Intervention de Hervé Gonsard

Réunion du 16 avril 2016 à 16h00
Délégation aux outre-mer

Hervé Gonsard, directeur général de l'IEDOM et de l'IEOM :

Monsieur le président, mesdames et messieurs, c'est un honneur d'être parmi vous aujourd'hui, et nous vous remercions de nous avons conviés à cette audition sur la réforme de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, envisagée par l'article 52 du projet de loi relatif à la transparence et à la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique, qui a été adopté par le conseil des ministres le 30 mars dernier.

L'IEDOM est la banque centrale déléguée à des départements et collectivités d'outre-mer dont la monnaie est l'euro. La réforme proposée par le Gouvernement est de transformer cet institut, aujourd'hui établissement public, en filiale à 100 % de la Banque de France. C'est une réforme importante qui permettrait, de façon claire et définitive, d'ancrer l'IEDOM dans l'Eurosystème, tout en préservant son identité ultramarine.

Comme vous l'avez rappelé, monsieur le président, cette réforme s'inscrit dans un mouvement entamé lors du passage à l'euro. À cette occasion en effet, l'IEDOM a connu une première étape importante de rapprochement avec la Banque de France. À suite d'un compromis qui fut à l'époque longuement débattu avec la Banque centrale européenne (BCE), l'IEDOM a conservé son statut d'établissement public, mais il est devenu un agent de la Banque de France. Il a été placé sous la gouvernance de la Banque de France, et sous la responsabilité financière de celle-ci.

L'IEDOM exerce depuis lors ses missions fondamentales « au nom, pour le compte et sous l'autorité de » la Banque de France. Mais alors que ses activités, que sa gouvernance l'ont clairement rapproché de la Banque de France, l'IEDOM est, pour des raisons historiques, demeuré, pour ce qui reste de sa vie sociale, que ce soient les instances représentatives du personnel (IRP), les accords collectifs ou la gestion des ressources humaines, dans l'orbite du groupe AFD (Agence française de développement) avec lequel il forme une union économique et sociale (UES). Or cette UES avec l'AFD, avec laquelle l'IEDOM, précisément à la suite de l'évolution de 1999, n'a plus ni management commun ni activité commune, est de plus en plus fragilisée, et cette fragilité ira en s'aggravant avec les évolutions récentes de l'AFD, notamment avec la croissance rapide de son activité.

Alors qu'il avait envisagé à un moment la dissolution de l'IEDOM dans la Banque de France, l'État retient aujourd'hui une sorte de rapprochement sans dissolution. C'est une solution qui permet l'intégration pleine et entière de l'IEDOM au sein de l'Eurosystème, mais dans le respect de son identité ultramarine.

Ce rapprochement, qui va un peu « dans le sens de l'histoire », garantirait la pérennité de l'Institut et de toutes ses missions.

D'abord, la transformation de l'établissement public IEDOM en société publique détenue par la Banque de France 100% publique – ce n'est absolument pas une privatisation, car l'IEDOM resterait dans le secteur public – traduirait d'une façon beaucoup plus claire aujourd'hui, dans le droit positif comme dans les faits, l'appartenance de l'IEDOM au groupe Banque de France, et donc l'accomplissement des missions de l'Eurosystème en totale indépendance vis-à-vis de l'État, sur l'ensemble du territoire national où circule l'euro.

En outre, ce rapprochement permettrait d'amplifier ce qui existe d'ailleurs déjà : une logique de métiers entre la Banque de France et l'IDEOM. L'institut d'émission remplit en effet, dès à présent, quasiment les mêmes missions que la Banque de France dans les départements d'outre-mer. Ces dernières années ont vu d'ailleurs de plus en plus le déploiement et l'utilisation par l'IEDOM des outils et des applicatifs développés par la Banque de France, principalement dans les métiers fiduciaires, dans les métiers de la cotation des entreprises, ou dans les métiers du surendettement des particuliers.

Cette réforme permettrait donc de renforcer la cohérence, la collaboration avec la Banque de France dans l'exercice de ces métiers. Elle permettrait de renforcer également la synergie et, au final, la qualité des missions exercées par l'IEDOM au service des territoires ultramarins et de nos concitoyens d'outre-mer.

