Intervention de Elisabeth Pochon

Séance en hémicycle du 24 mars 2016 à 9h30
Proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaElisabeth Pochon, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, avant de vous présenter les travaux effectués hier par notre commission des lois, je souhaite rappeler que, si j’ai été désignée rapporteure de ces deux propositions de loi le 17 février dernier, c’est initialement M. Jean-Jacques Urvoas qui en était, non seulement le rapporteur, mais aussi l’auteur. Ces deux textes constituent ainsi un bel exemple d’initiative parlementaire, sur un sujet intéressant pourtant directement l’exécutif.

Ces deux textes poursuivent un objectif simple et pragmatique : il s’agit, sans remettre en cause les équilibres du système institutionnel, d’améliorer le cadre juridique régissant l’élection présidentielle.

Plus précisément, il est proposé d’apporter des réponses à des questions et des controverses qui reviennent à chaque élection, qu’il s’agisse du mécanisme des « parrainages », du traitement de la campagne par les médias audiovisuels, du contrôle des comptes de campagne, des sondages et de la divulgation des résultats ou encore des règles applicables à nos compatriotes résidant à l’étranger.

Sur ces différents points, des dysfonctionnements ont été relevés et des recommandations formulées par les différents organismes de contrôle compétents que sont le Conseil constitutionnel, la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, la Commission des sondages.

Les deux propositions de loi s’inspirent des travaux de ces organes de contrôle : il s’agit de faire en sorte que la prochaine élection présidentielle se déroule dans un cadre juridique incontestable.

À l’issue de la première lecture, les textes adoptés par nos deux assemblées différaient sur plusieurs points. La semaine dernière, la commission mixte paritaire n’est pas parvenue à trouver un accord. Je le regrette mais plusieurs divergences sont apparues impossibles à surmonter.

La première porte sur la répartition des temps de parole médiatique des candidats pendant la période dite « intermédiaire », période d’environ vingt jours qui commence quand la liste des candidats est établie et qui prend fin avec le début de la campagne officielle.

Le texte adopté par l’Assemblée nationale visait, durant cette période intermédiaire, à remplacer la règle d’égalité des temps de parole par un principe d’équité, fondé sur plusieurs critères définis dans la loi organique. Il se bornait à reprendre les recommandations formulées dès 2007, non seulement par les chaînes de radio et de télévision, mais aussi, et surtout, par l’ensemble des organismes de contrôle de l’élection présidentielle, Conseil constitutionnel, Commission nationale de contrôle de la campagne électorale, Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Le Sénat a adopté un point de vue diamétralement opposé, consistant à maintenir la règle actuelle de l’égalité et à réduire la période intermédiaire d’une semaine. Le texte du Sénat ne règle ainsi en rien la question de fond du traitement médiatique des candidats : il se contente de limiter dans le temps l’ampleur du problème posé.

En nouvelle lecture, notre commission des lois est donc revenue au texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture. Nous y avons cependant ajouté une garantie supplémentaire, en renforçant l’obligation faite au CSA de publier, de façon hebdomadaire et en open data, le relevé des temps de parole et des temps d’antenne.

Notre deuxième divergence porte sur l’horaire de fermeture des bureaux de vote. Cette fermeture s’échelonne aujourd’hui entre dix-huit et vingt heures, au risque de favoriser la diffusion de résultats partiels avant même la clôture du scrutin.

En première lecture, l’Assemblée nationale a prévu de fixer cet horaire à dix-neuf heures, moyennant la possibilité pour le préfet de le repousser à vingt heures dans certaines villes. L’intervalle de temps entre les premières et dernières fermetures de bureaux de vote serait ainsi ramené à une heure, au lieu de deux heures aujourd’hui.

Le Sénat, de son côté, a préféré retenir un horaire uniforme de dix-neuf heures pour l’ensemble du territoire. Ce choix, s’il a le mérite de la simplicité, risque de nuire à la participation électorale, en particulier dans les grandes villes, où l’habitude a été prise de voter jusqu’à vingt heures.

Là aussi, notre commission des lois a décidé de revenir au texte que l’Assemblée avait adopté en première lecture, c’est-à-dire à l’alternative entre 19 heures et 20 heures.

Je souhaite d’ailleurs qu’il soit fait de même, par voie réglementaire, pour les élections législatives. Il serait difficilement compréhensible pour les électeurs que les horaires de vote diffèrent d’un scrutin à l’autre, alors qu’ils sont étroitement liés et se tiennent à quelques semaines d’intervalle.

La question de la durée de la période couverte par les comptes de campagne a également fait débat – et encore hier au sein de notre commission.

En première lecture, l’Assemblée nationale avait maintenu le droit en vigueur pour l’élection présidentielle : les recettes et les dépenses à prendre en compte sont celles réalisées pendant l’année qui précède le scrutin. En revanche, l’Assemblée nationale a réduit cette période à six mois pour l’ensemble des autres élections, notamment les élections législatives.

Au contraire, le texte du Sénat retient une période de six mois pour les comptes de campagne de l’élection présidentielle mais reporte l’entrée en vigueur de cette mesure après 2017. Les dispositions applicables aux autres élections ont été supprimées, ce qui revient à maintenir le caractère annuel des comptes de campagne.

Sur ce sujet, la position que j’ai défendue hier en commission des lois est très simple : elle consiste à supprimer l’ensemble des dispositions en question et à s’en tenir au statu quo, toute modification réduisant la portée de la législation relative au financement des élections étant, à tort ou à raison, interprétée comme un recul des exigences de transparence et de contrôle. C’est d’ailleurs pourquoi nous avions décidé, en première lecture, d’en rester à la durée d’une année pour l’élection présidentielle.

J’ai suggéré hier de faire de même pour les autres élections. Je n’ai pas été suivie sur ce point, la commission des lois ayant opté pour une réduction à six mois applicable à l’ensemble des élections. Même si telle n’était pas la volonté des auteurs des amendements en cause, cette réduction est, en l’état, applicable à l’élection présidentielle.

Des amendements ont été déposés à l’article 6 de la proposition de loi organique afin d’y remédier et de maintenir la période d’une année pour les comptes de campagne de l’élection présidentielle. Je les soutiendrai.

Enfin, sur d’autres points moins essentiels, notre commission des lois est revenue au texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale. C’est le cas, en particulier, en matière de publicité des parrainages des candidats.

À l’inverse, nous avons maintenu les dispositions relatives aux sondages introduites au Sénat et pris acte, jusque dans son titre, de l’élargissement de l’objet de la proposition de loi ordinaire.

Je souhaite que ces deux textes soient rapidement adoptés, afin qu’ils puissent entrer en vigueur un an avant la prochaine élection présidentielle. Ils sont d’ailleurs intrinsèquement liés : si la loi organique n’était pas adoptée, aucune des modifications du code électoral que comporte la loi ordinaire ne serait applicable à l’élection présidentielle – qu’il s’agisse, par exemple, des sanctions pénales en cas de divulgation de résultats électoraux ou des dispositions sur les sondages.

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