Intervention de Christian Paul

Séance en hémicycle du 18 septembre 2014 à 9h35
Lutte contre le terrorisme — Article 15

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Paul :

Si vous en êtes d’accord, monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement no 127 , de façon à éviter les redondances.

L’article 15 porte de dix à trente jours la durée de conservation des enregistrements des interceptions de sécurité. Loin de moi l’idée que ces dernières ne sont pas utiles pour lutter contre le terrorisme : si, monsieur le ministre, nous sommes plusieurs à avoir déposé un amendement de suppression de l’article, c’est moins pour des raisons de fond que dans un souci plus large, que je vais expliciter à votre intention.

Une telle disposition, si elle est votée, interviendrait en effet quelques mois après l’adoption de la loi du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019, qui a significativement accru les pouvoirs des services d’enquête en matière d’accès aux données techniques de connexion et de géolocalisation. Cela a été fait par voie d’amendements parlementaires, au Sénat, dans des conditions qui ont soulevé une polémique, et sans que cela réponde à une proposition préalable du Gouvernement – j’ai même le sentiment que le ministre de la défense n’était initialement pas favorable cette extension, sinon il l’aurait d’emblée fait figurer dans le projet, avec un chapitre spécifiquement consacré à l’activité des services de renseignement. Cependant, le président de la commission des lois du Sénat, M. Jean-Pierre Sueur – dont je ne doute pas qu’il avait ce faisant les meilleures intentions – a souhaité encadrer les interceptions de sécurité, qui n’ont bien évidemment plus grand-chose à voir avec celles prises en compte par la loi de 1991. Or cet article 20 de la loi de programmation militaire mériterait d’être réécrit dans les mois ou les années qui viennent – le plus tôt sera le mieux.

Le présent amendement de suppression de l’article 15 du projet répond au souci, partagé par tous ceux qui sont attentifs à la façon dont les services de renseignement du monde entier travaillent à l’ère numérique, de leur fournir un encadrement suffisant – l’affaire Snowden est encore dans tous les esprits – et de faire en sorte que soit menée en France une réflexion d’ensemble sur leurs conditions d’exercice, qu’il s’agisse de l’accès aux données techniques de connexion, de la géolocalisation ou de l’interception des communications.

Ce travail-là, qui n’a pas été réalisé à l’occasion de la loi de programmation militaire – les mesures adoptées n’ayant donné lieu à aucune étude d’impact, de débat préalable ou de travail approfondi au sein des commissions parlementaires –, il faut le faire, monsieur le ministre ; et peut-être une future loi sur le renseignement en serait l’occasion.

Dans cette attente, nous vous proposons de ne pas prendre de disposition supplémentaire. Evitons d’écrire la loi au fil de l’eau, comme cela a été fait pour la loi de programmation militaire – nous étions nombreux à avoir à l’époque protesté contre la méthode employée –, car la conséquence, c’est qu’il règne depuis un certain flou dans ce domaine, pourtant extrêmement sensible. Sachez que nous sommes à votre disposition pour doter la France d’une loi sur les activités de renseignement et sur les interceptions de sécurité, qui encadre ces dernières dans un souci de transparence, et en veillant à y associer le Parlement.

Ces outils, qu’il s’agisse des traditionnelles écoutes téléphoniques ou, plus récemment, du contrôle des réseaux numériques, ont été utilisés par de grandes démocraties, mais aussi par des dictatures. Les technologies en sont désormais aisément disponibles – souvenons-nous qu’avant 2012, une société française avait fourni à la Libye du colonel Kadhafi, en dehors de tout véritable contrôle, des outils d’interception qui sont aujourd’hui en vente dans le monde entier dans des conditions très contestables. La France se doit d’être exemplaire en ce domaine, en encadrant l’activité de ses services de renseignement, sans pour autant la mettre en péril : c’est une nécessité pour toute démocratie.

Dans l’attente du projet de loi que j’appelle de mes voeux, je vous propose, monsieur le ministre, que les dispositions de l’article 15 ne soient pas incluses dans le présent texte, mais qu’elles soient renvoyées à un débat global sur ces questions.

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