Intervention de Bernard Accoyer

Séance en hémicycle du 1er octobre 2014 à 21h45
Transition énergétique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Accoyer :

Ce texte méconnaît les réalités. D’abord parce qu’il constitue la suite donnée à deux engagements électoraux, ou plutôt des arrangements politiciens, anciens.

Le premier est l’accord intervenu en 2011 entre madame Aubry, première secrétaire du parti socialiste, et madame Duflot, secrétaire nationale d’Europe écologie - les Verts.

Le second a pris la forme des déclarations et des engagements électoraux du candidat François Hollande, qui visaient à ramener de 75 à 50 % la part du nucléaire dans le mix électrique, dès 2025, et donc à fermer ainsi une vingtaine de réacteurs nucléaires, en premier lieu celui de Fessenheim. Chacun sait pourtant qu’avec les 600 millions d’euros de travaux de rénovation réalisés, il constitue l’un des équipements nucléaires les plus sûrs.

D’ailleurs, le coût du démantèlement de ce réacteur, évalué par nos collègues Hervé Mariton et Marc Goua à 5 milliards d’euros, en dit long sur l’absence d’évaluation et l’irresponsabilité de cette décision.

Ce projet de loi ignore les réalités climatiques, car s’il est une énergie qui prévient le réchauffement climatique et l’émission de gaz à effet de serre, c’est bien la filière nucléaire, que vous entendez mettre à mal.

Or notre mix électrique place la France aux premières places quant à cette exigence. Et 75 % de notre électricité proviennent du nucléaire.

Le projet de loi ignore le coût de plusieurs centaines de milliards que ce projet complètement déraisonnable imposerait à notre pays. Ce n’est pas au moment où nous atteignons 2 000 milliards d’euros de dette publique que l’on peut se permettre de telles fantaisies.

Quant à ses conséquences sur le pouvoir d’achat de nos compatriotes et la compétitivité de nos entreprises, on sait ce qu’il en serait.

Le projet de loi ignore les réalités de la situation créée en Allemagne par la décision rapide et mal évaluée de sortir du nucléaire quant au coût de l’énergie et aux conséquences environnementales de ces décisions. Il méconnaît également les réalités géopolitiques en Ukraine avec la Russie et en Afrique sur les approvisionnements respectifs en gaz et en hydrocarbures.

Enfin, ce texte méconnaît à l’évidence les réalités des besoins énergétiques pour les décennies à venir et, en particulier, les besoins en énergie électrique et spécialement en énergie décarbonée.

S’il méconnaît ces réalités, le texte dilapide également l’héritage énergétique national.

Tous les Présidents de la Ve République jusqu’à François Hollande ont soutenu le développement et la défense de la filière nucléaire, qui est devenue une excellence française reconnue dans le monde entier.

Madame la ministre, quelle responsabilité sera la vôtre et celle du gouvernement auquel vous appartenez, au pays de Marie Curie et d’Iter, quand vous aurez donné au monde le signal que la France prend ses distances vis-à-vis du nucléaire civil ?

Quel signal envoyez-vous aux clients et aux salariés des entreprises leaders comme des innombrables PME qui travaillent pour cette filière et occupent ainsi le quatrième rang dans nos exportations ?

Quel signal adressez-vous à nos jeunes ingénieurs, qui commencent à se détourner du nucléaire, comme, il est vrai, ils l’ont fait il y a quelques années lorsque les Verts, déjà eux, avaient démantelé la filière de la transgénèse, dans laquelle la France était leader mondial. Maintenant, vous êtes tranquilles, mes chers collègues des Verts, il n’y a plus un seul chercheur en France qui travaille sur ces technologies pourtant d’avenir.

En fait, dix-sept ans après l’annonce à cette tribune par Lionel Jospin de faire démanteler le surgénérateur Superphénix, c’est un nouveau coup que vous portez, qui aura certainement des conséquences considérables.

La France avait à l’époque pour la quatrième génération vingt ans d’avance. Savez-vous, madame la ministre, où sont les ingénieurs qui travaillaient sur la surgénération ? Ils sont en Inde, et il y a gros à parier que, dans quelques années, la France rachètera ces technologies imaginées, conçues, développées par des ingénieurs français, auxquels vous aurez interdit de travailler dans notre beau pays. Telles sont les conséquences de mesures qui sont politiciennes.

Ce texte méconnaît les coûts qui seront induits par de telles décisions, non seulement les 2 milliards d’excédents de l’exportation d’électricité mais le surcoût des importations d’énergies fossiles et, d’ailleurs, c’est bien cette méconnaissance extraordinaire qui fait que ce texte parle de transition électrique et non pas d’une transition en défaveur des énergies fossiles qui aurait dû centrer votre attention.

Alors qu’il suffirait de rénover les centrales pour qu’elles puissent vivre au-delà de quarante ans, de financer ainsi la transition énergétique, de garantir notre avenir, c’est le contraire qui est prévu.

Oui, madame la ministre, ce texte hypothèque l’avenir, il ne dit rien ou presque de l’avenir de la filière, rien de la recherche et du développement dans le nucléaire, rien sur l’avenir des déchets, domaine dans lequel la France est pourtant passée maître et vend ses technologies dans le monde entier, rien sur Astrid et la quatrième génération, rien non plus sur Iter, ce projet international extraordinaire localisé en France. Il ne dit rien des conséquences climatiques de ces choix, rien des conséquences financières. Il ne ménage pas notre indépendance financière.

Mes chers collègues, ce texte est une occasion manquée. Nous pensons réellement qu’il est un grand malheur pour notre pays. Madame la ministre, ressaisissez-vous !

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