Intervention de Danielle Auroi

Séance en hémicycle du 29 avril 2014 à 15h00
Déclaration du gouvernement sur le projet de programme de stabilité 2014-2017 débat et vote sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes :

Monsieur le Premier ministre, le débat que nous tenons aujourd’hui a une forte dimension européenne, puisque le plan que vous nous présentez se veut une réponse à la Commission européenne. Mais cette dimension ne peut servir de prétexte à des choix budgétaires contraires à nos choix de société.

Certes, le Gouvernement a proposé des inflexions au projet initial qui nous a été présenté mercredi dernier : je pense aux faibles retraites, sur lesquelles, avec d’autres, j’avais appelé votre attention, messieurs les ministres ; je pense aussi aux engagements sur le RSA et à la mise en oeuvre du plan de lutte contre la pauvreté.

Si ces inflexions vont dans le bon sens et doivent être saluées, modifient-elles l’orientation de fond ?

Certaines des mesures proposées méritent d’être précisées.

S’agissant tout d’abord de la transition énergétique, vous nous avez indiqué par courrier, monsieur le Premier ministre, que vous vouliez en faire une priorité. Mais quels moyens la France est-elle prête à mettre en oeuvre pour entraîner ses partenaires dans la voie d’une politique européenne de l’énergie et du climat, pour investir dans l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables, les transports ou les autres secteurs concernés ? Les projets de loi de finances à venir permettront-ils de préserver notre capacité d’investissement en la matière ?

En ce qui concerne le soutien aux ménages en difficulté, pouvez-vous nous détailler précisément les nouvelles dispositions fiscales ?

Il semble que, si les mesures que vous proposez, monsieur le Premier ministre, constituent une première avancée, elles demeurent insuffisantes au regard de la situation difficile que vivent nombre de nos concitoyens et qui les pousse à douter de la France comme de l’Europe.

Certes, nous avons pris des engagements auprès de nos partenaires européens, et il est sain de prendre le problème de la dette à bras-le-corps, s’il s’agit de créer de l’emploi. Mais il ne faudrait pas que le remède tue le malade. Ayons à l’esprit la protection des plus faibles d’entre nous et donnons des perspectives aux jeunes fortement touchés par le chômage, partout en Europe.

Comment nous assurer que les services publics, gages d’égalité, seront préservés ? Le programme de stabilité que vous nous avez soumis aujourd’hui ne va-t-il pas conduire à une remise en cause des missions de service public assurées par l’État, les collectivités territoriales ou l’hôpital ? Veillons à ce que les mesures contenues dans le pacte de responsabilité – poids non négligeable pour nos finances publiques – soient efficaces, ciblées sur la création d’emplois de qualité et évitent les effets d’aubaine. À cet égard, monsieur le Premier ministre, pouvez-nous préciser les contreparties qui seront spécifiquement demandées aux multinationales ?

Où en est la grande réforme fiscale annoncée ? Comment la mobilisation de l’épargne sera-t-elle mise au service de l’économie réelle, y compris l’économie sociale et solidaire ? Même l’OFCE et le FMI sont sceptiques quant à l’efficacité d’une relance fondée sur une rigueur exacerbée : voilà plus de deux ans que le FMI l’affirme et le réaffirme. L’exemple actuel de la reprise américaine, synonyme d’inégalités, d’injustice et de péril écologique, nourrit à juste titre les critiques que nous formulons à l’égard d’une vision du développement réduite au seul PIB.

Ce débat ne se réduit donc pas au cadre national : il est avant tout européen. À quelques semaines des élections qui décideront de l’avenir de l’Union, pour restaurer la confiance dans le projet européen, nous devons veiller à ce que le programme de stabilité soit efficace, juste et relance une Europe qui ne se limite pas à la seule loi des marchés financiers. Cela suppose une politique monétaire plus active et une politique de change plus réaliste. Mettre en cause l’euro fort, oui, vous avez raison, mais au service d’un projet social européen.

La France pourrait redevenir le porte-parole de l’Europe qui souffre et qui attend une Union plus solidaire, prête à répondre aux enjeux de fond, à commencer par le réchauffement climatique ou l’épuisement des ressources naturelles. Ne réduisons pas l’Europe à la mise en oeuvre de politiques de rigueur mais permettons-lui de s’incarner dans le domaine social, dans l’innovation créatrice de prospérité partagée. C’est l’essentiel pour nos concitoyens, qui souffrent actuellement. C’est tout l’enjeu de l’affirmation de la dimension sociale de l’Union économique et monétaire. Notre commission des affaires européennes, très active en la matière, plaide par exemple en faveur de la mise en place d’une procédure pour déséquilibres sociaux, sur le modèle de la procédure pour déséquilibres macroéconomiques existant aujourd’hui.

Dans le même esprit, notre commission s’est beaucoup investie – avec succès, vous le savez – dans le dossier de la directive relative aux travailleurs détachés. Aussi, plutôt qu’une compétition déflationniste aux dépens des salaires les plus bas, les propositions françaises doivent s’organiser autour de la solidarité. C’est ainsi qu’ensemble, nous traiterons du nivellement – qui ne doit pas se faire par le bas – et que nous pourrons proposer une Europe solidaire, tournée vers l’avenir, qui, me semble-t-il, aura du sens pour nous tous, les Français comme les autres Européens.

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