Intervention de Laurence Abeille

Séance en hémicycle du 23 juillet 2014 à 15h00
Égalité entre les femmes et les hommes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Abeille :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, s’il est bien un objectif qui doit être et qui, je le pense, est partagé sur tous les bancs de cette assemblée, c’est bien celui de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Nous votons aujourd’hui le texte issu de la CMP d’un projet qui a fait l’objet d’une certaine unanimité, d’un certain consensus, depuis le début de son examen. Ce consensus est rassurant car cela démontre une volonté commune de tous les partis politiques de mettre fin aux inégalités entre les hommes et les femmes.

Ce texte fait d’ailleurs suite aux combats précédents déjà menés dans notre hémicycle. Je pense, bien sûr, à Simone Veil ou, plus récemment, à nos collègues Nicole Ameline et Marie-Jo Zimmermann.

Un rappel de ces quelques dates montrera à quel point cet objectif d’émancipation des femmes et d’égalité entre les femmes et les hommes est difficile à atteindre, malgré les bonnes volontés.

Pour rappel, il a fallu attendre 1965 pour que les femmes mariées puissent exercer une profession sans l’autorisation de leur mari.

Ce n’est qu’en 1967 que la loi permet aux femmes de commencer à décider de leur maternité, avec l’autorisation de la contraception.

Ce n’est qu’en 1970 que l’autorité parentale remplace la puissance paternelle.

En 1972, le principe « travail égal, salaire égal » est reconnu, sans pour autant que cela devienne une réalité, hélas.

L’interruption volontaire de grossesse n’est votée qu’en 1975. Elle ne sera prise en charge par la Sécurité sociale qu’en 1982 et remboursée à 100 % que grâce au PLFSS pour 2013 !

Cette prise en charge, je le rappelle, a eu lieu grâce à l’action d’Yvette Roudy qui, dans la foulée, posa le principe de l’égalité professionnelle entre femmes et hommes et ouvrit le congé parental.

Un pas important est franchi en 2000 par le gouvernement de Lionel Jospin, avec la loi sur la parité.

À partir de 2004, le législateur s’attaque aux violences. La loi de 2010 vient confirmer cette volonté.

Notre collègue Marie-Jo Zimmermann, qui a été à l’origine de la loi de janvier 2011 pour une meilleure représentation des femmes dans les conseils d’administration des sociétés cotées, est un exemple de cette détermination durable dont il faut faire preuve pour faire avancer l’égalité dans les textes législatifs.

Car le constat de la situation actuelle reste néanmoins accablant. Si un léger mieux s’est fait ressentir cette année en passant, je crois, en dessous des 20 %, l’écart salarial entre les hommes et les femmes reste globalement énorme.

La réduction puis l’abolition des inégalités salariales – et professionnelles, plus largement – sont l’un des leviers que le Gouvernement et l’ensemble de la représentation nationale doivent activer au plus vite.

Ces inégalités sont la source de nombreux dysfonctionnements. Ainsi le cas du congé parental. Compte tenu du montant de l’indemnité versée, dans un couple, ce sera nécessairement celui ayant le salaire le moins élevé qui se retrouvera forcé de prendre le congé, afin d’éviter une perte de pouvoir d’achat trop importante.

Or, comme je le disais, avec les écarts salariaux entre hommes et femmes, ce seront donc majoritairement les femmes qui partiront en congé parental.

De même, avec un salaire moindre, les cotisations sont, de fait, moindres. Cela se ressentira donc en cas de périodes de chômage ou sur le montant de la retraite. Il est ainsi grand temps de remédier à cela.

Ce projet de loi va véritablement dans le bon sens.

D’abord, par son aspect transversal. Il ne se contente pas uniquement d’aborder l’aspect professionnel – bien qu’il s’agisse d’une priorité, comme je le disais. Il aborde également les questions de violence, de représentativité, de lutte contre la précarité, ou encore des sanctions, j’y reviendrai.

Ainsi, il est prévu de renforcer l’égalité professionnelle et les droits des femmes, notamment, en situation de précarité.

Cela se concrétise par le renforcement de la lutte contre les inégalités professionnelles, notamment salariales, entre les hommes et les femmes.

Source de beaucoup d’inégalités aussi bien financières que sociales, l’accès à l’égalité professionnelle doit être une priorité de la représentation nationale, comme je le soulignais précédemment. Aggraver les sanctions, les diversifier, imposer l’égalité professionnelle aux entreprises est indispensable pour l’atteindre.

