Intervention de Christian Eckert

Séance en hémicycle du 4 décembre 2015 à 9h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2015 — Après l'article 30

Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget :

C’est impossible. Il gardera donc l’argent, et cela pourra être considéré comme une aide d’État – qui n’aura pas été notifiée et n’est pas autorisée par le droit de l’Union européenne.

Venons-en justement au problème que pose cette mesure au regard du droit de l’Union. Le débat a eu lieu, au Parlement comme entre les différents services fiscaux. Tout le monde a analysé les règlements en vigueur, aussi bien en 2008 et 2009 qu’aujourd’hui.

Vous savez que la Commission européenne a adressé une mise en demeure à la France à la suite de l’adoption de la loi de février 2014 harmonisant les taux de la TVA applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne. Nous sommes en infraction, et la Commission nous a confirmé ce qu’elle avait toujours dit, à savoir que la directive TVA exclut expressément l’application du taux super-réduit de TVA aux services de presse en ligne.

Elle nous a donc mis en demeure de revenir sur la loi qui a été adoptée – certes, ce n’est pas la première fois, mais il n’en demeure pas moins que la Commission a confirmé que l’application d’un taux de TVA de 2,1 % à la presse en ligne était contraire à la directive. Encore une fois, elle l’a toujours dit, et nos services l’ont toujours dit à ceux qui les interrogeaient sur ce point. On entend parfois dire que les contribuables en question n’étaient pas au courant. Mais l’administration le leur a écrit dès 2008 ! Je ne peux pas vous fournir ces documents, qui sont couverts par le secret fiscal, mais nous l’avons vérifié, ils étaient parfaitement au courant du taux en vigueur.

Le président de la Commission européenne, nous dit-on, a déclaré que cela pourrait changer. Peut-être, mais quand ? Nous l’ignorons. Est-ce sûr ? Nous ne le savons pas davantage. Bien sûr, je le souhaite – et j’ai clairement approuvé la loi de février 2014, quand bien même nous nous mettions en infraction en toute connaissance de cause. Le président de la Commission a évoqué une modification – qui ne dépend d’ailleurs pas de lui, puisqu’en matière de TVA, il faut l’unanimité des États membres – qui réglerait le problème de la mise en demeure pour la France. Peut-on pour autant considérer que ceux qui se sont appliqué un taux réduit de leur propre initiative, alors même que c’était contraire aux règles communautaires, ne doivent pas être poursuivis ?

J’ajoute que des procédures contentieuses peuvent être déclenchées, puisque tout contribuable qui considère que l’administration applique des règles contraires au droit peut contester ses décisions. Or dans un jugement du 16 octobre dernier, le tribunal administratif de Paris vient de débouter l’un des contribuables concernés – ce qu’une juridiction supérieure infirmera peut-être. Enfin, les entreprises concernées peuvent obtenir un sursis de paiement en cas de procédure contentieuse.

Pour toutes ces raisons, sans même parler des considérations morales ou d’opportunité…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion