Intervention de Victorin Lurel

Séance en hémicycle du 1er juillet 2016 à 15h00
Égalité et citoyenneté — Article 38

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVictorin Lurel :

Cela fait quinze ans que je suis parmi vous, ici, et je vis aujourd’hui le plus beau moment de ma carrière politique, au-delà du sort que pourrait réserver, demain, le Conseil constitutionnel à ce texte.

Cet article 38 ter est issu d’un amendement que j’ai déposé en commission et je rends ici un hommage chaleureux et appuyé à l’ensemble du groupe SER qui s’en est immédiatement emparé pour le voter à l’unanimité. Nous l’avons soumis à l’examen de nombreux juristes qui, tous, l’ont considéré parfait en l’état, si ce n’est que nous tenions absolument, pour des raisons symboliques, à citer la loi du 23 mai 2001, dite loi Taubira. Mais elle est mémorielle, et nous devons nous souvenir de la décision du Conseil constitutionnel, selon laquelle les lois mémorielles ne devraient pas dire la vérité historique par détermination et ne sauraient être revêtues de force normative. Nous avons donc accepté une navette avec les juristes de la Chancellerie, sous réserve que notre commission soit informée en temps et en heure.

Je suis d’accord avec Marie-Anne Chapdelaine : nous n’avons pas été suffisamment informés pour que la commission statue en conscience et en vérité.

Hier encore, j’étais à la Chancellerie, nous avons discuté. Je partage l’analyse de Mme Chapdelaine. Pour répondre aux exigences du Conseil constitutionnel, ne pas toucher à la liberté d’expression, à la liberté de communication, à la liberté de la presse, à la liberté d’enseignement et de recherche, nous nous sommes livrés à un exercice pointu. Sans aller jusqu’à prétendre que nous jouons aux équilibristes, je dirai que nous marchons sur la corde raide pour respecter ce qui est désormais la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Après avoir pesé et soupesé tous les éléments, les juristes considèrent que ce texte, en l’état, même s’il pourrait encore être amélioré au cours de la navette, voire en CMP, devrait répondre aux objections et surmonter les difficultés du Conseil constitutionnel.

Cela étant, il n’est pas possible que dans une nation, une République comme la nôtre, de telles failles subsistent encore dans notre arsenal juridique et permettent à quiconque de faire l’apologie d’un génocide ou de l’esclavage. Je vous donne un exemple, celui d’un candidat à l’élection présidentielle qui a prétendu qu’on ne pouvait abolir l’esclavage qu’à partir d’un certain degré de développement économique, que l’esclavage était une solution efficace, bonne pour l’économie, bénéficiant à tous, y compris aux esclaves, qu’il s’est imposé jadis comme une nécessité, qu’il n’était pas un crime et que nous n’avons pas à en rougir. Je pourrais continuer longtemps ainsi, la suite est du même tonneau. Aucune sanction de ces propos n’est possible dans l’état actuel du droit. Seule l’apologie de la Shoah peut être punie aujourd’hui. Alors oui, aujourd’hui, nous faisons oeuvre utile.

En revanche, j’aurais souhaité sous-amender l’amendement du Gouvernement afin de mettre au pluriel l’expression « tel que défini », afin qu’il soit bien clair que sont visés, comme y appelait M. Jibrayel, tous les crimes, qu’il s’agisse de génocides, de crimes de guerre, ou de crimes contre l’humanité.

Compte tenu de mes origines, je suis bien sûr particulièrement sensible à l’esclavage et à la loi Taubira, qui n’a pas de force normative mais a valeur commémorative. Mais aujourd’hui, par cet article, sont bien visés tous les génocides, y compris ceux perpétrés en Arménie, au Rwanda, et tous les crimes contre l’humanité et tous les crimes de guerre. C’est pourquoi nous visons le statut de la Cour pénale internationale, la charte de Londres du tribunal militaire international, et les articles du code pénal concernés.

Ces dispositions devraient donner satisfaction à tous. Nous ne les prenons pas pour déplaire à tel ou tel, ou à tel ou tel pays, nous faisons oeuvre de justice, et c’est votre honneur.

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