Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Séance en hémicycle du 28 octobre 2014 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Justice

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Il faut oser la vérité : le contrôleur général des lieux de privation de liberté, on l’a rappelé, a publié un avis, le 23 avril 2014, dans lequel il ouvre des perspectives en proposant de renouer avec une dynamique vers l’encellulement individuel.

Il faut aussi, vous l’avez très justement dit, madame la garde des sceaux, se référer aux règles pénitentiaires européennes avec grande précision, notamment les règles 18.5 et 18.6. La première traite de l’encellulement individuel la nuit – car être à deux dans une cellule, ce n’est pas très grave si ce n’est que la nuit, mais cela devient compliqué si on y passe vingt-trois heures sur vingt-quatre. La seconde règle pénitentiaire européenne – la règle 18.6 – prescrit qu’une cellule ne doit être partagée que si elle adaptée à un usage collectif, ce qui est le cas dans les nouveaux établissements. J’étais la semaine dernière dans la nouvelle prison qui a été ouverte en juillet, à Orléans-Sarran, et je me rends vendredi à la prison de Béthune.

Il y a donc deux problèmes, et c’est pourquoi je ne suis pas favorable à l’amendement du Gouvernement, dont je souhaite le retrait. Je suggère que nous consacrions les trois semaines qui viennent à essayer de trouver une autre solution. On pourrait y travailler sous la responsabilité d’un membre du bureau de la commission des lois qui connaît bien ces questions pour avoir fait des propositions à ce sujet, dans le cadre d’une mission d’information, au début du quinquennat.

À cet égard, je note que les chiffres donnés à l’instant par le rapporteur pour avis, M. Larrivé, souffrent d’une petite indélicatesse : il a évoqué la totalité des détenus alors que, Mme la garde des sceaux l’a très justement précisé, nous parlons des détenus des maisons d’arrêt. Il y a en maisons d’arrêt, aujourd’hui, non pas 66 500 détenus, ce qui est la masse globale au 1er octobre, mais 44 700. On sait que le taux d’occupation en maisons d’arrêt pour hommes ne cesse de se dégrader : il est passé de 124 % en 2011 à 134 % en 2014. Mais la direction de l’administration pénitentiaire, malgré toute la compétence qui est la sienne et bien qu’elle soit extrêmement active, ne peut pas nous donner le taux d’encellulement individuel. Les chiffres que Dominique Raimbourg a publiés au début de la législature sont intéressants, mais ils ne sont pas corroborés par ceux du Sénat qui avait fait un travail comparable.

Il faut donc savoir combien il y a de cellules individuelles et quel est leur taux d’occupation. C’est une circulaire de 1998 qui fixe la surface – neuf mètres carrés pour une cellule individuelle, douze mètres carrés pour une collective. Et puis combien de prisons vont être construites, et pour combien de places ? Bref, il faut faire la clarté sur les chiffres. Approfondissons notre réflexion à partir des règles pénitentiaires européennes et puis décidons, avant que l’État ne soit condamné, comment faire. On peut envisager un moratoire, mais en tout cas pas avant d’avoir procédé à un examen au fond. Plutôt que d’adopter cet amendement, travaillons pendant trois semaines. Je prends l’engagement que la commission des lois est prête à y consacrer du temps.

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