Intervention de Sébastien Huyghe

Séance en hémicycle du 6 février 2015 à 9h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 22

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Huyghe :

Il faut analyser cet article en lien avec les précédents qui ont été votés et qui posent certains problèmes, notamment par rapport aux sociétés interprofessionnelles.

Ainsi, les officiers ministériels font régulièrement l’objet d’inspections inopinées : les notaires, par exemple, sont inspectés par d’autres notaires et par des experts-comptables diligentés par les chambres professionnelles. Que se passera-t-il dans le cadre des sociétés pluridisciplinaires ? Les inspecteurs auront-ils toujours accès à toute la comptabilité, à tous les actes, comme aujourd’hui dans les sociétés professionnelles, y compris lorsqu’il y aura un avocat ? Je rappelle que cette profession est protégée par le secret professionnel et régie par une déontologie spécifique, et je crains qu’il n’y ait télescopage, pour elle comme pour d’autres, avec ce type d’inspection, d’autant plus que ceux qui la mènent doivent faire rapport au procureur de la République et, le cas échéant, à TRACFIN.

Autre question : dans le cadre de ces sociétés pluridisciplinaires, que devient le droit de présentation ? La société étant propriétaire du droit de présentation – s’il en existe un –, cela signifie que s’il y a au capital des experts-comptables, des avocats, voire des avocats étrangers, ils seront, eux aussi, titulaire dudit droit.

Pour en venir plus précisément à l’article 22, je note qu’avec les nouvelles règles de détention du capital et de gestion des sociétés d’exercice libéral, le professionnel en exercice sera réduit, par le jeu des prises de participation, à l’état de simple salarié : il ne pourra plus choisir son associé, ce qui réduit à néant l’affectio societatis. Il arrivera même qu’il ne soit plus maître de la politique ou de la gestion de sa propre structure, et devienne alors totalement dépendant d’un autre professionnel du droit – que l’on peut, de surcroît, imaginer anglo-saxon et dont la déontologie et la pratique peuvent, de ce fait, aller à l’encontre des siennes. Est-ce cela que vous souhaitez aussi bien aux professionnels fragilisés qu’aux futurs installés ? Ils seront à la merci de personnes venues d’autres professions ou éventuellement de pays anglo-saxons ? Il est vrai que vous prévoyez un lot de consolation : le professionnel en exercice devra faire partie de l’organe de contrôle si une autre profession que la sienne détient la majorité du capital. Mais il va devenir ainsi un simple observateur, complice des décisions prises par un autre professionnel et auxquelles il n’aura aucune possibilité de s’opposer en raison du fait majoritaire en termes de capital.

Je ne peux pas croire, monsieur le ministre, que l’on puisse tolérer que le sceau de l’État français soit piloté par un professionnel étranger. Je regrette encore une fois, comme tous mes collègues du groupe UMP, que la ministre de la justice ne soit pas présente : elle ne peut sûrement pas tolérer que les sceaux dont elle a la garde puissent passer sous la coupe de professionnels étrangers.

Vous motivez par ailleurs votre réforme en invoquant la possibilité de créer de nouvelles structures sous la forme d’établissements secondaires, mais c’est méconnaître la pratique actuelle : vous devriez savoir qu’il est déjà possible pour les notaires d’ouvrir des bureaux annexes avec l’accord du procureur général. Il en existe déjà plus de 1 330.

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