Intervention de Bernard Lesterlin

Séance en hémicycle du 24 mars 2016 à 9h30
Action extérieure des collectivités territoriales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Lesterlin :

C’est aussi une chance pour ces territoires, qui doivent rayonner dans leur environnement géographique. Car ce n’est que sur le plan de la géographie qu’ils sont « ultrapériphériques », comme disent les technocrates de la Commission ! Ils incarnent bel et bien un bout de France et d’Europe dans l’Atlantique ou l’Océan indien, sans mentionner le Pacifique – dont ce texte ne traite pas, en raison du statut constitutionnel des collectivités qui s’y trouvent.

Cette proposition de loi permettra à l’action extérieure de se rapprocher des territoires et de leurs habitants, lesquels doivent en être les acteurs principaux pour la bonne et simple raison que c’est dans cet environnement qu’ils vivent. Nous n’échangeons que trop peu avec les pays souverains qui se trouvent à une portée d’aile de ces territoires, alors que nous sommes plus complémentaires que concurrents. Et puis nous avons un devoir de solidarité dans ces parties du monde. Rappelez-vous Haïti et son besoin de reconstruction après la catastrophe de 2010 !

Même s’ils sont souvent plus pauvres que nous, ces voisins sont aussi des consommateurs. Ils ont besoin de notre avance technologique, de notre industrie locale, de nos produits manufacturés. Nous pouvons avoir besoin de certaines de leurs productions agricoles ou halieutiques. Nous devons protéger ensemble la biodiversité que nous avons en partage, nos universités doivent échanger leurs étudiants et leurs chercheurs. Nous pouvons aussi avoir besoin de médecins cubains, tant notre démographie médicale est en souffrance dans nombre de nos régions ! Mentionnons enfin le tourisme, qui ne peut que bénéficier des produits multidestinations.

Cela fait longtemps qu’avec la mondialisation, il n’est plus nécessaire de tout faire transiter par le cordon ombilical économique qui relie ces territoires à la métropole. L’unité de la République sera plus forte lorsque le développement de chaque territoire donnera plus de travail à ses enfants – le taux de chômages des jeunes, outre-mer, est deux fois plus élevé que celui de métropole, qui n’est déjà pas glorieux ! L’égalité réelle ne réside pas seulement dans l’alignement des droits sociaux, elle est aussi là.

Donner à la coopération régionale un cadre juridique modernisé – l’objet de cette loi – est une avancée fondamentale pour permettre la négociation et la mise en place de projets de développement dans l’environnement régional des outre-mer.

Mais au-delà du cadre juridique que nous allons adopter, je voudrais, pour terminer, insister sur l’accompagnement humain. Certes, nous pourrons plus facilement envoyer depuis nos territoires ultramarins des entrepreneurs, des techniciens, des fonctionnaires pour monter ces projets de coopération avec les pays voisins de la Caraïbe, d’Amérique centrale ou du Sud, d’Afrique de l’Est ou des Mascareignes, et réciproquement, accueillir leurs homologues. Mais il ne faut pas que notre jeunesse reste spectatrice de ces nouvelles chances. Et je pense là à un sujet qui me tient particulièrement à coeur, l’engagement citoyen des jeunes.

Ces projets de développement ou de solidarité avec l’environnement régional offriront de nombreuses opportunités, à même de répondre à l’aspiration des jeunes à s’engager pour des causes d’intérêt général. La réussite du service civique dans les outre-mer est la preuve que cela répond vraiment à un besoin, tant pour les jeunes que pour la société dans laquelle ils vivent.

Grâce à ce texte, nous pourrons encourager la construction de projets citoyens entre nos territoires d’outre-mer et les pays de leur région.

Je souhaite que le mouvement des échanges de jeunes volontaires s’accentue pour que demain, de jeunes Martiniquais puissent réaliser des missions à Sainte-Lucie ou à la Dominique par exemple, que de jeunes Guyanais puissent aller au Brésil, de jeunes Réunionnais à Madagascar ou de jeunes Mahorais au Mozambique et qu’en échange nous puissions accueillir des jeunes de ces pays afin de partager des expériences de solidarité avec nous. La réciprocité est une dimension fondamentale de la coopération internationale ; elle prend tout son sens quand il s’agit de faire se rencontrer des jeunesses de plusieurs pays, de plusieurs cultures.

L’intégration plus forte de nos territoires dans leurs environnements régionaux, est une réponse que nous pouvons donner à ceux qui perçoivent la mondialisation comme « inhumaine » et destructrice. La mondialisation peut aussi être un formidable progrès pour l’humanité quand on se donne la peine de se connaître, de se parler, de s’entraider plutôt que de remonter les peuples les uns contre les autres. Alors, pour tout cela : bravo ! Qui pourrait aujourd’hui être contre votre initiative ? C’est le bon moment pour le faire et vous montrez la voie. C’est l’outre-mer qui fera ainsi avancer la coopération décentralisée dans l’ensemble de la République.

Comme l’a annoncé le Président de la République, nous allons rendre universel, et par conséquent accessible à tous, l’engagement citoyen, notamment au niveau international. Comment imaginer, madame la ministre, que l’outre-mer ne prenne pas toute sa part dans cet enjeu ?

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