Lutte contre les inégalités mondiales — Texte n° 3887

Amendement N° 64 (Rejeté)

Publié le 12 février 2021 par : Mme Poletti, M. Herbillon, M. Quentin, M. Cordier.

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Texte de loi N° 3887

Article 1er (consulter les débats)

Compléter l’alinéa 10 par la phrase suivante :

« Elle s’engage à ce que les actions menées sur financement de son aide publique au développement puissent être mises en œuvre dans le respect du principe de non discrimination de l’attribution de l’aide aux populations. »

Exposé sommaire :

Tout d’abord il importe de rappeler que les ONG françaises sont très concernées par le risque terroriste. En soutenant des populations victimes de crises et conflits, en reconstituant leurs moyens d’existence et en leur offrant des perspectives d’avenir, de nombreuses actions humanitaires et de développement engagées par les organisations de solidarité internationale (OSI) françaises et leurs partenaires dans des territoires vulnérables (Sahel, Moyen orient, etc.) prennent une part active à la construction d’un monde en paix.

Pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, nombreuses sont celles qui ont d’ores et déjà renforcé leurs pratiques et leurs procédures (conventionnement avec les partenaires, charte de déontologie et de lutte contre la fraude et la corruption, contrôles internes, …). Ces organisations sont également ouvertes à poursuivre leurs efforts à condition qu’ils soient nécessaires et proportionnés aux risques comme le recommande le GAFI, et que les moyens requis soient pris en charge par les projets et programmes financés.

Concernant le criblage des populations bénéficiaires, les débats en Commission des affaires étrangères ont rappelé la nécessité d’une exemption pour l’action humanitaire. Cette position prend pleinement en compte la nécessité de pouvoir agir rapidement dans des situations d’urgence et s’inscrit dans le respect du droit international humanitaire.

Toutefois, la question demeure quant à l’aide au développement et aux actions de stabilisation.

Ces dernières concernent aujourd’hui des OSI tant humanitaires que de développement, voire intervenant sur les deux secteurs dans la logique d’un continuum urgence/réhabilitation/développement. Le cas du Sahel l’illustre parfaitement, sur des financements d’OSI françaises provenant tant du Centre de crise et de soutien que de l’Agence française de développement. Quelle que soit la catégorisation des acteurs OSI intervenant dans des territoires en crise et fragiles, l’exemption de criblage des populations bénéficiaires devrait naturellement s’imposer, pour permettre aux OSI de développer leurs actions rapidement et de manière efficace, sans mettre en danger leurs propres équipes et partenaires vis-à-vis de groupes radicaux et terroristes, et en respectant un principe fondamental de nondiscrimination de l’attribution de l’aide auprès de populations vulnérables.

Par ailleurs, concernant d’autres géographies et territoires, hors zone de conflit et de crise, parfois exempts de toute présence de groupes terroristes ou mafieux inscrits sur les listes de sanctions internationales, quel sens aurait le criblage des populations bénéficiaires ? Cribler chaque bénéficiaire d'un projet représenterait un coût en ressources humaines et équipements considérable. En 2017, le seul dispositif Initiative OSC de l'AFD a bénéficié à 7,3 millions de personnes. Au-delà de détourner les équipes et leur énergie du fondement de leurs activités au service de populations en situation de vulnérabilité ou d’exclusion partout dans le monde, saurions-nous justifier l’usage de tels moyens à cette fin, de surcroit là où justement il n’y a pas de terroristes ou de réseaux de blanchiment identifiés et recensés ? Au regard des territoires en conflits et fragiles, cette situation n’en serait-elle pas paradoxale et très singulière ? Enfin, dans de telles situations, comment les demandes d’information précises sur l’identité des personnes à des fins de criblage anti-terroriste émises par les OSI seront-elles perçues par les populations elles-mêmes ?

Le criblage des populations bénéficiaires est également incompatible avec un certain nombre d’engagements pris par les OSI ou les États dans différents secteurs d’intervention, comme par exemple dans le domaine de l’enfance avec la convention internationale des droits de l’enfant qui interdit toute discrimination, ou le serment d'Hippocrate dans le domaine de la santé.

Enfin d’un point de vue très pratique, le criblage des populations bénéficiaires des actions des OSI s’avère par ailleurs inopérant dans bien des situations. Environ 1,1 milliard de personnes, vivant principalement dans les zones récipiendaires d'aide publique, n'ont pas de titre d'identité. Les titres, quand ils existent, sont parfois erronés. Les homonymes sont nombreux. L’obligation de criblage conduirait à les exclure de l’aide, à les laisser de côté, alors qu’elles sont souvent parmi les plus démunies…

Ainsi, tant pour respecter le principe de non-discrimination et les droits humains qui guident les actions des OSI, que pour des raisons évidentes de cohérence et d’efficacité, il est indispensable que l’exemption du criblage des populations bénéficiaires s'applique à l’ensemble des actions de terrain des organisations de solidarité internationale.

L’élaboration de la Loi présente aujourd’hui une opportunité unique d’offrir un cadre qui sécurise l’action de l’ensemble des OSI humanitaires et de développement, et le rayonnement de leurs valeurs d’humanité et de solidarité.

Cet amendement est proposé par Coordination sud, la plateforme des ONG de solidarité internationale.

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