Intervention de Valérie Fourneyron

Séance en hémicycle du 6 décembre 2012 à 15h00
Création d'une médaille d'honneur du bénévolat — Présentation

Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative :

Pour finir, on ne peut que s'interroger sur l'absence de stabilité institutionnelle de la vie associative. Nommer cinq ministres en cinq ans, répartis dans cinq ministères différents n'a pas permis de bâtir une politique publique durable concernant la vie associative. Ces orientations ont été vécues par toutes les grandes coordinations associatives comme le symbole d'une absence de considération politique. Et pourtant, l'engagement des bénévoles et la richesse de la vie associative de notre pays sont sans équivalent pour donner une réalité, vous l'avez rappelé, au « vivre-ensemble ».

La proposition de loi que vous présentez propose la création d'une médaille d'honneur du bénévolat. Vous le savez, dans le cadre de certaines distinctions honorifiques, l'engagement associatif des bénévoles fait déjà l'objet d'une reconnaissance officielle par l'État. Ainsi, depuis 2008, il existe une promotion du bénévolat associatif dans les ordres nationaux de la Légion d'honneur et du Mérite.

De plus, les médailles d'honneur, au nombre de vingt-deux actuellement, qui s'attachent à un secteur d'activité déterminé, permettent aussi de distinguer l'engagement bénévole. Je pense en particulier à la médaille d'honneur de la santé et des affaires sociales qui a pour vocation de récompenser les personnes qui ont oeuvré dans les domaines de la cohésion sociale, de la santé, de l'emploi, de la protection sociale, de l'insertion professionnelle, de la formation professionnelle, de l'économie sociale et solidaire, de la lutte contre la pauvreté, des seniors, des personnes handicapées, de la lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Je pense aussi à la médaille de la sécurité intérieure qui peut, entre autres, récompenser un engagement dans une action humanitaire. On peut encore citer les trophées des jeunes bénévoles, qui ont pour objectif d'encourager et de valoriser l'engagement bénévole des jeunes intervenant dans une association et qui sont organisés par certaines directions départementales de la cohésion sociale et par l'association France Bénévolat.

Cependant, le constat d'un décalage entre la contribution sociétale des associations et des bénévoles et leur faible reconnaissance, nous le partageons. Parce que le besoin de redonner confiance aux associations et aux bénévoles passe par une reconnaissance supplémentaire de l'engagement, le Gouvernement propose l'extension, dans le cadre d'un décret, de la médaille de la jeunesse et des sports, qui récompense les personnes qui se sont distinguées d'une manière particulièrement honorable au service de l'éducation physique et des sports, des mouvements de jeunesse et des activités socio-éducatives ou des colonies de vacances et oeuvres de plein air, à tout le champ associatif.

Cette extension à tous les acteurs de la vie associative a d'ailleurs été préconisée par la conférence nationale de la vie associative de 2006. Des démarches avaient alors été faites auprès de la chancellerie de l'ordre du Mérite pour créer une médaille de la vie associative, mais le projet n'a pas eu de suite. L'extension que je vous propose sera mise en oeuvre après consultation du grand chancelier de la Légion d'honneur, comme le prévoient les textes : elle permettra que tout le périmètre de l'activité bénévole soit reconnu, au-delà des champs de la jeunesse, de l'éducation populaire et des sports. Un accroissement du contingent annuel sera par ailleurs nécessaire, afin que cette mesure ne pénalise pas les autres catégories de bénéficiaires de cette décoration. Le contingent annuel est actuellement fixé à 8 000 médailles, dont 1 700 attribuées au niveau ministériel, le reste au niveau des services déconcentrés.

Dans ce cadre, une révision des critères d'attribution de la médaille sera par ailleurs effectuée, en vue de valoriser l'engagement bénévole des jeunes. La reconnaissance de l'action bénévole ne peut pas se fonder sur le seul critère de l'ancienneté, comme c'est actuellement le cas pour l'attribution de la médaille de la jeunesse et des sports. Un certain nombre de vos amendements essayaient, du reste, de revenir sur la première rédaction du texte, s'agissant de la prise en compte de l'ancienneté. Lui accorder trop d'importance serait extrêmement pénalisant pour l'engagement de notre jeunesse. D'autres critères, de nature qualitative, doivent aussi être envisagés.

Cependant, et c'est le coeur de mon propos, je voudrais réaffirmer que la reconnaissance de l'engagement bénévole ne passe pas uniquement par un système de gratification. Les politiques d'encouragement du bénévolat pèchent souvent par méconnaissance des ressorts de l'engagement bénévole et votre proposition de loi ne fait pas exception. L'engagement bénévole est à lui-même sa contrepartie. Lorsqu'il fait don de son temps, de ses compétences et de son empathie, le bénévole n'attend rien d'autre, en retour, que le sens donné à son action par le projet associatif. La reconnaissance du bénévolat ne passe pas seulement par l'octroi de médailles ; elle se joue d'abord au sein des associations.

D'ailleurs, en 2006, le président de la conférence permanente des coordinations associatives affirmait que « les bénévoles n'attendent pas de médailles, mais des débats sur le renouvellement des dirigeants et la politique d'égalité, la formation, l'appui à la gestion des ressources humaines, l'aménagement du temps de représentation ».

Je souhaite donc inscrire l'extension de la médaille de la jeunesse et des sports dans un projet gouvernemental plus global, afin de soutenir, reconnaître et conforter l'engagement des bénévoles dans notre pays. Les bénévoles ont en effet beaucoup d'autres besoins, autrement plus importants, auxquels il convient de répondre : l'accès à l'information et à la formation, la simplification des démarches administratives, l'accompagnement de leur engagement, ou encore la mise en place effective de la valorisation des acquis de l'expérience bénévole. C'est dans ce sens que le Gouvernement veut agir, puisqu'il entend développer une politique globale de soutien à la vie associative et à l'engagement bénévole.

Dans ce but, divers chantiers ont d'ores et déjà été lancés. Tout d'abord, pour encourager le bénévolat, en particulier celui des dirigeants bénévoles, nous avons décidé de créer un congé d'engagement à destination des responsables associatifs salariés. Il donnera aux responsables associatifs la possibilité de disposer, pour l'exercice de leurs missions, d'un congé dont les modalités seraient proches de ce qui existe pour le congé de représentation. J'avais sollicité en juillet dernier le Haut conseil à la vie associative, instance d'expertise placée auprès du Premier ministre, et celui-ci a déjà fait des propositions. Il propose, soit d'octroyer un certain nombre de jours par an au salarié, que celui-ci pourra consacrer à l'exercice de ses responsabilités associatives, soit d'étendre le périmètre du congé de solidarité internationale à la solidarité nationale. Un dialogue va maintenant s'ouvrir avec les organisations syndicales d'employeurs et de salariés, pour définir les contours opérationnels possibles de la mise en oeuvre de ce congé.

Il convient aussi de rappeler que plusieurs dispositifs et outils existent déjà pour favoriser la reconnaissance de l'engagement bénévole, qu'il s'agisse de la valorisation des acquis de l'expérience bénévole, de la valorisation comptable du bénévolat dans les documents financiers des associations, ou encore de la possibilité, pour les bénévoles, de bénéficier de la réduction d'impôts relative aux dons, en cas de renonciation aux remboursements de leurs frais. Ces dispositifs et ces outils doivent être davantage promus et simplifiés ; de même, les lieux d'information et de soutien à l'engagement doivent être davantage articulés et, surtout, plus lisibles.

Il est aujourd'hui nécessaire d'engager une nouvelle réflexion sur les leviers et les freins à l'engagement, afin d'adopter des mesures susceptibles de favoriser durablement l'engagement bénévole, en particulier au niveau local.

Ma deuxième ambition est de poser les fondations d'un partenariat renouvelé avec l'ensemble des composantes associatives. Dans sa déclaration de politique générale devant le Parlement en juillet dernier, le Premier ministre a redonné aux associations la place qu'elles méritent : celle de corps intermédiaires à part entière. J'ai déjà mentionné la charte des engagements réciproques, signée par l'État et le secteur associatif en 2001, sous le gouvernement de Lionel Jospin : elle fixait les conditions du partenariat entre l'État et le monde associatif. Le Gouvernement considère que cette charte doit être la boussole de l'action gouvernementale et qu'elle doit, à ce titre, être réactivée.

Une nouvelle charte verra le jour en 2013 : élaborée avec l'appui de mes services durant le premier semestre, elle associera, pour la toute première fois l'État, les associations et les collectivités. En 2001, ces dernières n'avaient pas pris part à ce travail, mais elles sont devenues, depuis cette époque, des interlocuteurs incontournables des associations sur les territoires. Cette charte aura pour objet, d'abord de réaffirmer les principes généraux de concertation entre la puissance publique et le secteur associatif, ensuite de définir des principes en matière de contractualisation entre l'État, les regroupements de collectivités territoriales et la conférence permanente des coordinations associatives.

La sécurisation des modèles de contractualisation entre la puissance publique et les associations est un axe de travail primordial : mon ministère et le ministère délégué chargé de l'économie sociale et solidaire viennent d'ouvrir des travaux sur ce sujet. Une concertation interministérielle approfondie, associant les collectivités territoriales et le secteur associatif, pourrait déboucher sur l'adoption de dispositifs législatifs dans le cadre du projet de loi ESS, qui devrait être présenté au cours du deuxième semestre de 2013, mais aussi sur une révision de la circulaire du 18 janvier 2010, ou encore sur l'élaboration d'une procédure d'appel à initiatives juridiquement sécurisée.

Vous le voyez, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nos ambitions pour soutenir et reconnaître davantage l'engagement bénévole sont nombreuses, et elles vont au-delà de la médaille. Je vous propose néanmoins l'extension de la médaille de la jeunesse et des sports à toute la vie associative. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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