Intervention de Bernard Cazeneuve

Séance en hémicycle du 20 juillet 2015 à 16h00
Droit des étrangers — Présentation

Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur :

…je me demande s’il est bien raisonnable d’engager le débat ainsi dans un pays où il existe une organisation politique dont le seul et unique objectif est de prendre la question de l’immigration en otage pour susciter des peurs, des divisions – et parfois aussi, il faut bien le dire, des haines.

Je dis donc très clairement qu’il est faux de dire que depuis 2012, les demandes d’asile ont explosé dans notre pays : c’est le contraire qui s’est produit – je vous renvoie aux chiffres de 2014.

En ce qui concerne les délais, je veux rappeler que lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, la directive asile n’avait pas été intégrée en droit français et les délais étaient de vingt-quatre mois. Nous avons fait voter un texte extrêmement précis dans son contenu. Il prévoit de ramener la durée de traitement des dossiers des demandeurs d’asile à neuf mois à la fin du quinquennat. Nous le ferons en créant des places supplémentaires en centres d’accueil pour demandeurs d’asile – CADA – afin que ceux qui relèvent de l’asile soient accueillis conformément aux valeurs universelles que porte depuis des décennies notre pays. Ayant fait le constat d’un déficit de 20 000 places en CADA, nous avions d’ores et déjà décidé la création de 8000 places, auxquelles nous avons ajouté 4200 places dans le cadre du plan que j’ai présenté avec Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, en Conseil des ministres il y a trois semaines. Nous avons décidé de créer cinquante postes supplémentaires à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides – OFPRA – pour réduire la durée de traitement des dossiers des demandeurs d’asile.

Quel est le résultat de cette politique ? En 2014, les délais de traitement des dossiers des demandeurs d’asile ont diminué – pour la première fois depuis des années – de 8 %. Une démarche de progrès inédite jusqu’alors est donc amorcée. Dans le même objectif, nous avons décidé de créer des postes à la Cour nationale du droit d’asile – CNDA. Nous avons davantage reconnu les droits des demandeurs d’asile devant les juridictions. Et nous avons indiqué clairement, sans quoi il n’y aurait pas de soutenabilité de la politique de l’asile en France, que ceux qui ont été déboutés du droit d’asile et qui n’ont pas vocation à séjourner dans notre pays à un autre titre, doivent pouvoir être reconduits à la frontière dans des délais plus courts. La réduction du délai de traitement des dossiers des demandeurs d’asile nous paraît d’ailleurs constituer un élément de facilitation de la reconduite à la frontière des déboutés ayant épuisé tous les recours. Je veux le dire clairement devant la représentation nationale, il n’y a pas de soutenabilité de ce que nous avons décidé de faire au titre de la loi asile sans une grande clarté sur les conditions dans lesquelles nous entendons, de façon humaine mais ferme, traiter la situation de ceux qui sont déboutés du droit d’asile.

Pour témoigner de la sincérité de notre propos, je veux là aussi donner des chiffres incontestables. Il y aurait eu un âge d’or où la reconduite à la frontière de ceux qui étaient en situation irrégulière aurait été la règle, et nous serions aujourd’hui dans un âge de plomb où cette règle ne serait plus jamais respectée. Mais quels sont les chiffres et les pratiques, étant entendu que les chiffres doivent aussi s’analyser à l’aune des pratiques ?

Les pratiques d’abord. Il est vrai qu’il y a eu un temps, pour un certain nombre de ressortissants de l’Union européenne, des reconduites à la frontière aidées par des dispositifs subventionnés, qui conduisaient notamment des ressortissants roumains et bulgares – autour de 15 000 – à toucher une prime à Noël, à partir dans leur pays, à revenir après le jour de l’an et à repartir à Pâques pour toucher une nouvelle fois la prime. Ce dispositif permettait d’afficher des statistiques avantageuses. Cette politique était coûteuse ; elle ne correspondait à rien de cohérent et de sérieux, et elle avait pour conséquence de masquer l’incapacité dans laquelle on se trouvait de procéder à la reconduite à la frontière de ceux qui sont les plus difficiles à reconduire, à savoir les ressortissants hors Union européenne. Nous y avons mis fin. En même temps, nous avons augmenté le nombre des ressortissants de pays non membres de l’Union européenne reconduits à la frontière.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion