Intervention de Marie-Christine Dalloz

Séance en hémicycle du 1er décembre 2014 à 16h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Christine Dalloz :

Non, je vais essayer de dire des choses différentes.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le constat pour l’année 2014 reste inchangé : économie en panne, absence de croissance et faible inflation conjuguées aboutissent à un déficit de 4,4 % du produit intérieur brut contre 3,6 % initialement prévus en loi de finances. Ce projet de loi de finances rectificative entérine un nouveau dérapage du déficit de l’État qui atteindra 88,2 milliards d’euros à la fin de l’année 2014, soit – il importe de le rappeler – 4,3 milliards d’euros de plus que ce qui était prévu dans la première loi de finances rectificative.

Cette dégradation dans l’exécution des comptes est principalement liée à des recettes fiscales moindres, inférieures de 11,8 milliards d’euros à la prévision en loi de finances initiale, et à des dérapages importants au niveau des budgets des ministères.

Dès le mois de juin, la Cour des comptes notait que « les risques de dépassement des objectifs de la loi de finances initiale sont un peu plus importants que les années précédentes » – elle relevait donc une accélération. Étant précisé que ces objectifs ont été révisés à la baisse dans le programme de stabilité, ils l’ont été de la même façon dans le projet de loi de finances rectificative de juin dernier.

Ces objectifs sont atteints par le biais d’annulations de crédits à due concurrence, portant principalement sur des dépenses d’investissement : votre ajustement budgétaire consiste à supprimer des investissements.

Comme les années précédentes, quelques missions concentrent les dépassements budgétaires les plus importants : la défense – ou, plus précisément, les opérations extérieures –, l’enseignement scolaire, avec une augmentation de 300 millions d’euros, les dépenses liées à l’immigration irrégulière, qui augmentent de 312 millions d’euros, et les dépenses de guichet, qui augmentent quant à elles de 243 millions d’euros.

Plus généralement, les opérations extérieures ont ainsi coûté 615 millions d’euros de plus que ne le prévoyait le budget pour 2014 – l’ajustement n’est donc pas neutre – et la masse salariale a également augmenté de 540 millions d’euros par rapport aux prévisions, essentiellement pour la défense et l’éducation nationale. Quant aux prestations de solidarité – aide médicale d’État, RSA et aides au logement –, elles ont dérapé de 556 millions d’euros. Au total, on relève dans ce projet de loi de finances rectificative un dépassement de crédits de plus de 2,l milliards d’euros.

Le Haut Conseil des finances publiques a jugé, dans son avis, que « les éléments dont il a connaissance ne le conduiraient toutefois pas à modifier son analyse », à savoir les doutes qu’il a émis sur le respect de la trajectoire de solde structurel en raison des « difficultés à atteindre les objectifs d’évolution de la dépense publique » fixés dans la nouvelle loi de programmation.

Pour ce qui est des mesures, ce projet de loi de finances rectificative contient diverses dispositions fiscales, destinées principalement à compléter les 3,6 milliards d’euros de réduction supplémentaire du déficit public annoncés à Bruxelles le 27 octobre.

Pour ce faire, vous entendez amplifier les moyens de lutte contre la fraude fiscale, notamment en matière de TVA, pour une recette que vous estimez à 150 millions d’euros au budget de l’État – une goutte d’eau par rapport aux 25 milliards d’écart entre les recettes de TVA effectivement perçues en 2012 par l’État français et les recettes totales théoriquement exigibles, selon la dernière étude de la Commission européenne publiée fin octobre.

Vous allez également alourdir la fiscalité des banques, avec la non-déductibilité de la taxe de risque systémique et de la contribution du secteur bancaire français au Fonds de résolution unique destiné à s’y substituer. Vous allez alourdir de la fiscalité sur les entreprises, avec la non-déductibilité de la taxe sur les excédents de provisions des entreprises d’assurance et de la taxe sur les locaux à usage commercial et de bureaux d’Île-de-France.

Vous allez supprimer la prime pour l’emploi, complément de salaire indispensable pour plus de 6 millions de travailleurs modestes.

Vous allez enfin augmenter de 20 % la taxe d’habitation des résidences secondaires. Je ne doute pas que les 1 151 communes concernées devraient ainsi pouvoir compenser légèrement la perte de recettes que vous leur imposez.

Monsieur le secrétaire d’État, avec ce projet de loi de finances rectificatives, vous entendez séduire la Commission européenne, dans le seul but d’éviter un avis négatif de réduction du déficit structurel de 0,5 point en 2015 par un effort supplémentaire de 3,6 milliards d’euros. La Commission s’est prononcée le 24 novembre dernier sur le budget pour 2015, qui reporte à 2017, comme on le sait, l’objectif d’un déficit de 3 % du PIB, alors que la France s’était engagée à atteindre cet objectif dès l’année prochaine.

La Commission a décidé de reporter sa décision et d’accorder un délai supplémentaire de quatre mois : la France est un pays en sursis ! Vous devez, d’ici au mois de mars 2015, rectifier la trajectoire budgétaire et accélérer la mise en oeuvre des réformes. Il s’agit clairement de tester la parole de votre gouvernement qui multiplie les annonces. C’est un appel du pied de la Commission à passer aux actes. Comment faire en quatre mois ce que vous n’avez pas réussi en deux ans et demi ?

En cas d’échec, la Commission pourrait décider de sanctionner par une procédure pouvant mener à une amende représentant au plus 0,2 % du PIB soit plus de 4 milliards d’euros.

Monsieur le secrétaire d’État, une épée de Damoclès plane au-dessus de ce gouvernement. Quand allez-vous enfin maîtriser les dépenses publiques et changer la trajectoire des finances publiques ?

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