Intervention de Laurence Rossignol

Séance en hémicycle du 9 septembre 2014 à 15h00
Adaptation de la société au vieillissement — Présentation

Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie :

La vieillesse est plurielle. Elle ne transforme pas non plus en clones des personnes qui étaient toutes différentes hier encore. La vieillesse n’uniformise pas les individus pour les dépersonnaliser en une vaste tranche d’âge composée d’êtres humains qui auraient tous les mêmes désirs, les mêmes besoins et aspireraient aux mêmes conditions de vie.

Vieillir, c’est souvent renoncer progressivement à des petites choses que l’on faisait encore hier et que l’on ne fait plus aussi vite ou facilement aujourd’hui. Mais vieillir c’est ne jamais renoncer ni à sa dignité ni au droit de choisir sa vie. Ce projet de loi enrichi d’amendements parlementaires consacre que les droits de la personne sont intangibles et inaliénables. Ce que nous instaurons, à travers lui, c’est une politique qui prend appui sur les parcours, et non sur une conception abstraite de la vieillesse.

Ce texte développe une approche globale et transversale qui repose sur trois piliers complémentaires : anticiper et prévenir ; adapter la société ; accompagner la perte d’autonomie.

Anticiper, pour repérer et mieux combattre les facteurs de risque de la perte d’autonomie. Anticiper, c’est faciliter l’accès aux aides techniques modernes telles que la domotique, le numérique ou la téléassistance, qui viennent en appui aux aides humaines indispensables. Parfois, cela se manifeste simplement par une barre d’appui dans une douche. Anticiper, c’est être présent dans le quotidien. La lutte contre l’isolement, la promotion de l’activité physique adaptée, la prévention de la dépression et du suicide, le bon usage des médicaments sont autant de sujets qui feront l’objet de plans thématiques, portés par ce Gouvernement puis par ceux qui lui succéderont pendant de longues années, et que vous retrouvez dans le rapport annexé à ce projet de loi.

Le deuxième pilier, c’est adapter la société, prendre en compte le vieillissement de la population dans l’ensemble de nos politiques publiques. Le logement, l’urbanisme et les transports en sont bien évidemment au coeur.

L’habitat, en particulier, doit savoir accompagner l’avancée en âge, sous toutes ses formes. Conformément à l’engagement présidentiel, un plan national d’adaptation de 80 000 logements privés sera programmé avec la Caisse nationale d’assurance vieillesse – CNAV – et l’Agence nationale de l’habitat – ANAH. Les logements foyers seront développés, leurs missions redéfinies et une nouvelle aide, le forfait autonomie, sera mise en place pour renforcer les missions de prévention de ces logements. Les résidences services verront quant à elles leur modèle économique sécurisé, les charges payées par les locataires seront enfin liées à l’utilisation réelle des services proposés.

Adapter la société au vieillissement, c’est aussi laisser les intéressés en être acteurs. La création d’un volontariat civique senior et la mise en oeuvre d’initiatives de transmission sont autant de dispositifs qui reconnaissent l’engagement des citoyens âgés et qui sont propices à la cohésion sociale.

Enfin, le troisième pilier consiste à accompagner. Comme d’autres volets de ce projet de loi, nous avons fait le choix de ne pas aborder l’accompagnement de façon restrictive.

Dans le cadre d’une politique de vieillesse qui place l’autonomie au coeur, la question des droits devient alors fondamentale. Accompagner, c’est aussi agir en direction de personnes vieillissantes, donc plus vulnérables, qui peuvent se retrouver en très grande difficulté pour prendre des décisions pour elles-mêmes.

Ainsi, substituer le terme d’accueil à celui de placement dans le code de l’action sociale et des familles révèle toute notre exigence du respect des droits fondamentaux de la personne.

Ce respect du projet de vie de la personne, le projet de loi le renforce sous de nombreux aspects. Je pense d’abord au droit à l’information pour tous. L’information donnée aux personnes selon des modes appropriés à leur état de santé est la condition première et indispensable à l’effectivité de leurs droits. L’extension de ce droit à l’information aux familles participera du respect de l’expression et de la volonté des personnes âgées.