Concernant les droits des femmes, des dispositions intéressantes sont également prévues. Je pense, notamment, à l’expérimentation visant à établir des garanties contre les impayés alimentaires ou bien à une autre expérimentation permettant le versement direct des prestations aux assistants maternels.

Ces deux mesures s’adresseront en priorité aux femmes les plus défavorisées, et c’est une excellente chose.

Enfin, comment ne pas souligner l’article prévoyant la suppression de la situation de détresse pour les femmes désirant interrompre une grossesse ? Alors que l’Espagne semble replonger des décennies en arrière et que certains, en France, continuent leur campagne de désinformation et leurs manifestations aussi insupportables qu’inefficaces, cette mesure est un message rassurant et important pour toutes nos concitoyennes.

Un message important de ce volet du texte concerne la protection contre les violences. Le renforcement des sanctions contre le harcèlement, la précision législative du concept de harcèlement psychologique sont autant de dispositions qui étaient attendues et nécessaires.

Dans le même sens, la lutte contre les mariages forcés est un signal fort.

Les écologistes saluent également les mesures facilitant l’obtention de papiers par les étrangères victimes de violences, ainsi que le rapatriement des victimes depuis l’étranger.

Les chiffres sur les violences faites aux femmes en France font encore froid dans le dos : 400 000 femmes victimes de violences conjugales déclarées en deux ans, 10 % de femmes victimes de violences conjugales, 148 femmes mortes sous les coups de leur conjoint en 2012.

Cela démontre la nécessité qu’il y avait de légiférer sur le sujet.

Quant aux mesures prises, elles vont dans le bon sens. Le principe du maintien de la victime dans le logement du couple en cas de violence, la suppression de la médiation en cas de violences dans le couple, ou encore la généralisation de la télé-protection en cas de danger de violence sont autant de dispositions qu’il convient de soutenir.

Je souhaite ajouter un message concernant la banalisation des violences faites aux femmes à travers la terminologie : lorsqu’une femme meurt sous les coups de son conjoint, il est souvent question de « drame conjugal ». Or, c’est un meurtre, un assassinat, ce n’est pas un drame conjugal, formule qui tend à banaliser de tels actes.

Ce soutien, les écologistes l’apportent également aux mesures en faveur de la parité. Qu’elle soit favorisée dans le monde professionnel, dans le monde associatif, dans le monde de la culture, c’est important. Qu’elle le soit dans la vie politique, c’est nécessaire et primordial. C’est pourquoi nous nous félicitons du renforcement des sanctions à l’encontre des partis politiques ne mettant pas en oeuvre la parité.

Bien sûr, nous avons certains regrets. Tout d’abord, on aurait pu envisager une réforme du congé parental plus ambitieuse, de plus grande envergure, avec la mise en place d’un congé plus incitatif pour les pères, afin de favoriser une meilleure répartition des tâches domestiques.

Nous pouvons également regretter – je parle, notamment, au nom de mon collègue Sergio Coronado, qui avait défendu plusieurs amendements sur le sujet – le manque de prise en compte des questions de sécurisation des femmes étrangères en cas de violences familiales.

C’est une question d’urgence et il est donc fort dommage que ce texte n’ait pas été considéré comme le bon véhicule pour apporter une réponse à ces femmes.

Enfin, je me permettrai une légère digression car cela ne fait pas partie du texte à proprement parler mais s’inscrit dans la même ligne directrice. Outre la voie législative, le Gouvernement avait décidé de mettre en place les ABCD de l’égalité afin d’éduquer dès le plus jeune âge à l’égalité entre les filles et les garçons. C’était une excellente chose.

Si l’on peut comprendre votre volonté, madame la ministre, de changer le programme afin d’apaiser les franges les plus conservatrices de notre société, j’espère que cela ne signifie pas le report sine die de ce programme éducatif mais, simplement, son remplacement par un autre qui susciterait moins de fantasmes chez ses détracteurs.

Les écologistes y seront attentifs car nous avons toujours prôné la mise en place de politiques volontaristes pour l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est le cas de ce projet de loi et nous y sommes donc totalement favorables.

Nous vous remercions, madame la ministre, de votre opiniâtreté sur ce sujet et pour cette loi qui, je crois, comme l’a dit une collègue, contribuera à promouvoir un monde meilleur.

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