Intervention de Marianne Dubois

Séance en hémicycle du 11 juin 2015 à 9h30
Expérimentation d'un service civique de défense — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarianne Dubois :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi de M. Fromion va dans le bon sens. Partant du constat qu’il existe une certaine nostalgie – pour ne pas dire : « un manque » – depuis la suppression du service national, la nécessité de réfléchir à des dispositifs alternatifs, mais aussi complémentaires, a émergé ces dernières années.

En 2010, le service civique a vu le jour et a connu une montée en puissance certaine, ses effectifs passant de 2 000 jeunes au départ à près de 35 000 aujourd’hui. Face à une jeunesse souvent en manque de repères, déstructurée, craignant pour son avenir, le service civique a constitué une réponse idoine au défi de la pérennité de la cohésion nationale, puisque l’engagement des jeunes volontaires autour d’un projet d’intérêt général est valorisant dans le parcours de vie.

Les attentats de janvier dernier ont renforcé la conviction qu’il fallait dynamiser les dispositifs et le Président de la République a préconisé de rendre le service civique « universel », ce qui permettra à 150 000 jeunes d’y accéder d’ici 2017.

Or, il apparaît que la défense nationale française est le vecteur qui doit être privilégié pour accompagner ce mouvement. Comme ce fut le cas à l’époque du service militaire, les armées disposent d’une compétence hors norme en ce qui concerne la formation des jeunes et leur apprentissage de la vie en collectivité.

Tel est l’objectif de la présente proposition de loi, qui vise à expérimenter un nouveau dispositif : un service civique de défense, dans la lignée du service civique, mais avec une déclinaison militaire.

Il s’agit, selon l’auteur de cette proposition de loi soutenue par le groupe Les Républicains, d’apporter une réponse pragmatique à la problématique de la jeunesse en mal de citoyenneté ou en voie de marginalisation car, en fin de compte, ces jeunes sont en quête d’autorité et d’encadrement. Cette demande d’outils pour la vie leur sera utile par la suite dans leur vie professionnelle et dans leur vie d’adulte.

Concrètement, il s’agira de proposer un dispositif gagnant-gagnant, permettant à la défense de bénéficier d’un effectif de 5 000 jeunes volontaires par semestre, soit 10 000 par an, formés aux activités militaires comme auxiliaires de défense et, surtout, de renforcer le lien entre l’armée et la Nation, tout en contribuant à alimenter l’effectif de la réserve opérationnelle.

L’article unique du texte prévoit la mise en oeuvre expérimentale, pour une durée de trois ans, d’un service civique de défense ouvert aux personnes de 18 à 25 ans de nationalité française. Il a pour vocation l’exécution des missions d’intérêt général. Son objectif est de concourir à l’exécution de missions de défense au sein des forces armées.

Les volontaires de ce service civique de défense sont des « volontaires Défense » qui bénéficient à ce titre d’un statut spécifique et de la rémunération prévue dans le cadre du service civique.

Le service civique de défense a une durée de six mois, renouvelable une fois. Il s’effectue au sein des unités des armées de terre, mer et air. Il comporte une phase de formation initiale d’une durée de deux mois, dispensée au sein de l’unité d’affectation ou dans une structure adaptée, à laquelle succède une phase d’emploi de quatre mois au sein de l’unité d’affectation.

Le « volontaire Défense », au terme de sa formation initiale, doit être apte aux missions de sécurisation, de protection et d’intervention au profit des populations. Il participe à l’ensemble des missions se rapportant à la préparation et à l’emploi des forces opérationnelles sur le territoire national – métropole, outre-mer et zones d’intérêt économique exclusives. Il ne peut, en revanche, pas intervenir sur les théâtres de guerre ou de conflit armé. Le service civique de défense constitue un moyen d’accès privilégié à la réserve opérationnelle.

Le rapporteur nous a en outre précisé que ce service civique de défense s’adresserait à 10 000 jeunes par an, pour un coût évalué à 150 millions d’euros.

Parallèlement à cette initiative législative sur laquelle nous travaillons ce matin, je souhaiterais dire quelques mots sur la mission que je mène actuellement, avec M. Joachim Pueyo, député de l’Orne, sur le bilan et la mise en perspective des dispositifs citoyens du ministère de la défense. Cette mission poursuit ses travaux et porte sur trois sujets : le parcours citoyen, les différentes formes de volontariat et la réserve.

Les auditions effectuées en février et mars derniers ont permis de dresser un état des lieux des différents dispositifs existants et nous allons nous efforcer de poursuivre notre réflexion pour proposer un plan d’action global visant à renforcer le sentiment d’appartenance collective et le civisme de notre jeunesse, à valoriser les différentes formes de volontariat et à renforcer la résilience de notre société par une meilleure diffusion de l’esprit de défense.

Après nous être rendus dans un établissement public d’insertion de la défense – EPIDE –, nous avons visité le régiment du service militaire adapté – SMA –, à la Réunion.

Les armées, nous le savons tous, disposent d’un grand savoir-faire en matière d’apprentissage de la vie en collectivité, de dépassement de soi et de cohésion de groupe. C’est bien cette discipline que les jeunes viennent chercher, les stagiaires que nous avons rencontrés l’ont tous souligné. Le but n’est pas d’en faire des militaires – seule une très faible minorité, de 5 % à 6 %, s’engagent ensuite dans l’armée –, mais ce cadre militaire est très structurant pour eux.

En définitive, alors qu’il vient de fêter ses cinquante ans, le SMA est une réussite. Ainsi, il nous apparaît que le modèle peut être transposé avec succès en métropole. Le Président de la République a ainsi annoncé le 5 février dernier une expérimentation pour 900 stagiaires dès l’année prochaine, avant une montée en puissance progressive jusqu’en 2019. Nous pensons qu’un effectif de 20 000 jeunes par an pourrait être un objectif raisonnable pour la métropole, sachant que l’Outre-mer en accueille chaque année 6 000.

Cependant, comme nous sommes plusieurs à l’avoir dit jeudi dernier à l’occasion de la discussion autour de l’actualisation de la loi de programmation militaire, il demeure impératif que les dispositifs humains et matériels soient sanctuarisés. Si l’actualisation de la loi de programmation militaire est nécessaire pour donner à nos armées les moyens d’assumer notre protection, le texte nous apparaît en deçà des exigences du moment et ne permet pas de répondre aux menaces qui guettent notre pays.

En conclusion, l’initiative législative de M. Fromion ne concurrence aucunement les dispositifs existants, car notre pays dispose de la plupart des outils nécessaires à la réussite tant de l’insertion des publics les plus fragiles que du renforcement de la cohésion nationale et de la résilience de notre nation, mais elle les complète. Il s’agit néanmoins de veiller à leur cohérence, afin que chacun de nos compatriotes puisse s’engager facilement dans l’un des pôles suivants : service civique, service militaire adapté, volontariat ou réserve.

Le fait que les jeunes soient demandeurs d’un cadre rigoureux, d’horaires définis et d’une discipline à laquelle ils se plient m’interpelle. Les dispositifs que je viens de décrire pallient un manquement. Ces jeunes n’ont pas trouvé plus tôt cadre et rigueur dans le milieu familial ou scolaire, et on le regrette, mais il ne faudrait pas que cet état de fait fasse peser sur nos armées le poids d’une mission éducative de plus en plus lourde, qui la détournerait de son coeur de métier. C’est là que le service civique militaire est intéressant et se démarque des autres dispositifs : après les deux premiers mois de formation, les volontaires resteront pendant quatre mois auprès de nos militaires pour assurer des missions de sécurisation du territoire national. Comme le dit si bien Yves Fromion, c’est un dispositif gagnant-gagnant.

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