Intervention de Philippe Vitel

Séance en hémicycle du 20 octobre 2015 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vitel :

Madame la présidente, je vais essayer de faire pour le mieux.

Monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous voici réunis pour discuter du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, court par son texte mais que le Gouvernement proclame ambitieux en matière d’économies.

En effet, les dépenses de santé sont à proprement parler cadenassées.

Ramener à l’équilibre la branche retraite, grandement aidé d’ailleurs dans cet objectif par la très bonne réforme que nous avions réalisée avec Éric Woerth en 2010 et qui devrait rapporter 5,1 milliards d’euros cette année, espérer faire redescendre le déficit global sous les 10 milliards, pourrait sembler au premier regard ambitieux si cela s’appuyait sur de véritables réformes structurelles. Mais, une fois de plus, celles-ci ne sont pas au rendez-vous : l’efficience des dépenses hospitalières ne s’appuie sur aucune réforme crédible puisqu’il faudra encore attendre plusieurs mois la très décriée loi de santé pour espérer de véritables restructurations grâce aux groupements hospitaliers de territoire, quand bien même les ARS garantiraient les équilibres entre le public et le privé.

L’ONDAM, fixé à 1,75 %, est à son plus bas niveau depuis 1997 alors qu’on peut s’attendre à une évolution naturelle des dépenses d’assurance maladie de 3 % du fait de l’évolution de l’espérance de vie et de celle des nouvelles technologies médicales.

Donc rien de nouveau, rien de positif sous le soleil !

C’est sur la politique de la famille que je voudrais m’attarder ce soir.

Le PLFSS 2016, conjugué au PLF 2016, est source d’inquiétude à un double titre au regard de la fragilisation de la politique familiale. Il y a certes d’un côté la baisse de la part des recettes assises sur les salaires, mais aussi de l’autre, la diminution du périmètre d’intervention de la branche famille.

Au niveau des recettes de la branche famille, 2016 verra l’application de la deuxième étape du Pacte de responsabilité et de solidarité. La baisse des cotisations famille pour les employeurs s’appliquera pour tous les salaires inférieurs à 3,5 SMIC, soit à 90 % des salariés ; avec application décalée au 1eravril 2016, cela représentera 3,1 milliards d’euros en 2016 et 4,5 milliards d’euros en année pleine. Comme en 2015, cette perte de recettes sera compensée par un transfert de charges de la branche famille à l’État. C’est la loi de finances qui l’organisera et il est envisagé de transférer à l’État le financement de l’aide au logement familial, prestation pourtant par nature familiale. Je m’étonne de ce choix.

En effet, le logement est bien une charge pour la famille, compensée par une prestation affectée à cet effet. Intégrer cette prestation familiale dans un bloc « aide au logement » à la main de l’État risque d’amoindrir cette dimension familiale au profit de dimensions plus redistributives et sociales. À l’heure des soixante-dix ans de la Sécurité sociale, il est important de rappeler que l’ALF est incluse depuis 1946 dans le périmètre de la branche famille pour des raisons d’intérêt familial évident.

D’autres transferts de dépenses de même ordre de grandeur étaient possibles sans remettre en cause le coeur du système des prestations familiales. À cet égard, il serait possible que l’État finance les majorations de pension pour enfants à charge – 4,5 milliards d’euros – ou la réaffectation de cette dépense au Fonds de solidarité vieillesse, quitte à équilibrer cette mesure par un transfert de CSG de la CNAF au FSV. Cela me semblerait une bonne solution.

En tout état de cause, avec les rétrécissements du champ de ses dépenses conjugués au faible dynamisme des prestations familiales, la branche famille ne pèsera plus que 49 milliards d’euros en 2016 : doit-on alors considérer qu’elle est en voie de marginalisation parmi les risques sociaux ? 2014 et 2015 ont été marqués par de nombreuses mesures d’économies infligées à la politique familiale. Malgré la compensation partielle que représente la revalorisation de l’ASF – l’allocation de soutien familial – et la majoration du complément familial, l’impact sur les familles, qui était de 1,33 milliard d’euros en 2014 et de 1,56 milliard d’euros en 2015 atteindra 2,2 milliards en 2016, et encore ces chiffres ne tiennent-ils pas compte de la fiscalisation des majorations de pensions et de la réforme du complément du libre choix d’activité.

Voilà, mes chers collègues, les quelques réflexions que m’inspire ce PLFSS. Au fil de l’examen des articles, nous aurons bien sûr l’occasion de dénoncer trop de mesures qui, faute d’un vrai courage réformateur, se contentent de chercher çà et là des boucs émissaires. Monsieur le secrétaire d’État, écoutez la Cour des comptes et son Premier président, votre ami M. Migaud, qui vous invite à mettre en oeuvre sans tarder des réformes structurelles, seules à même d’infléchir durablement les dépenses.

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