Intervention de Sandrine Mazetier

Séance en hémicycle du 3 février 2016 à 15h00
Renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Mazetier :

D’autres nous expliquent qu’à côté de la réalité, certes sordide, de la prostitution de rue aux mains des réseaux de traite humaine, il existerait un univers merveilleux, celui de la libre entreprise de personnes prostituées choisissant librement d’exercer dans le cadre élégant et feutré des palaces. Et c’est à cette liberté-là qu’il ne faudrait pas porter atteinte.

Donnons donc la parole aux filles du Carlton. Ainsi, S. dit aux enquêteurs : « J’ai eu un haut-le-coeur », « Je n’ai pas voulu me mêler à ce carnage car ce n’est pas du tout ma façon de faire : il y a des filles qui le suçaient sans capote. » C’était « de l’abattage », « une véritable boucherie ». « Dans une relation sexuelle tarifée, il y a un dominant et un dominé, celui qui est payé n’est pas acteur de ce qui se passe. Il n’était même pas question d’envisager de lui dire non. On s’efforce alors de s’oublier. On attend que ça se passe. »

Donnons la parole à Jade, toujours du Carlton : « On a beau prendre quinze douches, vingt douches, on ne peut pas se laver de ça. Même avec les années qui passent, il y a toujours une musique, un parfum […] qui rappelle un client violent. Ou un jeune homme qui nous emploie comme poupée, pour tester. »

Voilà, mes chers collègues, le sujet qui nous occupe aujourd’hui. Des trottoirs de Belleville aux chambres des palaces, des migrantes victimes de réseaux aux supposées aristocrates de la prostitution, un point commun : la violence subie et la violence infligée.

Violence subie : un taux de mortalité six fois supérieur à la population du même âge ; 71 % des personnes prostituées ont subi des violences physiques avec des dommages corporels ; 63 % ont subi des viols. Et toutes – je pense à l’incroyable Rosen Hicher mais aussi aux représentantes des personnes prostituées que nous avons auditionnées à l’automne 2013 – ont mentionné le processus de dissociation qui consiste à séparer corps et esprit pour supporter le métier d’orifice pour des phallus sans visage.

Violence subie, mais également violence infligée. Par qui ? Par les réseaux, oui, par les proxénètes évidemment, mais aussi et surtout par les clients !

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