Autre point important : la transformation de l'IEDOM en société détenue par la Banque de France permettrait de concilier l'appartenance de l'institut à la Banque, et le nécessaire maintien de l'identité ultramarine de l'IEDOM – et ce, notamment, dans la gestion à terme, plus particulièrement dans la gestion des ressources humaines, qui est un point que regardent attentivement nos salariés.

Elle permettrait donc à l'IEDOM d'assurer une continuité dans la gestion des personnels, qui pourraient, comme c'est le cas aujourd'hui, continuer à être recrutés sur une base principalement locale, et non pas sur une base nationale comme la Banque de France, tout en conservant des règles de mobilité qui lui sont propres et qui sont très différentes de la Banque de France.

Enfin, cette autonomie lui permettrait de conserver des modalités de rémunération qui, aujourd'hui, sont différentes de celles de la Banque de France.

En dehors de ces problèmes importants de prise en compte de la gestion interne, cette autonomie, qui n'est pas une intégration, nous permettrait de maintenir une autonomie de fonctionnement pour prendre en compte les réalités économiques et sociales des outre-mer et adapter, lorsque c'est nécessaire, certains dispositifs ou procédures aux contraintes liées à l'insularité, à l'éloignement ou au décalage horaire.

De par la forme qu'elle prendrait, cette réforme présente un autre intérêt : le siège de l'IEDOM étant maintenu, elle permettrait le partage de ses services avec l'IEOM, comme c'est le cas aujourd'hui. Nous continuerions de disposer de services de siège communs aux deux instituts d'outre-mer, ce qui autorise, entre autres, le fonctionnement de synergies qui, là encore, ne pourraient exister si l'IEDOM était intégré à la Banque de France.

Cette réforme, et on y veille, sera assortie de garanties sociales importantes pour le personnel. La modification de la nature juridique de l'Institut par la loi n'emporterait pas, par elle-même, de conséquences sur le régime juridique auquel sont soumis les personnels embauchées par l'IEDOM ni, en particulier, sur leur statut ni sur leur contrat.

Elle n'emporterait pas non plus, en tant que telle, de remise en cause immédiate et directe de l'unité économique et sociale dont je vous ai parlé. Cette modification relèverait ensuite de la voie conventionnelle ou juridictionnelle.

Par la suite, les incidences sociales de la réforme seraient évidemment réglées par voie conventionnelle entre toutes les parties prenantes, à savoir : l'IEDOM, l'AFD, la Banque de France et évidemment, les représentants du personnel des instituts.

Ce processus, et le Gouverneur de la Banque de France l'a dit devant la commission des finances de cette assemblée lorsqu'il est venu s'exprimer début mars, n'affectera ni les missions, ni les statuts des agents de l'IEDOM ni les droits qui y sont attachés. La Banque de France a fait savoir qu'elle s'attacherait à préserver l'ensemble des droits individuels et collectifs des salariés de l'IEDOM.

J'ajouterai à cela que le dialogue social qui s'inscrit résolument dans la transparence, et qui a été engagé dès le 19 février, bien avant que ne soit rendu public le projet de loi du Gouvernement, avec les représentants de l'IEDOM, de l'AFD mais aussi de la Banque de France, est largement engagé. Des démarches d'information-consultation sont en cours, et les directions des établissements que j'ai cités s'attacheront à informer les personnels en tant que de besoin. J'ajouterai qu'avec le directeur des instituts, Philippe La Cognata, nous sommes allés déjà dans quatre des territoires concernés. Nous allons boucler notre tour par Saint-Pierre et Miquelon et la Guyane, le mois prochain.

Avec ce projet de transformation de l'IEDOM, monsieur le président, mesdames et messieurs, en société détenue par la Banque de France, c'est potentiellement une nouvelle étape importante pour les instituts qui se dessine, mais celle-ci s'inscrit dans la continuité et donc dans la permanence.

C'est un changement qui, nous en sommes convaincus, devrait renforcer l'IEDOM, à la fois dans son appartenance à l'Eurosystème, mais aussi dans les services qu'il doit rendre – encore meilleurs et au meilleur coût – à nos concitoyens d'outre-mer.

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