Intervention de Nathalie Kosciusko-Morizet

Séance en hémicycle du 19 janvier 2016 à 15h00
République numérique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Kosciusko-Morizet :

La consultation publique est une bonne chose. Encore faudrait-il que les avis recueillis, tout comme les amendements de nos collègues députés, puissent être entendus. J’ai déposé, avec d’autres de mes collègues, des amendements qui visent à renforcer la valeur ajoutée de ce projet de loi, et j’aurais aimé que davantage de temps soit laissé au débat. En tout cas, je souhaite ardemment qu’ils puissent être adoptés, et je les défendrai.

Ils s’articulent autour de trois besoins : un besoin d’accès, en tant que citoyen et en tant qu’entreprise ; un besoin de protection, en tant que citoyen, qui doit être respecté par les entreprises et par l’État ; un besoin d’innovation, enfin, de façon à ce que le numérique soit au service du développement économique et social du pays.

Le besoin d’accès suppose d’inscrire fermement le principe de la double licence : une donnée publique doit, par nature, être accessible si elle retombe dans le domaine public, et payante si son usage ou la donnée modifiée n’est pas reversé dans le domaine public.

Le besoin de protection est sans conteste celui qui nous interpelle le plus, en tant que députés. Nous ne pouvons évidemment accepter que ce besoin nuise à l’innovation, mais, réciproquement, il est intolérable que des données personnelles fassent l’objet d’échanges que le citoyen ne maîtrise pas, ou qui aient lieu contre son gré. J’ai donc, avec plusieurs collègues présents ce soir – et je salue notamment notre collègue Patrice Martin-Lalande, signataire de tous ces amendements – proposé deux mesures.

La première consiste en la création d’une action collective, sur le modèle des class actions : elle permettrait à un groupe d’usagers de se regrouper contre une entreprise qui enfreindrait les règles relatives aux données personnelles. Pourquoi une action collective, et non une action de groupe, cher collègue Philippe Gosselin ? Parce que je ne souhaite pas nécessairement de sanctions financières contre les entreprises, sur la base d’un préjudice d’ailleurs difficile à évaluer. Ce que je souhaite, c’est que l’action collective mène à une sanction réputationnelle.

Pour assurer la protection des citoyens, je propose, deuxièmement, que les sanctions de la CNIL ne soient pas punitives pour les petites entreprises, et sans douleur pour les grandes. Vous savez que c’est trop souvent le cas, madame la ministre : vous avez vous-même dit que les sanctions de la CNIL, c’est « cacahuète », et vous avez eu bien raison de le dire, car c’est évidemment un problème. La France pourrait transposer de façon anticipée le règlement européen, qui fixe les sanctions à 20 millions d’euros au maximum et à 4 % du chiffre d’affaires. La sanction actuelle, une amende de 150 000 euros, tue les start-up, mais est indifférent pour une entreprise comme Google, pour qui cette somme doit représenter grosso modo les honoraires de ses avocats.

Enfin – car c’est une des lacunes du texte – je souhaite que le projet de loi réponde à des besoins d’innovation. Nous avons déposé un amendement visant à protéger les hackers blancs, ceux que l’on appelle aussi les white hats, qui signalent à une entreprise ou à une administration quelles sont leurs failles. L’adoption de cet amendement ferait de la France la figure de proue du numérique. Or notre pays doit continuer à diffuser cette culture de l’innovation. Les entreprises, comme les administrations, se renforcent de ces experts extérieurs qui les alertent sur leurs failles. Il est toujours utile pour une entreprise, et pour tout un chacun, de pouvoir bénéficier de ce genre de démarche, si elle est bienveillante. Il convient donc, non pas de la punir, mais de l’encourager.

Mais il faut aller plus loin. Puisque la loi Noé semble avoir été jetée aux oubliettes, je vous engage, madame la ministre, à inclure dans cette loi des mesures de soutien à l’innovation – plusieurs de nos amendements vont dans ce sens – sur lesquelles nous ne doutons pas que vous travaillez, qu’il s’agisse de faciliter le financement des entreprises ou de donner un coup de pouce à la transition numérique.

Ce projet de loi comporte des avancées concrètes, mais il manque de chair. Le numérique doit cesser d’être un simple slogan pour devenir un moyen de relancer la croissance en France, un vrai projet économique et social, un projet à la hauteur de l’ambition que traduit le titre de ce projet de loi. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, il n’est pas trop tard.

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