Intervention de Geneviève Fioraso

Séance en hémicycle du 26 juin 2014 à 9h30
Développement et encadrement des stages — Présentation

Geneviève Fioraso, secrétaire d’état chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche :

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, je tiens tout d’abord à remercier ceux qui ont été à l’initiative de cette proposition de loi, vous en particulier, Mme Chaynesse Khirouni.

Elle honore tout d’abord l’engagement présidentiel no 39, par lequel le Président de la République avait affirmé : « J’encadrerai les stages pour empêcher les abus. » Elle fait également écho aux propos que celui-ci a tenus lors d’une conférence de presse au mois de janvier dernier : « Quand on a vingt-cinq ans, qu’on a fait des études et qu’on est obligé d’accepter un stage et de la précarité, c’est là aussi invivable. »

Cet engagement était important à respecter non seulement pour redonner confiance aux jeunes, mais aussi pour simplifier une procédure qui devenait illisible pour tous ; entreprises, organismes d’accueil, jeunes, enseignants et encadrants des établissements de formation. Il fallait faire trois choses : redéfinir, simplifier et responsabiliser. Je les reprendrai une par une.

Redéfinir consiste à répéter que les stages sont non pas un sas de pré-embauche mais un élément intrinsèque de la formation. En ce sens, ils ne sont pas destinés uniquement aux masters 1 et 2 et doivent s’adresser davantage au premier cycle, ce qui est l’un des objectifs de la proposition de loi ; aujourd’hui, ils ne concernent que 2 % des étudiants de première année.

Un stage est pourtant un élément à part entière de la formation et permet en outre aux jeunes de confirmer ou d’infirmer un choix d’orientation, car seule une immersion dans le milieu professionnel peut faire comprendre si le projet professionnel que l’on a choisi correspond à nos aspirations. Il est d’ailleurs préférable de se réorienter à l’issue d’une première année que de s’apercevoir en fin de cursus que le métier qu’on va exercer ne correspond pas à l’idée que l’on s’en faisait. En outre, les réorientations précoces pénalisent beaucoup moins les jeunes issus des milieux socio-professionnels les moins favorisés.

Par ailleurs, les stages ne sont pas assimilables à un emploi et ne sont pas encadrés par un contrat de travail. Trop souvent, au cours des discussions que nous avons eues, nous nous sommes aperçus que l’on confondait stage, apprentissage et alternance. Il était par conséquent essentiel d’associer au stage un volume de formation déterminé et une convention qui engage à la fois l’encadrant dans l’établissement de formation, le professionnel au sein de l’organisme, l’administration ou l’entreprise d’accueil et le stagiaire, qui devait être davantage responsabilisé et mieux connaître ses droits et devoirs.

Il était donc très important de redéfinir le stage comme un élément intrinsèque de la formation, et ce, dès le début du premier cycle des études supérieures. Toutes les études montrent en effet que, lorsqu’on peut justifier sur son CV d’une expérience professionnelle in situ, d’une immersion professionnelle, à niveau de formation égal, on double ses chances d’être embauché.

Le deuxième point, c’est la simplification. La définition juridique du stage était loin d’être claire, dans la mesure où cinq dispositifs législatifs s’étaient succédé, où le code de l’éducation aussi bien que le code du travail étaient concernés, que parmi les décrets qui avaient été pris, certains étaient contradictoires entre eux et que d’autres contredisaient l’esprit de la loi dont ils étaient issus. Les entreprises, comme les stagiaires et les encadrants, ne savaient plus très bien quelles étaient la définition d’un stage et les modalités d’accueil et de gratification des stagiaires.

Il était donc urgent de simplifier, de façon à avoir un seul dispositif légal, un seul code de référence, celui de l’éducation et des décrets transparents. Leur contenu ne sera pas une surprise, car les questions relatives au nombre de stagiaires par référent dans la structure d’accueil ou aux modalités d’accompagnement par les organismes de formation ont été déjà abordées lors des débats.

Le troisième point, c’est la responsabilisation. Il était essentiel que la structure d’accueil, le jeune et l’encadrant dans l’organisme de formation soient responsabilisés en signant une convention. Celle-ci ne constitue pas de la paperasserie supplémentaire, comme je l’ai entendu ; elle consacre un engagement tripartite. Chacun connaît ses droits et ses devoirs, ce qui évite que l’une ou l’autre des parties n’abandonne le stage ou que le stage ne se déroule dans de mauvaises conditions. Il ne faut pas que les abus, les irrégularités et les dysfonctionnements – qui sont mineurs, nous l’avons dit à plusieurs reprises – portent atteinte à l’ensemble des stages et à la considération qui leur est portée.

