Intervention de Jean-Paul Chanteguet

Séance en hémicycle du 15 avril 2014 à 15h00
Interdiction de la mise en culture du maïs génétiquement modifié mon 810 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question des organismes génétiquement modifiés constitue l’une des plus sensibles que notre assemblée est amenée à traiter. Ce sujet transversal concerne bien des thématiques : l’environnement, l’agriculture, la santé, la recherche scientifique. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a été saisie au fond du texte dont nous débattons en raison de sa dimension environnementale avérée et des préoccupations de développement durable qui lui sont liées.

La réglementation des OGM est à la croisée du droit européen et du droit national : s’il ne renvoie pas directement à l’épineuse question de la subsidiarité, ce sujet s’inscrit néanmoins dans un partage de compétences comme le montrent différents projets de révision de la directive OGM de 2001, qui tendent à laisser aux États membres la possibilité d’interdire la culture d’OGM sur leur territoire en se fondant sur d’autres motifs que l’environnement ou la santé.

Malgré les contraintes de temps, notre rapporteure Geneviève Gaillard a accepté son rôle en raison notamment de son engagement, connu de longue date, en faveur de la préservation de la biodiversité.

Je ne reviendrai pas sur les explications relatives à l’évolution récente du droit européen, sauf pour souligner certaines interrogations : comment une décision du Conseil européen peut-elle être bloquée par cinq pays, dont certains sont tout à fait étrangers à la culture d’une céréale comme le maïs, si ce n’est par position idéologique et alors même que dix-huit pays se sont prononcés de la même manière que la France ?

Mais le sujet des plantes génétiquement modifiées tend aussi à opposer les études, les conclusions ou le regard des organismes européens et des organismes français. Les conclusions de l’Agence européenne de la sécurité alimentaire, l’EFSA, et celles de l’ANSES ou du Haut conseil des biotechnologies diffèrent ou ne sont pas en phase. Personnellement, j’ai plutôt confiance dans les avis et les recommandations de l’ANSES dont l’impartialité et l’excellence des méthodes ne sont plus à souligner.

C’est d’ailleurs ce qui explique le dépôt, en décembre 2012, d’une proposition de résolution au titre de l’article 34-1 de la Constitution sur les risques sanitaires et environnementaux insuffisamment documentés, dans laquelle, je le rappelle, nous demandions deux choses : d’une part, que les études sur les effets sanitaires à long terme de la consommation de plantes génétiquement modifiées et des pesticides associés soient engagées grâce à des fonds publics et soient menées par des laboratoires indépendants de leurs fabricants, que soient définis, en toute transparence, des protocoles d’investigation et que les résultats de ces études soient rendus publics et fassent l’objet d’un débat contradictoire ; d’autre part, que toutes les mesures appropriées soient prises afin de permettre aux agences de sécurité sanitaire de mobiliser des financements en vue d’une recherche publique, indépendante et transparente, seule de nature à consolider les connaissances scientifiques sur les risques sanitaires et environnementaux insuffisamment documentés.

Les décisions prises par le Gouvernement français à quatre reprises pour interdire la commercialisation, l’utilisation et la culture d’une variété de maïs OGM reposent avant tout sur une appréciation que nous partageons tous concernant les risques liés au maïs MON 810, qui doivent conduire à l’application du principe de précaution.

Si les arrêtés ministériels de décembre 2007, de février 2008 et de mars 2012 ont été annulés par le Conseil d’État, en 2011 puis en 2013, c’est au nom d’une « erreur manifeste d’appréciation », au regard de l’avis de l’EFSA, et en considérant qu’il n’y avait pas de risque manifeste pour l’environnement. Or de nouvelles études scientifiques soulignent bien les impacts sur l’acquisition de résistances par les insectes ravageurs et sur la mortalité d’autres insectes sensibles comme les lépidoptères. Nous n’avons déjà que trop tardé à reconnaître les liens de causalité entre l’utilisation irraisonnée de produits phytosanitaires et la mortalité des abeilles : ne prenons pas de nouveaux risques !

Je regrette que nos débats en commission n’aient pas traité de réflexions simples : quel type d’agriculture voulons-nous pour les prochaines décennies ? Ne faut-il pas privilégier un projet agro-écologique pour la France ? Quels risques sommes-nous prêts à accepter et pour quels avantages ? En d’autres termes, les performances attendues des OGM doivent-elles ou non céder le pas devant les considérations environnementales ? N’oublions pas, en effet, que la propension fréquente à opposer performance écologique et performance économique n’est pas porteuse d’avenir.

Nos débats ont été anormalement tendus parce que certains ont voulu mettre l’accent sur deux critiques, l’une portant sur le fond, l’autre sur le calendrier. Or, aucune n’est fondée. Sur le fond, faut-il rappeler que tous les gouvernements, quelle que soit leur tendance politique, ont pris les mêmes arrêtés d’interdiction ? M. Stéphane Le Foll aujourd’hui se trompe-t-il alors que M. Bruno Le Maire avait raison hier ? S’agissant du calendrier, la situation actuelle de blocage et l’imminence des semis appelaient une initiative pour mettre en place un dispositif conservatoire. C’est ce qui explique l’urgence de nos travaux.

Enfin le groupe écologiste a déposé le 27 février une autre proposition de loi visant à interdire la mise en culture de toute plante génétiquement modifiée et aurait souhaité que les deux textes soient débattus ensemble. Or les délais de procédure et la suspension des travaux parlementaires en mars n’ont pas permis d’inscrire cette seconde proposition de loi à l’ordre du jour de la commission et encore moins à l’ordre du jour de notre assemblée. Mais la réunion du 26 février a donné l’occasion au groupe écologiste de déposer des amendements sur le texte no 1797 et, de toute façon, nos débats ont permis d’aborder cette question.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà les raisons pour lesquelles la commission du développement durable demande à l’Assemblée d’adopter le texte en discussion.

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