Intervention de Marion Maréchal-Le Pen

Séance en hémicycle du 24 mars 2016 à 15h00
Proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarion Maréchal-Le Pen :

Madame la présidente, madame le secrétaire d’État, chers collègues, l’élection présidentielle est devenue l’un des derniers moments où le peuple français se sent encore acteur de son propre destin, l’un de ces derniers refuges où s’exprime le sentiment d’appartenance à une communauté nationale de plus en plus abstraite, malheureusement, pour nos compatriotes.

Pourtant, cette proposition de loi organique n’est rien d’autre qu’un appauvrissement du débat d’idées, un changement des règles du jeu un peu suspect à quelques mois de l’élection présidentielle, au détriment des candidats qui ne bénéficient pas de la connivence du système politico-médiatique et de ses prébendes.

Ce texte aurait pu être l’occasion de revoir intégralement le système inique des parrainages à la présidentielle, un système de filtre dont l’objectif initial était d’éviter les candidatures farfelues, mais qui s’est avéré, et qui s’avère encore, une formidable machine à pénaliser, voire à bloquer, les candidatures des partis hors système, quand bien même elles représenteraient plusieurs millions de Français. Nous en avons d’ailleurs fait la triste expérience en 1981, lorsque notre candidat n’a pu se présenter, faute de parrainages suffisants, suite aux manoeuvres de Valéry Giscard d’Estaing.

La dérive de ce système va encore s’aggraver avec votre loi, car ce sont désormais tous les parrainages qui seront rendus publics, et non pas les 500 actuellement en vigueur par tirage au sort. Cela accentuera toutes les pressions des appareils de partis et des baronnies locales, qui agiteront la carotte de la subvention ou de l’investiture à la prochaine élection, sur les élus locaux, comme c’est déjà tristement le cas.

Il aurait fallu réformer, mais dans le sens de la protection de l’anonymat du parrainage, principe originel des règles relatives à l’élection présidentielle. Comme cette disposition ne suffisait pas, vous précisez que la publication des parrainages par le Conseil constitutionnel se fera au fil de l’eau, c’est-à-dire avant même la validation des candidatures : autant dire que le candidat ayant peu de parrainages sera considéré comme inutile à parrainer et que les risques de pression se multiplieront pour les suivants.

Je partage à ce titre les propos de l’éminent constitutionnaliste Guy Carcassonne, qui déclarait en 2013 sur la publicité des parrainages : « transformer la quête aux signatures […] en une course de performance, où chaque candidat aura à coeur de montrer qu’il a le plus de soutiens à cette occasion, me paraît profondément malsain. Parce que cela ne correspond ni à l’objet, ni à la règle, ni à la logique même de l’élection présidentielle. »

Vous dégradez donc l’esprit de la Ve République, qui voulait que la présidentielle soit la rencontre d’un homme avec les Français, et non pas un affrontement entre appareils partisans. Les parrainages citoyens, annoncés dans les propositions de François Hollande, rejoignent ainsi les mille et une promesses tombées dans les méandres de son quinquennat. Je vous le dis de façon d’autant plus désintéressée qu’aujourd’hui le Front national dispose de suffisamment d’élus pour obtenir ces parrainages sans difficulté. C’est bien le seul souci démocratique qui motive notre position.

En outre, l’article 2 modifie les modalités de transmission des parrainages au Conseil constitutionnel sans aucune justification valable. Désormais, les élus devront directement les adresser aux Sages du Conseil et par voie postale, en espérant que La Poste ne soit pas en grève pour entrer dans les délais, comme ce fut le cas lors des élections régionales. C’en est donc fini de la possibilité pour les équipes de campagne des candidats de centraliser les signatures pour leur dépôt au Conseil constitutionnel.

Les candidats, que vous plongez dans l’incertitude la plus totale, ne connaîtront plus en temps réel le nombre de signatures obtenues. Le décompte des parrainages à l’instant t est pourtant essentiel pour les formations qui n’ont pas un réservoir conséquent d’élus et pour lesquelles la récolte des signatures est un véritable chemin de croix, où tout se joue parfois à quelques signatures près.

L’article 4, quant à lui, porte un nouveau coup au pluralisme politique dans les médias. La campagne allant de la date de publication au Journal officiel de la liste des candidats jusqu’à la veille de la campagne officielle ne permettra plus l’égalité des temps de parole pour l’ensemble des candidats. Cette égalité ne sera assurée que durant les deux dernières semaines de la campagne officielle. Ce sera désormais un vague principe d’équité, sous le contrôle du CSA, qui régira le reste de la campagne.

Rappelons que le président du CSA est nommé par le Président de la République et que les six autres membres sont désignés par les deux assemblées. Nous pouvons légitimement nous inquiéter de l’interprétation qui sera faite de ce concept d’équité. Le CSA devra prendre en compte les enquêtes de sondages. Le Gouvernement avalise donc la démocratie des sondages, en demandant au CSA de se baser sur des intentions de vote, et non sur l’engagement réel des électeurs.

Les autres critères pris en compte par le CSA seront tout aussi contestables et engendreront, inéluctablement, des inégalités de traitement. Je pense notamment aux résultats obtenus lors des dernières élections et à la contribution de chaque candidat à l’animation du débat électoral. Dans ces conditions, une candidature hors parti est quasi disqualifiée d’office.

Nous considérons que l’égalité du temps de parole doit être la règle, dès lors que la liste des candidats est officiellement publiée. Ayant entendu par ailleurs quelques mensonges, je précise à M. Lagarde, qui n’est plus là, qu’en 2014 et 2015, à la télé et à la radio, le temps de parole des Républicains a été de 34,1 % ; celui du PS de 27,4 % ; des Verts de 6,7 % ; et du FN de 5,8 %. Nous voterons contre ces propositions de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion