Intervention de Bruno Le Roux

Séance en hémicycle du 16 novembre 2015 à 16h10
Débat sur la déclaration du président de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Le Roux :

Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes en guerre. Le Président de la République vient de commencer ainsi, à nouveau, son intervention. Il l’a dit aux Français dès vendredi soir : nous sommes en guerre et nous connaissons notre ennemi. Nous savons tous ici que cette guerre sera longue, qu’elle prendra des formes multiples, que notre pays sera très certainement à nouveau frappé. Nous savons tous ici que nous combattons, avec nos alliés, un ennemi totalitaire qui veut imposer son ordre terroriste, la terreur, la barbarie, coloniser le monde et les esprits pour mieux les détruire et les asservir. Cet ennemi est le mal absolu, qui transforme des hommes en kamikazes, qui est entièrement régi par la pulsion de mort et par la haine de notre modèle démocratique.

Mes chers collègues, cette situation nouvelle que connaît notre pays nous oblige. La réunion aujourd’hui de nos deux assemblées, rassemblées ici à Versailles en congrès, exceptionnelle par définition, symbolise, à elle seule, la gravité et le caractère historique de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Cette guerre doit nous conduire à nous déployer sur plusieurs fronts : le front militaire, dans lequel nos forces armées sont engagées ; le front diplomatique, qui doit permettre d’associer les pays de la région et, le plus largement possible, le reste du monde à la lutte sans merci contre Daech ; et notre sécurité intérieure, qui relève autant de nos services de protection que de la mobilisation de la nation tout entière.

Je reviendrai rapidement sur chacune de ces dimensions mais avant cela, permettez-moi d’adresser à mon tour, au nom de mon groupe et très certainement au-delà, mes condoléances aux familles et aux proches des victimes des attentats que nous venons de connaître. Il y a vingt-quatre heures encore, toutes ces victimes se résumaient à un chiffre terrible. Aujourd’hui, elles ont presque toutes été identifiées. Nous pouvons mettre sur bon nombre d’entre elles un visage. Leur visage est celui de la France : plurielle, métissée, tolérante mais aussi une et indivisible, accueillante, à voir ces citoyens de l’Europe et du monde qui étaient venus passer quelques jours dans la capitale. Tous, dans le pays, nous nous sommes dit « cela aurait pu être moi ».

Je veux avoir une pensée pour ces femmes et ces hommes qui, dans les hôpitaux de Paris, luttent pour la vie. Je veux les assurer de notre compassion, leur dire que nos pensées les accompagnent, que nous sommes à leur côté. Je veux remercier les équipes médicales, les personnels d’urgence, pleinement mobilisés, pour la constance de leur dévouement et l’excellence de leurs interventions.

Je veux saluer l’ensemble des forces de l’ordre pour leur professionnalisme, pour leur mobilisation qui est si forte depuis bientôt un an. Je connais leur fatigue, leur emploi du temps, les heures qu’ils font sans compter et je sais qu’ils sont tout entier au service de la nation. Qu’ils en soient ici remerciés.

Le Président de la République vient de nous présenter l’ensemble des dispositions et des mesures que la situation exceptionnelle que nous vivons appelle. Ces mesures ont été décidées après que l’ensemble des formations politiques du pays ont été consultées, le Président de la République faisant appel à l’esprit de concorde et d’unité nationale. Je veux dire ici, avec la gravité qui s’impose, parce que les Français ne le comprendraient pas, que l’unité nationale ne se mégote pas, ne se découpe pas, qu’elle est d’un bloc, de bas en haut de la nation, non soumise à des conditions qui, au final, pourraient la réduire aux acquêts.

Nous sommes dépositaires de cette unité : par notre attitude, par notre volonté commune, nous devons montrer que nos valeurs sont plus fortes que la terreur.

Nos débats peuvent être contradictoires, mais un seul critère doit guider les décisions que nous serons conduits à prendre : l’efficacité. L’efficacité dans le respect du droit et dans le but final, clairement énoncé, d’en finir avec Daech et toutes les formes de radicalismes extrémistes.

Notre arsenal juridique permet beaucoup. Il a été renforcé par les textes que nous avons adoptés au cours de l’année – je pense en particulier à la loi relative au renseignement. Il a été renforcé par l’augmentation, aujourd’hui encore annoncée, des effectifs de la police, du renseignement et des forces armées.

L’état d’urgence a été décrété, qui permet d’agir avec davantage de rapidité encore. Il nous est demandé d’en autoriser la prorogation pour trois mois.

Nous souscrivons à cette nécessité, comme nous souscrivons à la proposition que vient de formuler le Président de la République d’étudier le plus rapidement possible, en toute responsabilité, une révision de la Constitution, qui permette au Gouvernement et au chef de l’État de prendre toute la mesure de la situation exceptionnelle et durable créée par ces attaques terroristes.

