Intervention de Valérie Boyer

Séance en hémicycle du 3 décembre 2015 à 9h30
Répression de la négation des génocides et des crimes contre l'humanité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Boyer, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, lorsque j’ai pris la parole, j’ai présenté le texte. Je regrette qu’au cours de la discussion générale, les collègues qui se sont opposés à la proposition de loi aient très peu parlé de celle-ci. Ils l’ont balayée d’un revers de main, sans même s’intéresser au fond. Sans doute ont-ils le même mépris pour l’avis des éminents constitutionnalistes qui l’ont approuvée, et avec lesquels j’ai travaillé la nouvelle rédaction.

Il est tout à fait normal – c’est même le coeur du travail législatif – de faire évoluer sans arrêt un texte. D’ailleurs, si nous examinons aujourd’hui les articles au fond, nous les améliorerons, nous les changerons. C’est ce que je vous propose de faire, comme je vous l’ai proposé en 2014, lorsque j’ai déposé ma première proposition de loi.

Je vous l’ai également proposé avant la réunion de la commission, alors que vous saviez que le texte serait discuté dans une niche, puis pendant cette réunion, mais personne n’a pris la peine d’examiner le texte. Depuis le 25 novembre, date à laquelle celui-ci est accessible sur le site de l’Assemblée nationale, aucun amendement digne de ce nom n’a été déposé.

Je le regrette : cette cause méritait mieux. Néanmoins, je vais vous répondre au fond, puisque vous vous êtes contentés de vous opposer à la proposition de loi sans avancer aucun argument juridique tangible ni aucune proposition d’amélioration notable.

L’amendement no 12 répond aux préoccupations qui ont été exprimées, pourvu qu’on prenne le temps de le lire et de l’analyser – ce qui n’a été le cas ni en commission, ni en séance publique.

Comme j’ai eu l’occasion de le dire dans mon intervention liminaire, la nouvelle rédaction de l’article 1er tient compte des observations du Conseil constitutionnel – ce qui est normal puisqu’il a censuré le texte que le Parlement souverain avait voté – comme de la Cour européenne des droits de l’Homme. Plusieurs garde-fous juridiques sont en effet prévus. Premièrement, la reconnaissance des crimes de génocide ne dépend plus du législateur, mais d’un accord international ou d’une décision juridictionnelle revêtue de l’autorité de la chose jugée. Deuxièmement, l’incrimination pénale est plus précisément définie afin de ne pas contrevenir au principe constitutionnel de légalité des délits et des peines. Troisièmement, la liberté d’expression est mieux protégée, la peine encourue pour négationnisme étant subordonnée à une liste de conditions cumulatives et strictement énumérées. Dès lors, au nom de quoi ne pas s’intéresser au fond de ses articles ?

Pour reprendre les propos de Julien Aubert, je dirais que l’histoire de notre assemblée s’est écrite avec de l’audace et du courage. François Rochebloine l’a lui aussi rappelé. Comme l’a observé Christian Kert, les députés ont su en plusieurs circonstances dépasser leurs querelles et les postures politiciennes au nom de l’intérêt général. C’est bien ce qui devrait nous rassembler aujourd’hui.

C’est au nom de la dignité humaine que je vous demande de soutenir ce texte : 2011, 2012, 2013, 2014, 2015 : les années passent et nous laissons le négationnisme se propager, s’enraciner sur notre territoire. Nous avons aujourd’hui une occasion historique d’y mettre un terme. Comment laisser s’achever cette année sans travailler sur le sujet, en se réfugiant une fois de plus derrière l’esthétique juridique ou des arguties juridiques ?

Lors des débats de 2011, l’ensemble des groupes politiques de cette assemblée s’étaient unis pour voter le texte. Souvenons-nous des promesses du candidat François Hollande devant la statue de Komitas en avril 2012, de la question écrite posée par Guillaume Larrivé en août 2012 pour connaître le calendrier de la proposition de loi. La réponse est tombée comme un couperet en juillet 2014 : « Ce n’est pas une priorité…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion