Intervention de Arnaud Richard

Séance en hémicycle du 3 novembre 2014 à 21h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Travail et emploi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Richard :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame et messieurs les rapporteurs, la violence de la crise qui secoue notre société nécessite plus que jamais la mise en oeuvre de politiques publiques de solidarité et de cohésion sociale ambitieuses et efficaces.

Quand la cohésion sociale est menacée, l’ambition de la République est contrariée, la confiance en l’avenir fragilisée, le progrès économique et social impossible. Cette menace nous guette et je sais combien vous y êtes attentive, madame la secrétaire d’État.

La France compte aujourd’hui deux millions de personnes vivant avec moins de 651 euros par mois et neuf millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Je veux également évoquer ces 440 000 enfants qui ont basculé dans la pauvreté à cause de la crise, des enfants qui se trouvent en première ligne face à la précarité, à l’échec scolaire et au chômage à venir. Ils incarnent le malaise d’une France en proie à une colère sourde et symboliseront notre plus grande faillite – sans vouloir incriminer telle ou telle famille politique. Nous devons trouver une réponse à la hauteur de leur détresse et leur donner espoir dans l’avenir.

Dans ce contexte, la progression continue des crédits alloués à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » aurait pu constituer un signal positif vis-à-vis des plus fragiles. Il n’en est rien. Aucune réforme d’ampleur permettant de lutter efficacement contre la progression de la précarité et de la pauvreté en France n’est envisagée.

Vous préférez un catalogue de mesures utiles, mais insuffisantes, à ce que nous avions pu entreprendre sous la précédente mandature : un véritable plan de cohésion sociale mobilisant l’ensemble des acteurs, l’État, les territoires, les partenaires du dialogue social et le monde associatif.

Il en est ainsi de la revalorisation du RSA de 2 % au 1er septembre 2015, engagement pris à l’issue de la conférence nationale contre la pauvreté, mais qui ne constitue malheureusement qu’un pansement sur la plaie ouverte qu’est la pauvreté, ainsi que le montre le récent avis du conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, le CNLE.

J’ajoute que les objectifs de ce dispositif, que les départements peinent désormais à financer en raison de l’insuffisance de la participation de l’État et de l’augmentation constante du nombre de bénéficiaires, sont de plus en plus confus. L’effet incitatif du RSA, censé favoriser le retour a l’emploi, est également insuffisant.

Or aucune réforme de ce dispositif n’est préfigurée dans cette mission. Qu’est-il advenu, madame la secrétaire d’État, de la réforme de la prime pour l’emploi, qui devait permettre de protéger les plus précaires ? Il y a urgence !

Je souhaite souligner également que les dépenses de l’État en faveur des personnes en situation de handicap, qui visent à assurer un revenu d’existence et à soutenir l’activité professionnelle, représentent plus de 80 % des crédits de la mission. Si ces crédits sont indispensables, nous regrettons une fois encore que le Gouvernement ne mette pas en oeuvre une politique globale, mobilisant toutes les politiques publiques de la nation, afin d’éliminer progressivement toutes les barrières susceptibles d’entraver l’accomplissement personnel et professionnel des personnes handicapées ou en perte d’autonomie. Il s’agit d’ailleurs d’une proposition que nous avions formulée lors de l’examen du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, récemment adopté par l’Assemblée nationale.

Notre groupe s’inquiète également de la suppression du financement de l’aide personnalisée de retour à l’emploi. Les aides personnalisées mises en place par Pôle Emploi et soutenues par les départements seront-elles suffisantes, alors que les crédits de la mission « Travail et emploi » subissent une baisse de 1,6 milliard d’euros en trois ans et que la réforme des collectivités territoriales en cours fait peser une lourde menace sur la survie des conseils généraux ? Rien n’est moins sûr.

Enfin, nous dénonçons avec force le tour de passe-passe budgétaire, que vous n’êtes pas le premier gouvernement à employer. Il consiste à relever la dotation de l’État au financement du fonds national des solidarités actives afin de compenser le transfert à la Sécurité sociale du prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine et les produits de placement. Ce transfert vient en effet compenser financièrement les allégements de charges prévus dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité, faute de véritables économies budgétaires. J’imagine que nos collègues de la majorité l’auront bien compris. Avec vous, la solidarité est donc intégralement financée par de la dette !

Madame la secrétaire d’État, cette mission n’est pas à la hauteur de la menace que la crise fait peser sur notre cohésion sociale. Nous ne nous opposerons pas pour autant à l’adoption des crédits, en raison de la revalorisation du RSA, vitale pour les plus fragiles, tout en regrettant que vous n’apportiez aucune solution globale et pérenne à la montée de la pauvreté et des inégalités.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion