Intervention de Jean-Pierre Barbier

Séance en hémicycle du 20 octobre 2015 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Barbier :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, quelques jours après qu’elle a fêté ses 70 ans.

Cet anniversaire a un goût amer car la Sécurité sociale de 2015 a perdu le sens que voulurent lui donner les hommes du Conseil national de la Résistance. Ils n’ont pas voulu cette grande usine à gaz où les milliards changent de caisse sans améliorer ni mieux garantir « à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ».

L’ampleur des déficits est telle qu’il n’est plus possible de surseoir à un travail salutaire de remise à plat. Le défi que nous devons relever pour la pérennité de notre sécurité sociale est celui d’une construction nouvelle, plus efficace, plus responsable et plus lisible pour ses bénéficiaires, une construction nouvelle qui améliore les performances du système actuel.

Dans un contexte de mutations, de déficit structurel des comptes sociaux et de chômage de masse, nous ne pouvons plus nous satisfaire d’aménagements à la marge, de mesures cosmétiques si nous voulons sauver notre système de protection sociale. Il va falloir que beaucoup de choses changent si nous voulons que notre système de santé conserve son rang et tienne ses promesses. Mais force est de constater que c’est à nouveau un projet de loi de financement de la Sécurité sociale de renoncement qui est présenté par le Gouvernement.

Le renoncement principal concerne la réduction du déficit de la Sécurité sociale. « L’objectif affiché d’un équilibre des comptes sociaux en 2017 est désormais reporté à un horizon indéfini. » Ce n’est pas moi qui le dis, c’est la Cour des comptes dans son rapport annuel sur le financement de la Sécurité sociale, publié le 15 septembre dernier. Elle appelle donc de ses voeux des réformes structurelles qui ne viennent pas, en particulier sur la branche maladie. Et puisque vous aimez parfois rappeler les chiffres du passé, le déficit de l’assurance maladie était de 5 900 millions en 2012 alors qu’il devrait atteindre 7 200 millions en 2015 : expliquez-moi où est la maîtrise des déficits dans votre législature.

La Cour des comptes a d’ailleurs totalement désavoué la politique du Gouvernement. Vous aviez comme impératif d’infléchir fortement par des mesures structurelles la dynamique des dépenses d’assurance maladie. Or ce PLFSS ne répond pas à l’urgence de la situation. Il ne remplit pas les objectifs de réformes structurelles. Le déficit du régime général prévu pour 2016 est de 10 milliards d’euros, et de 14 milliards avec le Fonds de solidarité vieillesse.

Pour la branche maladie, dont le déficit connaît à nouveau une augmentation préoccupante, les réformes structurelles de l’offre de soins, en particulier de l’hôpital public, sont ajournées, et l’essentiel des économies seront à nouveau supportées par les produits de santé. C’était presque écrit d’avance. L’effort réclamé au secteur pharmaceutique s’alourdit. La facture globale pourrait s’élever à 1,7 milliard d’euros.

Le médicament est encore une fois victime d’une vision budgétaire profondément court-termiste. Il représente l’essentiel de la régulation des dépenses d’assurance maladie pour la quatrième année consécutive, alors même que M. Giorgi, président du Comité économique des produits de santé, indiquait lors de sa dernière audition devant la commission des affaires sociales que nous avions atteint les limites de ces dispositifs de baisse de prix et qu’il faudrait se consacrer à la baisse des volumes. Vous poursuivez en y associant une baisse des volumes, un niveau négatif du « taux L » de la clause de sauvegarde du médicament.

Ainsi, le Gouvernement paralyse les performances de ce fleuron qu’est l’industrie pharmaceutique française alors même qu’il s’agit d’un secteur stratégique pour l’économie nationale et pour l’emploi.

Les conséquences de la dégradation de cet environnement économique et de l’étranglement de l’industrie pharmaceutique sont fortes. Premièrement, l’industrie du médicament poursuit son recul en termes d’emploi, passant pour la première fois depuis dix ans sous la barre des 100 000 personnes. Deuxièmement, les investissements productifs dans le secteur pharmaceutique reculent en 2013 de 120 millions d’euros par rapport à 2010. Troisièmement, nos exportations de médicaments reculent. Les exportations de médicaments ont baissé de 5 % entre 2013 et 2014. Le solde de la balance commerciale du médicament connaît ainsi un repli historique, passant de 8,77 milliards en 2013 à 6 milliards en 2014. Pourtant, notre pays est à la recherche de secteurs nous permettant d’avoir une balance commerciale positive. Il est bien dommage que celui-ci soit abandonné.

Par l’utilisation de votre outil favori, la police fiscale, vous tondez vos moutons préférés. Ainsi, c’est un signal délétère aux investisseurs que vous envoyez. C’est l’attractivité de notre pays que vous pénalisez. C’est le chômage que vous favorisez.

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