La liberté d’aller et venir en maison de retraite est réaffirmée dans le texte. La garantie de l’expression du consentement de la personne est renforcée par l’institution d’une personne de confiance dans l’établissement du contrat de séjour. À ce sujet, je tiens à saluer le travail engagé par la commission des affaires sociales, qui s’est fortement impliquée sur cette question.

Je l’ai déjà évoqué, l’anticipation est un des trois piliers du projet de loi. Comme le dit un proverbe, « pour vivre longtemps, il faut être vieux de bonne heure ». Plus les personnes auront anticipé, plus elles auront désigné tôt la ou les personnes qu’elles souhaitent voir veiller sur elles lorsqu’elles ne pourront plus le faire elles-mêmes. Pour cela, nous nous appuierons également sur les outils existants, en particulier sur le mandat de protection future.

Accompagner, c’est aussi soutenir les proches aidants. Sur cette question, le projet de loi constitue une avancée considérable et répond aux besoins de près de 8,3 millions d’aidants en matière de santé, d’information, de formation et de conciliation avec leur vie professionnelle de l’aide apportée à leur proche vieillissant. L’évocation de leur action dans le code de l’action sociale et des familles constitue un premier pas. La dimension psychologique n’est pas anecdotique, et la charge est trop importante pour que les aidants ne soient pas nommés ni reconnus pour ce qu’ils font, même s’ils pensent souvent qu’ils ne font que leur devoir et ne se désignent pas eux-mêmes comme des aidants.

En outre, le texte instaure des dispositifs de prise en charge temporaire des personnes accompagnées, afin de garantir aux aidants un droit au répit assorti d’une prestation, qui est l’une des magnifiques innovations de notre projet de loi.

Accompagner, c’est enfin engager l’acte II de l’allocation personnalisée d’autonomie. Marisol Touraine a évoqué cette question de manière très précise il y a un instant : je n’y reviendrai donc pas.

Cependant, je veux aborder un élément que je considère essentiel à la réussite de cette réforme : l’avenir des services d’aide à domicile. Ces derniers sont un maillon indispensable pour un accompagnement à domicile professionnel, sécurisé et respectueux des habitudes de vie des personnes. Leur devenir constitue pour nous un chantier prioritaire. La mobilisation du fonds de restructuration, à hauteur de 130 millions d’euros entre 2012 et 2014, ainsi que les réponses apportées par la loi avec la réforme de l’APA, permettront naturellement un développement de l’activité. Mais ce n’est pas suffisant : en lien avec les départements et les ARS, nous devons aussi apporter des réponses pérennes aux questions de professionnalisation, de conditions de travail, d’égal accès aux services et de modèle économique. Pour cela, nous allons travailler à une réforme organisationnelle et à un décloisonnement des accompagnements et des métiers de l’aide et des soins à domicile.

Vous l’aurez compris : en parallèle du travail parlementaire qui s’opère sur ce texte, le Gouvernement poursuit son engagement en faveur de l’adaptation de la société au vieillissement, à travers non seulement le développement des services à domicile, que je viens d’évoquer, mais aussi un travail sur la tarification des EHPAD et une amélioration de la lisibilité de l’offre.

Grâce au travail de la commission des affaires sociales, ce texte, déjà bien structuré, s’est encore enrichi. Je suis très fière de la mesure qui permettra aux immigrés âgés de plus de 65 ans, ascendants d’enfants français et résidant depuis plus de vingt-cinq ans sur le territoire d’acquérir la nationalité française sur simple déclaration.

La rapporteure, Martine Pinville, a réalisé un travail remarquable, très à l’honneur du Parlement et à la hauteur du respect que le Gouvernement lui porte. Ce travail avait été largement anticipé dans le cadre de son rapport, que j’ai évoqué il y a un instant. Fanny Dombre Coste, pour la commission des affaires économiques, et Jacques Moignard, pour la délégation aux droits des femmes, ont aussi permis d’enrichir le texte. De nombreux députés, de la majorité comme de l’opposition, y ont contribué. Je les en remercie tous.

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