Intervention de Bernard Deflesselles

Séance en hémicycle du 15 janvier 2015 à 15h00
Débat sur le paquet énergie climat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Deflesselles :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, l’accord du 24 octobre démontre à l’évidence que l’Europe persiste et signe dans sa volonté de réduire sa consommation d’énergie ainsi que ses émissions de gaz à effet de serre et de promouvoir les énergies renouvelables.

L’Europe a d’ailleurs toujours été précurseur en la matière. Il est intéressant de jeter un coup d’oeil dans le rétroviseur pour évaluer les résultats de l’Union européenne. De 1990 à 2012, nous avons réduit nos émissions de gaz à effet de serre de 19 % alors que le produit intérieur brut a augmenté de 45 %. L’Union européenne, et l’Europe en général, n’ont donc pas de leçons à recevoir du reste du monde sur ce point.

Le contenu de l’accord est intéressant. Il prévoit une baisse de 40 % des gaz à effet de serre en 2030, une part d’énergies renouvelables dans notre mix énergétique de 27 % et un renforcement de l’efficacité énergétique de 27 %. Il prend donc le relais de l’accord conclu en avril 2009 instituant la fameuse règle des trois fois vingt : baisse des émissions de gaz à effet de serre de 20 %, une part de 20 % pour les énergies renouvelables et un renforcement de 20 % de l’efficacité énergétique.

Si cet accord est donc ambitieux, il n’en est pas moins insuffisant par certains aspects.

Tout d’abord, il impose des contraintes différenciées. La baisse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre est contraignante au niveau de l’Union européenne comme des pays, ce qui est une bonne chose. En revanche, la proportion de 27 % d’énergies renouvelables dans notre mix énergétique n’est contraignante qu’au niveau de l’Union européenne. Quant au renforcement de l’efficacité énergétique, qui constitue tout de même un pan très important du traité, aucune contrainte n’est prévue. Les contraintes sont donc différenciées, ce qui conduit à mettre un léger bémol.

Ensuite, l’accord a été difficile à obtenir, en particulier de la part des pays de l’est de l’Europe, auxquels il a fallu accorder des compensations financières et des quotas d’émissions gratuits.

Enfin, le financement dédié au captage et au stockage du CO2, que les scientifiques ont l’habitude de présenter comme capable d’absorber presque 20 % des émissions, est au point mort. Alors que l’Union européenne avait envisagé en 2010 la mise en place de douze démonstrateurs, nous sommes aujourd’hui au point mort en la matière, ce qui est assez dommage.

En fait, le « paquet énergie climat » n’a de sens que si on le replace dans un contexte international, après la Conférence de Lima et avant celle de Paris, qui sera éminemment importante car nous tâcherons de contenir la hausse de la température à 2 degrés d’ici à la fin du siècle.

À cet égard, je citerai quelques statistiques intéressantes. L’Union européenne compte pour 12 % des émissions, ce qui signifie que 88 % des émissions viennent d’ailleurs. C’est dire si notre effort doit s’inscrire dans le cadre d’un effort mondial substantiel. Les États-Unis comptent pour 14 %, soit presque seize tonnes par habitant, ce qui n’est pas rien. La Chine représente non plus 22 % mais 28 % des émissions, monsieur le secrétaire d’État, ce qui veut dire que ces deux pays représentent pratiquement la moitié des émissions globales.

Par ailleurs, on trouve dans le cinquième rapport du GIEC – le réseau mondial de scientifiques qui lutte depuis longtemps contre le réchauffement – quatre données essentielles. Tout d’abord, 95 %, soit le degré de certitude que l’activité humaine est bien cause du réchauffement. Puis 4,8 degrés, soit la hausse de la température globale que nous obtiendrons malheureusement en fin de siècle, contre seulement 0,85 degré tout au long du XXe siècle. Ensuite, le chiffre très précis de 98 cm – disons un mètre –, à savoir la hausse possible du niveau des océans à la fin du siècle, contre 19 cm au XXe siècle. Enfin, 70 %, qui représentent la réduction des émissions nécessaire à l’échelle de la planète avant 2050 pour maintenir l’objectif d’une hausse de la température limitée à 2 degrés, tout en sachant qu’il faut viser zéro émission d’ici à la fin du siècle.

L’accord européen a des vertus, dont une qui est particulièrement intéressante : je suis persuadé qu’il a entraîné les États-Unis et la Chine, restés cois jusqu’alors, à parvenir à l’accord du 12 novembre. Les États-Unis ont décidé de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, d’ici à 2030, de 26 %, voire 28 %. Pas mal, me direz-vous. Le problème – tous les spécialistes le savent – est que, de notre côté, nous avons prévu une réduction de 40 %, en nous fondant, qui plus est, non pas, comme les États-Unis, sur les chiffres de 2005, mais sur ceux de 1990. L’effort consenti par les États-Unis est donc en réalité compris entre 8 % et 9 %, contre 40 % chez nous. La Chine, pour sa part, a prévu d’atteindre son pic d’émission en 2030. Autrement dit, elle s’autorisera pendant encore quinze ans à accroître ses émissions de gaz à effet de serre, ce qui est tout de même un peu inquiétant et tranche sur les titres extraordinaires parus alors, par exemple celui du Monde évoquant un « accord historique entre les États-Unis et la Chine ». Pour qui connaît bien ces questions, il s’agit certes d’un premier pas dans la bonne direction, mais on est encore loin d’un accord historique.

En conclusion, le chemin pour obtenir un accord efficient à Paris est encore long.

Tout d’abord, l’accord signé à Lima sur le calendrier et la remontée des feuilles de route est un accord a minima. Ensuite, il faudra impérativement obtenir un accord juridiquement contraignant pour la majorité, ou en tout cas le maximum de pays, contrairement à l’accord de Kyoto. En outre, l’accord devra être révisable, reportable et surtout vérifiable. Le contrôle, appelé « MRV » – Measurement Reporting and Verification – dans le jargon onusien, importe au premier chef car si l’accord n’est pas révisable ni surtout contrôlable, les contraintes seront faibles. Enfin, la question des finances et du transfert de technologie nous préoccupe. Sans finances ni transfert de technologie pour les pays en voie de développement, il ne se passera rien. Obtenir un financement est difficile. Le Fonds vert a enfin obtenu 10 milliards de dollars pour 2020, mais chacun sait qu’il en faut 100. On est donc loin du compte, mais c’est un premier pas. Quant au transfert de technologie, il est malheureusement au point mort. Les Nations unies ont créé un groupe de haut niveau censé promouvoir sous leur égide un transfert de technologie efficient, mais malheureusement, pour l’heure, il ne marche pas. Nous aiderons le gouvernement français à obtenir un accord, mais la marche est encore haute.

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