Intervention de Jean-Paul Chanteguet

Séance en hémicycle du 31 janvier 2013 à 9h30
Indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et protection des lanceurs d'alerte — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure pour avis, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire n'a pas été saisie au fond de cette proposition de loi adoptée par le Sénat et elle a par conséquent décidé de se saisir pour avis. En effet, les sujets abordés – indépendance de l'expertise scientifique et technique, et protection des lanceurs d'alerte – sont parmi ceux qui ressortent périodiquement de ses débats.

Les auditions que nous avons menées récemment avec les responsables de l'ANSES ou du Haut conseil des biotechnologies, comme celle conduite en commun avec la commission des affaires sociales à propos de l'étude du professeur Gilles-Éric Séralini sur un maïs transgénique, ont soulevé plusieurs points qui méritent toute notre attention. D'une part, comment protéger les lanceurs d'alerte de toute mesure discriminatoire et faire en sorte qu'une suite soit donnée à leur action ? D'autre part, comment garantir au mieux l'indépendance de l'expertise scientifique et technique et éviter les conflits d'intérêts ? Ces deux points sont liés et l'un des mérites du texte dont nous débattons est justement de les prendre tous les deux en considération.

Il y va évidemment de la crédibilité de toute expertise à l'égard de l'opinion publique. La crainte de nos concitoyens, voire leur suspicion, naît bien souvent d'une mauvaise connaissance, mais également de doutes sur l'indépendance des chercheurs ou des scientifiques. Il ne serait pas sain de laisser s'instaurer la méfiance, voire la défiance de la société civile à l'encontre des experts.

Les travaux récents de la commission du développement durable ont également souligné la difficulté de concilier les enjeux industriels, qui relèvent du court terme et suivent avant tout une logique économique, et les évaluations sanitaires et environnementales, dont certaines exigent, nous le savons, beaucoup plus de temps. Dans certains cas, notamment lorsqu'il s'agit de santé environnementale, repérer les effets à long terme de substances nécessite de prolonger les protocoles d'expertise et de recherche au-delà des délais habituellement envisagés par les laboratoires.

Les personnes auditionnées ont également montré qu'il fallait prendre en compte à la fois la quasi-impossibilité pour les chercheurs de ne pas entretenir des relations avec des organismes privés, ne serait-ce qu'au long de leur carrière, et l'impact de leurs propres idées sur les sujets traités. Le directeur général de l'ANSES nous a d'ailleurs rappelé que l'indépendance de l'expertise reposait sur trois piliers : le respect de la déontologie, un cadre d'expertise collective et contradictoire et enfin la diversité des sources scientifiques et des organismes de recherche.

Les exemples rappelés par les rapporteurs des deux commissions concernent essentiellement des questions sanitaires pour lesquelles les alertes ont longtemps été négligées ; je n'y reviendrai pas.

À travers des organismes pathogènes, des substances chimiques ou des agents physiques, de nombreux dangers peuvent affecter la santé humaine et animale, voire la qualité des végétaux utilisés dans l'alimentation. Le récent rapport de l'Agence européenne pour l'environnement, Signaux précoces et leçons tardives, reconnaît que les risques pour la santé ou l'environnement ont été ignorés dans une dizaine de cas et que les lanceurs d'alerte n'ont pas été écoutés.

La recherche en matière d'environnement est tout aussi importante à nos yeux, car l'exposition aux risques passe par tous les milieux – l'air, l'eau, les sols – qui véhiculent des pollutions. Les risques ne concernent pas que les substances dangereuses, éthers de glycol, polluants de l'air ou de l'eau, ou les radiofréquences et les ondes électromagnétiques ; ils concernent également les valeurs limites d'exposition et les niveaux de concentration pouvant se révéler toxiques. C'est donc tout un champ de recherche qui reste à approfondir.

La proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui cherche à apporter deux types de réponses, l'un de nature institutionnelle, avec la création d'une commission nationale de la déontologie et des alertes, l'autre juridique, concernant la protection des lanceurs d'alerte, et parmi eux, je souhaiterais le souligner, des scientifiques qui ont souvent été stigmatisés, même par leur propre camp.

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