Intervention de Jacqueline Fraysse

Séance en hémicycle du 20 octobre 2015 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacqueline Fraysse :

En ce qui concerne la branche vieillesse, rappelons que ce redressement s’explique essentiellement par le résultat cumulé des reculs sociaux engagés par la droite et que vous avez, hélas, poursuivis. La réforme conduite par le ministre Éric Woerth en 2010 fixe l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans au lieu de 60. Elle a été confortée par la réforme de 2011 allongeant la durée de cotisation de quarante à quarante et une année et demie. S’y ajoutent les dispositions que vous avez prises en 2014 allongeant la durée de cotisation à quarante-trois années pour disposer d’une retraite à taux plein, ainsi que celles décidées en 2015 pour augmenter les cotisations vieillesse et geler les pensions.

Par ailleurs, nous n’oublions pas la dégradation persistante du Fonds de solidarité vieillesse, dont le déficit s’établit à 3,7 milliards d’euros en 2015, ni les perspectives très préoccupantes des régimes complémentaires qui viennent d’être négociées par les partenaires sociaux – nouveau report de l’âge de départ et abaissement du niveau des pensions. Dans ce contexte, alors que la retraite figure parmi les premiers sujets de préoccupation des Français, votre autosatisfaction a quelque chose d’indécent tant elle cache une réalité amère pour nos concitoyens.

Concernant la branche accidents du travail-maladies professionnelles, les objectifs de dépenses pour le régime général sont identiques à ceux de l’an dernier, autour de 12 milliards d’euros. Cette branche, encore excédentaire cette année, dissimule mal la sous-déclaration massive des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Certes, un mécanisme de compensation à la branche maladie en atténue les conséquences, mais sans résoudre le problème de fond dont finalement, tout le monde s’accommode.

À ce propos, votre attitude à l’égard de la prévention des risques relatifs à l’amiante nous préoccupe. L’an dernier, sur ces mêmes bancs, je m’inquiétais du report de l’entrée en application d’un décret datant de 2012, qui fixait différents seuils d’exposition à l’amiante plus contraignants qu’auparavant. Ce décret n’est toujours pas complètement entré en application. Comment devons-nous interpréter cette inertie, sachant que la vie de dizaines de milliers de salariés est menacée ?

Ainsi, alors que les enjeux de santé publique et de prévention des risques, d’ailleurs source d’économies, sont plus que jamais essentiels dans cette société fortement touchée par le chômage et les inégalités, vous choisissez de réduire drastiquement l’Objectif national des dépenses de l’assurance maladie pour le fixer à 1,75 % pour 2016. C’est le seuil le plus bas depuis vingt ans, et bien en deçà de la progression tendancielle des dépenses, évaluée par les pouvoirs publics aux alentours de 4 %.

Autrement dit, en exigeant des établissements et des personnels de santé qu’ils limitent leurs dépenses à un peu moins de la moitié de celles réellement nécessaires pour répondre aux besoins, soit vous entretenez sciemment le déficit de la Sécurité sociale, qui vous est bien utile pour faire accepter les reculs sociaux, soit vous décidez autoritairement de ne pas répondre aux besoins sociaux et de santé de nos concitoyens. En réalité d’ailleurs, vous faites les deux.

Dans le détail, l’ONDAM pour les établissements de santé est fixé à 1,75 % et celui pour les établissements et services médico-sociaux à 1,9 %, alors que les prévisions de dépenses des premiers augmenteront mécaniquement de 2,87 % et celles des seconds de 3,21 %, ne serait-ce qu’en raison de l’inflation. Vous décidez donc de réduire encore leurs moyens, ce qui se traduira, sur le terrain, par de nouvelles baisses d’effectifs et de qualité des prestations offertes par des établissements pour la plupart déjà exsangues après plusieurs années consécutives d’efforts importants.

Ainsi, les hôpitaux, pourtant déjà à la limite de la rupture, devront économiser 1 milliard d’euros, qui s’ajoute aux 600 millions d’euros d’économies réalisées l’an passé. Pour tenir vos objectifs d’ici 2017, selon un document interne du ministère de la santé dont la presse s’est fait l’écho en mars dernier, c’est l’équivalent de 22 000 emplois de la fonction publique hospitalière qui devraient être remis en cause.

Quant au « virage ambulatoire », c’est encore pour vous l’occasion de réaliser des économies : vous en espérez 465 millions d’euros ! Si le développement de la chirurgie ambulatoire, c’est-à-dire sans hospitalisation, est effectivement à l’ordre du jour, vous faites délibérément l’impasse sur les investissements nécessaires pour réorganiser les pratiques, former les équipes soignantes, acquérir les équipements adéquats. Rien de tout cela ne vous préoccupe. Une fois de plus, votre seul souci est financier, comptable : vous exigez d’eux qu’ils fassent des économies sans précédent !

D’ailleurs, l’ONDAM du Fonds d’intervention régional, censé être le moteur de la rénovation des pratiques médicales et des modes d’exercice professionnel, est en contradiction totale avec l’exigence de développer la chirurgie ambulatoire et de rationaliser les pratiques hospitalières dans les territoires puisqu’il connaît une baisse vertigineuse, passant de 2,1 % en 2015 à 1 % en 2016 !

Quant à l’ONDAM des soins de ville, il est fixé à 2 %, réduisant chaque année un peu plus la marge de manoeuvre des médecins de ville pour faire face au surcroît de consultations et au renforcement de leurs missions dans le cadre du développement de la médecine ambulatoire.

Votre obsession comptable, c’est évident, ne vous conduit pas à mesurer les conséquences de ces choix catastrophiques qui obligent un nombre toujours plus grand de nos concitoyens à renoncer à des soins indispensables, notamment les jeunes et les personnes âgées, qui laissent un peu plus de 47 000 personnes handicapées, dont plus de 12 600 enfants, sans aucune solution d’accompagnement, qui asphyxient nos hôpitaux publics et en réduisent sans cesse les activités, qui ne répondent pas aux nouveaux défis que constituent l’explosion des maladies chroniques, comme le diabète ou les maladies liées à la pollution de l’environnement, l’accroissement des pathologies liées à la pénibilité, à la précarité de l’emploi ou au chômage de masse, la prise en charge des personnes âgées ou encore le développement des soins palliatifs que vous avez pourtant promis.

Du coup, même si ce texte comporte quelques avancées

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