Intervention de George Pau-Langevin

Séance en hémicycle du 24 mars 2016 à 9h30
Action extérieure des collectivités territoriales — Présentation

George Pau-Langevin, ministre des outre-mer :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, j’ai grand plaisir à examiner aujourd’hui avec vous la proposition de loi relative à l’action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération de l’outre-mer dans son environnement régional, préparée par le député Serge Letchimy – je sais que c’est un sujet qui lui tient beaucoup à coeur – en lien avec les services compétents de l’État.

Le développement de la coopération régionale est un impératif pour l’avenir des régions ultramarines. Je me souviens qu’en 1990, déjà, le rapport de Gouttes avait souligné pour la première fois, ce qui avait constitué un événement, l’intérêt pour la Caraïbe d’exploiter les liens culturels et personnels régionaux unissant les îles pour renforcer la francophonie, pour mutualiser nos infrastructures de recherche, d’enseignement supérieur, de santé et de protection civile, au service de défis régionaux communs, et pour renforcer les échanges économiques intrarégionaux. À l’époque, les collectivités ultramarines n’avaient guère de marges de manoeuvre. La loi du 2 mars 1982 autorisait tout au plus le conseil régional à « décider, avec l’autorisation du Gouvernement, d’organiser […] des contacts réguliers avec des collectivités décentralisées étrangères ».

Les majorités de gauche successives ont desserré le cadre juridique de l’intervention des collectivités locales en matière de coopération régionale, particulièrement dans les outre-mer. Ce fut le cas en 1992, avec la loi sur l’administration territoriale de la République, puis avec la loi d’orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000, qui définit le régime juridique actuel de cette intervention. Certes, il faut le souligner, cela ne correspond pas à la conception habituelle que l’on peut avoir des relations entre un État et ses voisins. Les collectivités ultramarines se sont, en quelque sorte, introduites dans ce qui était auparavant un dialogue entre des puissances régaliennes. Depuis 2000, ces collectivités peuvent être autorisées par les autorités de la République à négocier et à signer des conventions internationales à des fins de coopération régionale, dans le respect des engagements internationaux de la République. Cette faculté n’a d’ailleurs pas été beaucoup utilisée, peut-être en raison des limites que les collectivités y voyaient.

Aujourd’hui, Serge Letchimy propose de franchir une nouvelle étape, et le Gouvernement l’a rejoint sur cette idée. En effet, les défis communs perdurent et, comme on peut le constater, les échanges économiques régionaux sont demeurés insuffisants. Cela s’explique naturellement par des causes structurelles liées aux écarts de développement dans le voisinage de nos outre-mer et à la concurrence entre États et territoires régionaux sur certaines productions. Mais, à l’évidence, la complexité des procédures de décision en matière de coopération régionale constitue également un frein.

La réorganisation de notre réseau diplomatique, le transfert de l’autorité de gestion des crédits européens dédiés à la coopération territoriale et l’arrivée au pouvoir d’élus ayant une vision et un agenda de coopération régionale changent la donne. En concevant les contours de cette nouvelle étape, votre rapporteur, comme le Gouvernement, ont veillé au respect du principe constitutionnel en vertu duquel la conduite des relations extérieures relève de l’État. En application de ce principe, la signature d’engagements internationaux requiert l’autorisation de l’État, mais il est possible à celui-ci de déléguer sa capacité à négocier un tel engagement. Cette règle a vocation à assurer la cohérence des engagements internationaux négociés par les différentes collectivités publiques d’un État, dans un contexte où la pratique de la délégation du droit à négocier ces engagements est plus fréquente.

La règle est rigoureuse mais son application est désormais souple, dès lors que la collectivité demandeuse souhaite négocier une convention dans des matières relevant de sa compétence, donc dans le domaine de la coopération régionale. La proposition de loi qui vous est présentée aujourd’hui vise à accroître la liberté d’action des collectivités ultramarines.

Elle s’y emploie, tout d’abord, en autorisant les présidents des conseils régionaux, des collectivités territoriales de Guyane et de Martinique et des conseils départementaux ultramarins à adopter des programmes-cadre de coopération régionale. Cette proposition confère à la fois de la visibilité, de la cohérence et de la liberté de manoeuvre au président de la collectivité concernée pour conduire sur la durée une action de coopération régionale incluant la négociation de plusieurs conventions internationales dont l’objet et la portée ont été approuvés par les autorités de la République.

Elle poursuit cet objectif, ensuite, en élargissant la faculté offerte à toutes les collectivités territoriales de conclure des conventions avec des États étrangers pour l’application d’un accord international signé par la République française, l’exécution d’un programme de coopération régionale établi par une organisation régionale dont la France est membre ou membre associé, ou l’instauration d’un groupement de coopération transfrontalière. Cet assouplissement du cadre législatif résulte d’une analyse des difficultés opérationnelles rencontrées au cours de la dernière décennie pour engager certains projets concrets de coopération régionale. L’autorisation préalable du représentant de l’État ou l’approbation antérieure par l’État de l’accord dont il est fait application garantit la cohérence avec les autres engagements internationaux de la République. Par ailleurs, l’environnement régional au sein duquel les collectivités ultramarines pourront mener des actions de coopération régionale est élargi, notamment aux continents voisins de l’océan Indien et au continent américain, voisin de la Caraïbe.

Enfin, il est proposé de faciliter les conditions d’exercice de leurs fonctions par les représentants des collectivités territoriales ultramarines dans le réseau diplomatique français. Afin d’encourager la sélection des meilleurs agents pour ces fonctions, il est prévu que la collectivité concernée puisse, à ses frais, leur offrir un régime indemnitaire, des facilités de résidence et des remboursements de frais dans des conditions qui seront définies par décret en Conseil d’État. De fait, cette possibilité, aujourd’hui ouverte, d’affecter des agents dans les ambassades, n’a pas non plus été très largement utilisée. Ces agents pourront également être présentés par les autorités de la République aux autorités de l’État accréditaire aux fins d’obtention des privilèges et immunités reconnus par la convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques.

Mesdames, messieurs les députés, je vous remercie du soutien que vous voudrez bien apporter à cette proposition de loi, à laquelle le Gouvernement est naturellement favorable.

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