Mes chers collègues, nous devons être, dans l’action, mobilisés, déterminés, unis, avec humilité mais avec la volonté constante d’améliorer ce qui doit l’être. Je souhaite ici que, tout en respectant totalement le débat démocratique qui doit être le nôtre, le temps parlementaire soit raccourci, pour permettre qu’aux propositions d’aujourd’hui, des textes fassent écho dès demain et qu’ils s’inscrivent après-demain dans la vie et le quotidien de notre pays, afin que les Français sachent que nous sommes pleinement mobilisés dans cette situation. Aussi, sans rien renier du débat que nous devons avoir, nous avons décidé, ensemble, de raccourcir au maximum le temps parlementaire que les Français trouvent quelquefois trop long, pour prendre chacun nos responsabilités.

Il nous faut éviter de tomber dans le jeu de notre ennemi, qui attend que nous délitions nos valeurs dans la peur et que nous renoncions à ce que nous sommes.

S’agissant des différents fronts sur lesquels nous sommes engagés, le Président de la République a dit l’essentiel. Je n’y reviendrai donc pas, si ce n’est pour dire d’un mot que, sur le plan militaire et diplomatique, nous ne devons pas inverser l’ordre des choses.

C’est parce que, depuis trois ans, la France est en première ligne contre le terrorisme que Daech nous attaque. C’est parce que nous avons empêché sa progression en Afrique et que nous lui portons les coups les plus rudes en Irak et en Syrie que Daech nous attaque.

Nous sommes engagés dans une coalition internationale. Depuis longtemps, nous réclamons une coalition renforcée. À partir de maintenant, nous devons sans relâche réaffirmer que toutes les bombes larguées sur cette région doivent être dirigées contre Daech, et uniquement contre Daech, car là est la priorité. Il ne peut pas y avoir, après les actes qui ont été commis, d’autre priorité que de bombarder Daech en Syrie et en Irak, quelle que soit la position que l’on occupe dans le monde aujourd’hui. C’est pour cela qu’il nous faut élargir la coalition, sur cet unique objectif.

Permettez-moi de saluer l’action de nos forces armées, qui, dès hier soir, ont porté haut la riposte française, touchant durement Daech à Raqqa et montrant la détermination et la force de la France.

J’en viens à la sécurité de notre territoire et, par là même, à celle de nos concitoyens. Nous souscrivons à toutes les mesures présentées, qui visent à supprimer tous les lieux de radicalisation sur notre territoire. Il n’est pas possible, en France, de tenir des propos de haine et d’appel à la violence, des propos de djihad.

Oui, il faut se donner les moyens d’écarter tous ceux qui appellent à la haine ! Oui, il faut stopper ceux qui veulent substituer la loi religieuse à la loi de la République. Oui, il nous faut porter haut nos principes de laïcité, et cela commence à l’école. Oui, il faut fermer les mosquées qui prônent le djihad. Le problème d’ailleurs n’est pas celui des mosquées mais de ceux qui, à l’intérieur, y professent la haine. Oui, il faut pleinement déployer nos systèmes de renseignement et de surveillance, comme le propose M. le ministre de l’intérieur.

Depuis janvier dernier, nos services ne sont pas restés immobiles ; notre Parlement n’est pas resté immobile. Depuis des mois, depuis les attentats de janvier dernier, des expulsions ont eu lieu, des filières ont été démantelées, des tentatives d’attentats ont été déjouées, des déchéances de nationalité ont été prononcées, un plan de lutte contre la prolifération des armes à feu a été lancé.

« L’État de droit n’est pas l’état de faiblesse », rappelait Robert Badinter. L’État de droit, c’est notre protection, c’est notre rempart.

Mes chers collègues, la France occupe une place singulière dans le monde. Certains pourraient être tentés de penser que si notre pays s’était replié sur lui-même, il n’aurait pas été touché comme il l’a été vendredi soir. La tentation est grande, parfois, de vouloir détourner notre pays de la marche du monde. Cette tentation, je le dis ici, serait une erreur et une illusion.

Gardons toujours à l’esprit, mes chers collègues, qu’ils veulent nous frapper non pas simplement pour ce que nous faisons mais avant tout pour ce que nous sommes. Et si nous doutons parfois de notre identité, sachons que nos ennemis savent qui nous sommes : nous sommes le pays de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.

Nous sommes un pays dans lequel, fort heureusement, les femmes sont libres, de travailler, de conduire, de s’habiller comme elles le veulent, de vivre leur vie. Nous sommes un pays où chaque croyant peut pratiquer son culte, et, parmi les victimes de vendredi soir, toutes les confessions étaient présentes. C’est pour cela que j’ai confiance. Le peuple français ne cédera jamais en rien sur ses valeurs et sur son mode de vie.

La tragédie qui vient de frapper notre pays témoigne d’un monde que parcourent des idéologies tout entières tournées vers la pulsion de mort. C’est un ennemi qui frappe toutes les grandes démocraties.

Nous avons pu constater dès vendredi soir, comme nous avions pu le constater le 11 janvier dernier, que, dans de nombreux pays du monde, les couleurs de notre pays ont été honorées. Partout des voix se font entendre pour dire avec nous : nous sommes la France, nous sommes debout, nous résistons et nous vaincrons.

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