Intervention de Hervé Féron

Séance en hémicycle du 20 janvier 2015 à 15h00
Dispositions d'adaptation au droit de l'union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Féron, rapporteur de la commission mixte paritaire :

Madame la présidente, madame la ministre de la culture et de la communication, chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour procéder à la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel.

Ce texte, dont le Parlement a été saisi au mois d’octobre dernier, vise à mettre notre droit interne en conformité avec trois directives communautaires, relatives respectivement à la durée de protection des droits voisins, aux utilisations des oeuvres orphelines et à la restitution des biens culturels sortis illicitement du territoire d’un État membre.

Comme nous avons déjà examiné en détail les dispositions de ce projet de loi en novembre dernier, je me permettrai de n’en faire qu’un rappel sommaire pour vous parler ensuite des modifications apportées par le Sénat ainsi que des conclusions de la commission mixte paritaire convoquée par le Gouvernement dans le but de trouver un accord sur les articles restant en discussion.

Ce projet de loi, vous vous en rappelez, est porteur d’avancées significatives sur plusieurs points.

La première directive qu’il transpose, celle du 27 septembre 2011, porte en effet de cinquante à soixante-dix ans la durée de protection des droits des artistes-interprètes et des producteurs de disques. En assurant à ces derniers une rémunération plus durable, l’Union européenne prend acte des défis particuliers auxquels est confronté le secteur de la musique – le piratage électronique et la diffusion en ligne – et nous aligne sur les durées de protection des droits qui ont cours à l’étranger, notamment aux États-Unis.

Le projet de loi transpose en deuxième lieu la directive du 25 octobre 2012, qui vise à permettre l’utilisation de certaines oeuvres dites orphelines, c’est-à-dire n’étant pas encore tombées dans le domaine public mais dont il n’est pas possible d’identifier ou de trouver les auteurs ou les ayants droit. Désormais, bibliothèques, musées, établissements d’enseignement pourront reproduire des oeuvres orphelines et les mettre à la disposition du public dans toute l’Union européenne, dans un but exclusivement non lucratif.

Enfin, la troisième directive transposée, celle du 15 mai 2014, concerne les trésors nationaux d’intérêt artistique, historique ou archéologique ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre à partir du 1er janvier 1993. Les modifications apportées par le projet de loi de transposition sont essentiellement d’ordre procédural et visent à améliorer le dispositif actuel, qui a été mis en place par la directive du 15 mars 1993 et dont l’efficacité s’est avérée jusqu’à présent limitée.

À l’issue d’une lecture de ce projet de loi dans chaque assemblée, la procédure accélérée ayant été engagée, le Gouvernement a fait le choix de provoquer la semaine dernière la réunion d’une commission mixte paritaire afin de trouver un texte commun sur les deux articles restant en discussion : l’article 2, qui transpose la directive prolongeant la durée des droits voisins au droit d’auteur, et l’article 4, qui transpose la directive relative à l’exploitation par certains organismes et sous certaines conditions des oeuvres orphelines.

L’urgence qu’il y a à transposer la première directive, ce que notre pays aurait dû faire avant le 1er novembre 2013, justifie pleinement ce choix du Gouvernement. Les députés et les sénateurs réunis au sein de la commission mixte paritaire ont cependant exprimé à nouveau leurs regrets quant au caractère tardif du dépôt du projet de loi de transposition, car cela a contraint les parlementaires à examiner en urgence des dispositifs d’une assez grande complexité et a, en outre, induit un effet rétroactif bien regrettable. Cela étant dit, je ne peux que me réjouir de l’issue favorable des travaux de la commission mixte paritaire qui s’est réunie jeudi dernier.

Pour ce qui est de l’article 2, l’accord a été très rapidement obtenu, les députés approuvant les deux modifications introduites par le Sénat en première lecture.

En premier lieu, le Sénat avait supprimé une mention non conforme à la directive concernant l’assiette de calcul de la rémunération annuelle supplémentaire des artistes-interprètes : conformément au considérant 13 de la directive, les recettes issues de la location des oeuvres ne seront pas incluses dans cette assiette. Par ailleurs, le Sénat avait ouvert la possibilité pour les sociétés de perception et de répartition des droits agissant pour le compte des artistes-interprètes de demander au producteur l’état des recettes provenant de l’exploitation du phonogramme. Cet ajout conforte les droits des artistes-interprètes en facilitant le calcul et donc le versement effectif de la rémunération annuelle supplémentaire à laquelle la loi leur donne droit en application de la directive. Ces deux modifications améliorant substantiellement le texte, il nous est apparu qu’il fallait les approuver l’une et l’autre.

En revanche, s’agissant de l’article 4, qui transpose la directive relative à l’exploitation sous conditions des oeuvres orphelines, le consensus n’a pas été aussi facile à trouver. En effet, le Sénat a souhaité en première lecture revenir sur l’adoption par notre assemblée d’un amendement présenté par notre collègue Isabelle Attard et visant à restreindre à cinq ans la durée pendant laquelle les organismes exploitant les oeuvres orphelines pourront répercuter leurs frais sur les utilisateurs.

Pour justifier cette suppression, le Sénat a fait valoir deux arguments. Le premier était un argument de forme : la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture aurait laissé une place à l’ambiguïté. Nous avons résolu ce problème facilement en modifiant simplement la construction de la phrase. Le second argument portait quant à lui sur le fond : la rapporteure a fait valoir que la restriction apportée par l’Assemblée nationale pourrait s’avérer contre-productive car elle incitait les bibliothèques à répercuter plus lourdement leurs coûts les premières années pour s’assurer de couvrir l’intégralité de leurs frais.

Bien conscients de ce danger, le président de la commission, Patrick Bloche, et moi-même avons néanmoins insisté auprès de nos collègues sénateurs sur la nécessité de borner dans le temps la participation financière demandée aux lecteurs, afin d’éviter le risque de laisser perdurer un système de facturation après épuisement du délai d’amortissement effectif des frais de numérisation et de mise à disposition, ce qui pénaliserait ces derniers. Pour que l’amortissement financier ne soit pas étendu outre-mesure par les organismes concernés, et dans l’objectif d’aboutir à une écriture de compromis, nous sommes finalement convenus que la durée de répercussion des coûts ne pourrait excéder sept ans. La rapporteure était a priori plus favorable à sept ans et demi, avant que je ne lui rappelle que sept ans était l’âge de sagesse et que le Gouvernement s’en était remis à la sagesse de l’Assemblée sur l’amendement de Mme Attard : l’argument était donc imparable !

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