Intervention de Fanny Dombre Coste

Séance en hémicycle du 9 septembre 2014 à 15h00
Adaptation de la société au vieillissement — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFanny Dombre Coste, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mesdames les rapporteures, chers collègues, après la sortie cet été du rapport de la Fondation de France sur l’isolement, on mesure l’importance, pour la cohésion sociale, de la nécessité d’anticiper d’un point de vue quantitatif, mais aussi qualitatif, ce que l’on peut appeler une révolution de l’âge, ou encore le « papy-boom ».

La France est engagée dans un processus de transition démographique inédit et une augmentation de la durée de vie qui est une chance pour la société française, mais aussi un défi immense pour les générations à venir.

Les personnes âgées de 60 ans et plus, au nombre de 15 millions aujourd’hui, seront 20 millions en 2030, 24 millions en 2060, soit une personne sur trois. Et parmi elles, le nombre des plus de 90 ans va quasiment quadrupler.

Cette révolution de l’âge représente une formidable opportunité de développement économique. C’est le sens du lancement de la filière Silver économie en décembre 2013 par notre collègue Michèle Delaunay. On pense bien sûr aux objets connectés, à la robotique, à la domotique, secteurs identifiés dans le cadre des 34 plans pour une nouvelle France industrielle et qui représentent 300 000 emplois potentiels. Mais c’est aussi l’occasion d’adapter la ville, les transports, l’accès au soin et bien sûr les logements. Au vu des chiffres évoqués, on mesure l’impact en termes de croissance et d’emplois. Au Japon, par exemple, cette politique anticipée il y a vingt ans génère entre 0,3 et 0,5 point de croissance.

Au-delà de l’aspect économique, cette révolution de l’âge doit nous amener aussi à changer notre regard. Il s’agit de créer les conditions d’une société plus inclusive qui anticipe la perte d’autonomie et adapte ses politiques publiques dans tous les champs de la société : mobilité, logement, accès aux soins, aménagement du territoire.

C’est tout l’intérêt de ce texte visant à mettre en place un cadre qui permette une approche transversale des enjeux et les réponses à y apporter. La commission des affaires économiques, au regard de ses compétences en matière de logement et d’urbanisme, s’est saisie pour avis des articles 11 à 16 du projet de loi, relatifs aux établissements d’hébergement pour personnes âgées et aux PLH, programmes locaux de l’habitat.

La question de l’habitat est centrale pour les personnes âgées. De plus, il existe un lien étroit entre habitat et autonomie, car l’environnement matériel est facteur d’accélération du vieillissement quand il est inadapté. On note que 90 % des Français préfèrent adapter leur logement plutôt que le quitter. Par ailleurs, seulement 20 % des plus de 85 ans seront concernés par une forte dépendance et auront recours à des établissements médicalisés.

L’objectif premier est donc de permettre le maintien à domicile et en conséquence l’adaptation des logements privés. Cela concerne non seulement 75 % des seniors qui sont propriétaires, mais aussi les bailleurs sociaux qui devront adapter leur offre. C’est le sens d’un amendement que je présenterai.

Le Président de la République a fixé un objectif : l’État devra adapter 80 000 logements aux contraintes de l’âge et du handicap d’ici à la fin du quinquennat. L’inscription d’objectifs de renouvellement et d’adaptation des logements dans les programmes locaux de l’habitat illustre cette volonté.

L’offre actuelle de logement destinée aux personnes âgées montre que les seniors n’ont aujourd’hui le choix qu’entre trois types d’habitat : le logement additionnel, souvent inadapté à la perte d’autonomie ; les résidences médicalisées EHPAD et les résidences services dont les prix restent relativement élevés. Il y a là un enjeu de mixité sociale et de cohésion sociale.

La réponse à apporter ne peut en aucun cas être uniforme. Il conviendra d’assurer une diversité de l’offre de logements pour répondre à l’ensemble des besoins. Outre l’objectif du maintien à domicile, le texte traite donc de la nécessité de développer une offre intermédiaire entre la maison de retraite médicalisée et le domicile.

Je salue la réforme du fonctionnement des résidences services de première génération ayant le statut de copropriété, afin de garantir l’avenir de leur modèle économique et de mieux protéger leurs occupants des charges devenues excessives, que le logement soit occupé ou non. Des mesures seront sans doute nécessaires pour accompagner la transition entre ces deux modèles de première et deuxième générations.

Mais les résidences services ne peuvent prétendre répondre à tous les besoins, le ticket d’entrée n’en permettant pas l’accès à tous. C’est pour cette raison que de nouveaux projets d’innovation sociale ont vu le jour. Je pense au projet Octave à Lille, aux Babayagas à Montreuil ou encore au projet des « Grisettes » à Montpellier. Parce qu’elles correspondent également à une demande d’habitat partagé et solidaire qui ne cesse de croître, ces résidences services à coût social devront pouvoir se développer dans un cadre juridique adapté et sécurisé. Cette question devra être encore approfondie.

J’aimerais évoquer également la pratique, qui se développe, du logement intergénérationnel, portée par des associations comme le Pari Solidaire ou encore Concorda Logis. C’est un modèle amené à se développer, particulièrement dans les villes universitaires, qui apporte à la fois une réponse à l’isolement et une réponse financière à nos anciens et à nos jeunes. Là encore, le cadre juridique est insuffisant et, à cet égard, je salue l’écoute du Gouvernement sur le sujet ainsi que la qualité du travail de notre rapporteure Mme Pinville. Un rapport permettra, à terme, d’indiquer comment sécuriser juridiquement et fiscalement cette nouvelle pratique de cohabitation.

Pour conclure, en tant que rapporteure de la commission des affaires économiques, je donne un avis favorable sur les questions relatives au logement. Je salue un texte ambitieux qui se concrétisera par étapes, une autre vison qui nous est proposée du vieillissement, une réponse au défi de la révolution de l’âge au caractère universel avec comme principe fondateur l’égalité de tous les citoyens face au risque de la perte d’autonomie.

En ce sens, ce projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement comporte une dimension éthique et sociétale majeure qui fera date, je n’en doute pas.

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