Intervention de Roger-Gérard Schwartzenberg

Séance en hémicycle du 16 novembre 2015 à 16h10
Débat sur la déclaration du président de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoger-Gérard Schwartzenberg :

Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, au nom de mon groupe, je m’incline avec émotion devant la mémoire des victimes de la tuerie de masse commise vendredi soir par des terroristes fanatisés. Mes pensées vont aussi vers leurs familles, vers leurs proches, meurtris par cette épreuve tragique. Leur deuil est aussi le nôtre. Et je voudrais à mon tour saluer l’action des forces de sécurité et des services hospitaliers qui ont tout mis en oeuvre pour secourir les très nombreux blessés.

Finalement, qu’est-ce qui fait une civilisation ? Et en particulier la nôtre ? Le respect de la vie, l’attention à autrui, le dialogue, la tolérance et, bien sûr, la fraternité. C’est cela que les tueurs de Daech ont voulu détruire avec leurs rafales de Kalachnikov.

Voici donc, en ce nouveau siècle, le retour de la barbarie, la résurgence de la violence et de la haine, avec ces adeptes de l’obscurantisme qui veulent imposer de force leur croyance à autrui, comme au temps lointain et reculé des guerres de religion.

Le terrorisme vise à inspirer la frayeur, la sidération. Ce résultat ne sera pas atteint dans notre pays. On ne cède pas au terrorisme, on le combat, pour défendre la liberté – et pour la défendre ensemble, sans distinction entre nos différents partis. Nos partis sont divers, mais nous devons faire bloc et faire front. Nous devons réagir avec unité et nous rassembler face au terrorisme qui cherche à nous diviser. La volonté de s’unir doit l’emporter quand l’essentiel est en jeu.

Nous soutenons l’action de l’exécutif, les mesures prises dès vendredi, les initiatives nouvelles annoncées, du moins la plupart d’entre elles, mais nous voulons aussi mettre en évidence tout ce qui a été réalisé en 2015, et en particulier la loi relative à la lutte contre le terrorisme du 13 novembre 2014, présentée par le Premier ministre et le ministre de l’intérieur.

Trois de ses dispositions peuvent, entre autres, être très utiles. Tout d’abord, cette loi dispose que tout ressortissant étranger peut, dès lors qu’il ne se trouve pas sur le territoire national, faire l’objet d’une interdiction administrative du territoire lorsque sa présence en France constituerait une menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure.

Par ailleurs, ce texte de 2014 transfère de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse à un nouvel article du code pénal les délits de provocation au terrorisme et d’apologie du terrorisme, afin d’allonger les délais de prescription et d’adapter les procédures. Entre 2001 et 2014, le délit d’apologie du terrorisme n’a donné lieu à condamnation qu’à cinq reprises. Cinq fois seulement, en près de quinze ans !

Enfin, la loi de 2014 entend combattre le cyberdjihadisme, car Internet est devenu le vecteur principal de la propagande, du recrutement et de l’incitation au terrorisme. Désormais, l’arrêt d’un service de communication au public en ligne peut être prononcé par le juge des référés pour provocation à des actes de terrorisme ou apologie de ces actes lorsqu’ils constituent un trouble manifestement illicite, à la demande du ministère public ou de toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir. Il importe que le Parquet utilise pleinement cette disposition et saisisse chaque fois que nécessaire le juge des référés, en faisant preuve de réactivité et de vigilance.

Pour finir, conformément à la loi du 3 avril 1955, l’état d’urgence, décrété en conseil des ministres, ne peut être prorogé au-delà de douze jours que par une loi qui en fixe la durée. Le Président de la République annonçait une prorogation de trois mois, ce qui reste modéré – peut-être insuffisant ? en tout cas modéré si l’on compare cette durée à certains précédents. Ainsi, après le putsch des généraux d’Alger, l’état d’urgence avait été appliqué pendant deux ans, d’avril 1961 à mai 1963.

Ce n’est pas nécessairement un exemple à suivre, mais la loi du 3 avril 1955 contient des dispositions intéressantes. De plus, elle n’a pas été soutenue par des auteurs totalement liberticides, puisqu’elle portait le contreseing d’Edgar Faure, de Robert Schuman et d’Antoine Pinay, lesquels devaient avoir, eux aussi, la préoccupation de ne pas porter une atteinte excessive aux libertés publiques !

En fait, Daech est devenu un proto-État, un quasi-État, avec un large territoire en Syrie et en Irak, avec un appareil public et une armée, et avec un budget considérable. Selon les services américains, Daech engrangerait 3 millions de dollars par jour, issus du système d’impôts instauré dans les territoires contrôlés, du pillage des banques de ces territoires et de l’exportation du pétrole extrait des parties occupées de Syrie et d’Irak, souvent vendu au marché noir en Turquie. Ce seul trafic rapporterait 1,2 million de dollars par jour.

Enfin, selon certains observateurs – mais comment savoir s’ils ont raison ? –, des États de la « région » au sens large du terme auraient apporté, au moins initialement, leur soutien financier à Daech par l’intermédiaire de donateurs fortunés. Il serait très souhaitable que ces pays, qui se disent les amis de la France, ne financent pas ses agresseurs.

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