Intervention de Georges Fenech

Séance en hémicycle du 5 avril 2016 à 21h30
Réforme du conseil supérieur de la magistrature — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorges Fenech :

…car il faudrait alors également vous dépouiller du pouvoir de proposition. Actuellement, le CSM possède ce pouvoir pour les premiers présidents et les présidents de tribunaux. Dans la réforme que vous proposez, vous conservez précautionneusement la possibilité de proposer les nominations.

C’est donc l’avis conforme – une pratique courante depuis 2009 – que vous souhaitez inscrire dans le marbre de la Constitution. Soit, et après ? Que se passera-t-il une fois que, après avoir supprimé les instructions individuelles, vous aurez remis entre les mains du CSM le pouvoir de nomination des procureurs, chargés d’appliquer une politique pénale voulue par le pays et dont vous êtes, monsieur le ministre, le seul responsable ? Car, jusqu’à preuve du contraire, les magistrats n’ont pas de responsabilité telle que la nôtre… Une fois donc que vous leur aurez donné la possibilité de se nommer, de se sanctionner, de se promouvoir, vous n’aurez plus de fonctions, monsieur le ministre de la justice ! Vous transformez l’autorité judiciaire, inscrite dans la Constitution, en un pouvoir judiciaire. Autant modifier le terme aussi dans la Constitution !

C’est là que je ne vous suis pas. Je suis d’accord pour ce qui est de l’avis conforme, mais j’estime qu’il manque à la réforme un volet essentiel : celui de la responsabilité des magistrats qui devront mettre en oeuvre votre politique pénale sans que vous puissiez prendre la moindre sanction s’ils s’écartent de vos circulaires.

Vous expliquiez tout à l’heure que la politique pénale était faite à partir des éléments que les magistrats veulent bien vous faire remonter. Ce pouvoir d’information, quel sens a-t-il, au fond ? Souvenez-vous de Mme Taubira, brandissant certain document alors qu’elle prétendait qu’elle n’était pas informée d’une procédure ! Et, ayant fait partie de la commission d’enquête Cahuzac, je sais que dans cette affaire, le garde des sceaux a reçu des signalements durant des années. Était-ce pour organiser la politique pénale, ou pour être informé au plus près des affaires sensibles ?

Allez donc jusqu’au bout, monsieur le ministre, supprimez cette pratique des informations qui remontent au garde des sceaux, supprimez tout ! Que vous restera-t-il alors ? Des procureurs qui deviendront des roitelets de la République, chacun faisant sa politique pénale dans son coin, sans aucune harmonie dans le pays, entraînant une rupture d’égalité devant la loi pour les citoyens. Est-ce la justice que vous voulez ? Attaché à une justice égale pour tous, je ne partage pas cette vision.

Aller vers l’indépendance statutaire du parquet, c’est aussi prévoir la responsabilité des magistrats et l’interdiction un fois pour toutes, pour les syndicats de magistrats, de se mêler d’affaires politiques. Je suis totalement contre l’idée de supprimer les syndicats de magistrats, mais ils doivent défendre les intérêts professionnels, comme dans n’importe quelle corporation, et non dire au législateur que telle loi est bonne ou mauvaise, ou déclarer qu’ils l’appliqueront… ou non, comme pour les lois Pasqua sur l’immigration ! Ce gouvernement des juges m’apparaît hautement préjudiciable au fonctionnement de la démocratie. Revenez donc en commission des lois pour nous présenter un dispositif qui permette au juge de respecter son rôle sans l’outrepasser, et nous voterons ce texte.

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