Redéfinition, simplification, responsabilisation sont les trois mots-clés que la rapporteure, Chaynesse Khirouni, a pu développer tout au long de la concertation, qui a duré six mois. Il est important de saluer le travail qui a été fourni à cette occasion, car il a grandement facilité, au-delà de certaines postures, le dialogue au Sénat et à l’Assemblée. Cette concertation a étroitement associé le ministère du travail et celui de l’enseignement supérieur et de la recherche.

A l’Assemblée nationale, 123 amendements ont été examinés, 21 ont été adoptés. La proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des groupes GDR, SRC, écologiste et RRDP, après neuf heures de débat. Au Sénat, 24 des 150 amendements examinés ont été adoptés. Je salue le travail du rapporteur, Jean-Pierre Godefroy, et de l’ensemble de sa commission. La proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des groupes CRC, socialiste, écologiste et RDSE, le groupe de l’Union centriste s’étant abstenu. Les débats ont duré presque onze heures.

Je salue la qualité et la richesse de ces échanges, qui ont permis aux parlementaires d’enrichir le texte. Ils ont précisé les missions des établissements d’enseignement, chargés d’appuyer l’élève ou l’étudiant dans sa recherche de périodes de formation en milieu professionnel ou de stages. Ils ont facilité l’accès à l’information. Ils ont précisé les conditions d’encadrement des stages à l’étranger – sachant qu’une expérience à l’étranger augmente de 60 %, à compétences égales, les chances d’embauche d’un jeune. Ils ont tenu compte de certaines spécificités, celles des TPE, comme les start-up, qui bénéficieront par décret du relèvement du plafond du nombre de stagiaires. Il faut savoir que le nombre de stagiaires peut se cumuler avec celui des apprentis, car nous avons défini que le stage, contrairement à l’apprentissage, n’était pas une période de travail et ne pouvait donner lieu à un contrat de travail.

Nous avons aussi tenu compte des spécificités des maisons familiales et rurales. Le Gouvernement proposera tout à l’heure un amendement afin de modifier un dispositif adopté en CMP qui porte à trois mois au lieu de deux la durée nécessaire de stage donnant droit à une gratification.

Les débats parlementaires ont permis d’améliorer les dispositions, les conditions d’accueil et les droits des stagiaires, les autorisations d’absence en cas de grossesse, de paternité ou d’adoption, les protections relatives aux durées maximum de présence et aux périodes de repos. Un stagiaire doit bénéficier le plus possible des mêmes conditions que celles dont jouissent les salariés, sachant qu’il n’est pas un salarié, mais qu’il se trouve immergé dans un milieu professionnel dont il doit connaître les codes, les cultures et les conditions réglementaires.

Enfin, les débats parlementaires ont permis d’élargir à tous les stagiaires les avantages et les droits des salariés – titres restaurant, accès à la restauration collective. Le Sénat a augmenté la gratification des stagiaires lorsqu’ils effectuent un stage de plus de deux mois.

Ce texte peut nous rassembler, car il est de nature à redonner la confiance à une jeunesse qui considère trop souvent, et à juste titre, que la part qui lui est faite dans la société n’est pas suffisante, et certainement pas à la hauteur de l’avenir que nous devons préparer avec elle.

Ce texte s’inscrit dans un esprit constructif, de dialogue, qui n’a rien à voir avec l’image de texte contraignant que l’on veut parfois lui prêter. Je rappelle que ce procès d’intention avait été fait à la majorité d’alors, lors de l’adoption des quatre premiers textes législatifs – je ne parle pas du cinquième texte, intégré dans le projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche en 2013, qui anticipait cette proposition de loi. Depuis, le nombre de stagiaires a doublé, passant de 600 000 à 1,2 million.

On voit bien que les stages correspondent à un besoin. Il convenait de clarifier la situation juridique, la position des stages au sein d’une formation, pour éviter les abus dans l’offre de formation aussi bien que dans l’accueil dans certaines structures – dans des secteurs comme celui des sondages ou de la communication, on a parfois vu des proportions allant jusqu’à 80 % de stagiaires. Il convenait aussi de redonner confiance et de le faire en concertation avec les entreprises. Entreprises, organismes, formateurs et jeunes, nous partageons tous le même avenir, celui de notre pays. Il passe par la qualification des jeunes, largement améliorée par les stages.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion