme de l’action publique sur lesquels nous travaillons avec Anne-Marie Escoffier. J’ai encore en tête les débats que nous avons eus, ici comme au Sénat, sur l’organisation des pôles territoriaux, dans le cadre de l’adoption du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et de l’affirmation des métropoles. Dans ce premier texte, en effet, figurent plusieurs mesures pour les territoires ruraux ou périurbains et apparaissent déjà les premiers outils pour les accompagner dans leurs initiatives et dans leurs projets, afin qu’ils participent à la même dynamique d’innovation et de croissance que celle que l’on constate dans les grandes métropoles. Je tenterai de vous répondre aussi précisément que possible sur les différentes propositions que vous formulerez.

Votre travail souligne la nécessité et l’urgence qu’il y a à agir. Plusieurs propositions ont déjà été traduites dans le droit et elles le seront bientôt dans les faits. Je pense notamment à la question de la mutualisation des moyens. C’est toute la philosophie du premier projet de loi qui a mis en place les outils efficaces d’une meilleure gouvernance. Je pense en particulier aux conférences territoriales d’action publique, que l’on doit en grande part à l’Assemblée nationale, chargées de favoriser un exercice concerté des compétences entre les différentes collectivités, mais aussi, s’agissant plus spécifiquement des débats d’aujourd’hui, aux pôles d’équilibre territoriaux et ruraux qui ont vocation, sinon à susciter les dynamiques, tout au moins à les accompagner sur le long terme. Les EPCI à fiscalité propre pourront même s’accorder pour leur confier de véritables missions et, s’ils le souhaitent, fusionner en leur sein.

Ont également été introduites, dans le champ de l’intercommunalité, des dispositions de nature à permettre aux petites communes et aux petites villes de supporter un avenir plus difficile en termes de moyens. Je pense notamment au coefficient de mutualisation pour les intercommunalités, sur lequel travaille en ce moment Anne-Marie Escoffier, mais il faudra sans doute plusieurs semaines, sinon plusieurs mois, pour trouver la bonne solution. La mutualisation est aussi un levier mis à la disposition des territoires les plus fragiles, pour acquérir véritablement l’esprit intercommunal qui concrétise la volonté d’un projet entre communes solidaires – je ne manque d’ailleurs jamais de souligner que l’intercommunalité d’Annonay a réussi avant bien d’autres à être exemplaire. Dans leur rapport, Mme Delga et M. Morel-A-L’Huissier recommandent la mise en oeuvre de schémas départementaux d’accès aux services. Jusqu’en 2006, date de leur suppression, il existait des schémas départementaux d’organisation et de modernisation des services publics. Il s’agit aujourd’hui de les réactiver, de les élargir, de les renforcer, de les rendre plus efficaces et de les mettre en cohérence avec les compétences des collectivités. Une dizaine de départements ont déjà commencé à travailler sur une préfiguration, sous l’égide du ministère du logement et de l’égalité des territoires de Cécile Duflot.

Tous les opérateurs publics et privés assumant une mission d’intérêt général sur le département ont vocation à être associés à leur élaboration. C’est d’ailleurs dans ces schémas que seront esquissées les grandes lignes de la répartition géographique des futurs relais de l’action publique – quelle que soit leur forme juridique – que le Gouvernement entend mettre en place avec tous les acteurs concernés. Mesdames et messieurs les députés, nous aurons, je l’espère, l’occasion de constater que nos positions se rejoignent : le développement des maisons de services publics que vous proposez figure dans le projet de loi sur l’égalité des territoires. Un fonds destiné à en financer la mise en place sera proposé par Mme Duflot pour faire de cette idée une réalité tangible.

La loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 définit un principe « d’égal accès au savoir et aux services publics sur l’ensemble du territoire » et confère à l’État le rôle d’assurer « la présence et l’organisation des services publics » dans le respect de ce principe. Nous allons enfin mettre les moyens en face de cette politique, de concert avec l’État et, je l’espère, avec les grands opérateurs. L’État lui-même doit revoir sa manière de fonctionner, en particulier l’État territorial. Depuis ma prise de fonction, c’est l’action publique prise globalement que je défends. Il n’y a pas des acteurs publics, des guichets, des locaux ou des maisons mais, pour les Français, il y a une action publique, une fonction publique et les élus sont tous, à un moment ou à un autre, perçus comme comptables des décisions prises par les uns ou par les autres, pour les uns ou pour les autres. Montrons à nos concitoyens notre capacité à converger là où ils nous attendent le plus.

La ministre de l’égalité des territoires et du logement a annoncé la mise en place de 1 000 maisons de service au public d’ici à 2017. Dans le cadre de la révision de la charte de la déconcentration et de la réforme du réseau des sous-préfectures, je réfléchis également, sous l’égide du Premier ministre, avec le ministre de l’intérieur Manuel Valls, à la manière dont nous devons avancer pour éviter de créer de nouveaux doublons. Cela est complexe, car il n’y aura certainement pas deux départements identiques. Mais l’enjeu est capital, puisque c’est celui de l’égal accès au service public, fondement de notre pacte républicain. Trop de nos compatriotes éprouvent des difficultés à accéder à l’emploi, aux transports et aux services essentiels, qu’ils soient publics ou privés, tels que les guichets bancaires, les pharmacies ou les médecins. Trop d’entre eux, dans les quartiers populaires comme dans les campagnes périurbaines, dans les petites villes frappées par la désindustrialisation et le départ des services publics, ou encore dans les zones hyper rurales ou montagnardes, madame Massat, nous expriment, très distinctement aujourd’hui, leurs besoins, leurs attentes et leurs fragilités.

Cette réalité menace ce qui fait une grande part de l’attractivité de nos territoires, de notre développement économique et de notre compétitivité internationale. Parce que je suis aussi, avec Anne-Marie Escoffier, responsable des collectivités, qui sont de bons relais, j’ai clairement conscience de ces difficultés. Certes, l’État et les collectivités publiques n’ont pas à répondre à l’objectif qui serait celui de mettre tout habitant à équidistance d’un service, qu’il habite en ville ou à la campagne. Ne mettons pas les villes à la campagne ! Le choix de vivre à la campagne a des avantages propres et la solidarité nationale ne pourra jamais prétendre combler les attentes des citoyens qui choisissent ou sont obligés de s’y installer, en espérant y trouver tous les avantages de la ville. Quand bien même nous le voudrions, les finances de notre pays, sur lesquelles veille Christine Pires-Beaune, et ses ressources foncières et naturelles ne le permettraient pas, mais ne pénalisons pas ceux qui y vivent, ceux qui y restent et ceux qui n’ont pas d’autres choix.

Il y a donc urgence à développer d’autres types de services, sur la base de nombreuses expériences qui ont déjà vu le jour : partage de personnel, stations itinérantes, regroupements de services publics ou privés. Parce que les difficultés de certains territoires se sont exacerbées, des réponses différenciées doivent aussi être trouvées dans les départements comme dans les régions. Voilà sans doute ce que j’ai entendu le plus souvent depuis vingt et un mois : la nécessité de reconnaître la diversité des territoires. Les réformes que nous conduisons visent à créer des territoires attractifs économiquement et socialement. Tel est, par exemple, l’objectif en matière de couverture numérique du territoire. Monsieur Morel-A-L’Huissier, vous qui tenez beaucoup à la notion d’adaptation du droit aux territoires,…

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