Intervention de Barbara Pompili

Séance en hémicycle du vendredi 2 avril 2021 à 15h00
Lutte contre le dérèglement climatique — Article 12

Barbara Pompili, ministre de la transition écologique :

Je voudrais rappeler en préambule à M. le député Vialay que, le Gouvernement n'étant aucunement responsable de l'irrecevabilité des amendements, ses remarques sur ce point étaient injustifiées. Quant au réemploi du plastique et à la limitation du plastique à usage unique, je rappelle que ce sujet est largement évoqué par la loi AGEC, qui prévoit la réduction de moitié du nombre de bouteilles en plastique à usage unique mises sur le marché d'ici 2030 et leur suppression complète en 2040. En vertu de cette même loi, il est interdit depuis le 1er janvier 2021 de distribuer gratuitement des bouteilles en plastique dans les établissements recevant du public et dans les locaux à usage professionnel. Par ailleurs, à partir du 1er janvier de l'année prochaine, les établissements recevant du public devront être équipés d'au moins une fontaine d'eau potable accessible au public. Ces quelques exemples démontrent que la question du plastique nous préoccupe, à juste titre, et qu'elle est traitée par la loi AGEC.

L'article 12 a pour objet de préciser cette loi en soulignant que les processus incitant à la consigne de réemploi doivent aussi concerner le verre. Notre but est en effet de produire le moins de déchets possible et d'utiliser le moins d'énergie et d'eau. Nous savons que « éviter, réduire, compenser » c'est aussi « réduire, réemployer, recycler ». C'est une hiérarchisation des démarches. Cela ne signifie pas que le recyclage n'est pas intéressant mais simplement que le réemploi peut, dans certains cas, s'avérer plus intéressant. L'enjeu est donc d'identifier ces cas pour encourager le réemploi et y inciter les filières. En revanche, lorsque cela n'a pas de sens pour de multiples raisons – notamment liées au bilan environnemental – , il ne faut pas y recourir.

L'ADEME a commencé à réaliser des études au sujet du réemploi. Le premier prérapport qu'elle a rendu en mars montre qu'il faut pousser ces études plus loin, notamment en ce qui concerne la filière du verre, afin de pouvoir déterminer plus finement les cas où le réemploi est intéressant. Nous y regarderons donc de plus près, d'autant plus qu'il nous faut aussi sortir de certaines idées reçues, séduisantes de prime abord. C'est le cas par exemple de la comparaison des bilans d'émissions de gaz à effet de serre, évoquée tout à l'heure, qui serait à l'avantage du recyclage lorsque la distance est supérieure à 260 kilomètres. Cette affirmation, faite en ces termes, s'est révélée fausse lorsque nous l'avons vérifiée avec l'ADEME : l'Agence a documenté des cas de consigne pour réemploi présentant un bilan positif par rapport au recyclage sur des distances équivalentes à 500 kilomètres. En effet, on ne peut pas tenir compte exclusivement du paramètre de la distance : il faut aussi prendre en compte la standardisation des emballages, l'organisation logistique ou encore l'utilisation de l'eau et de l'énergie. La fabrication des bouteilles nécessite en effet de l'eau et une grande quantité d'énergie. L'intérêt du bilan environnemental est justement de considérer l'ensemble de ces critères afin de déterminer les cas dans lesquels le réemploi est intéressant. Il est important à cet égard d'avoir à l'esprit que l'article 12 pointe la nécessité d'un bilan environnemental systématique.

Certaines filières ont pu, à juste titre, se sentir menacées dans la mesure où leur identité est fondée sur leurs bouteilles ou leurs emballages. Il faut répondre à leurs interrogations. Les bouteilles de parfum, par exemple, sont très difficiles à réemployer et il est quasiment certain qu'elles ne seront pas concernées – à moins que les filières ne nous démontrent elles-mêmes qu'elles peuvent le faire de façon intéressante. Nous étudierons les initiatives qui nous seront proposées même si, a priori, je peux vous indiquer que les bouteilles de parfum ne seront pas réemployées. Quant au réemploi des bouteilles de champagne, il n'est tout simplement pas possible car il poserait des problèmes de sécurité. L'État n'est pas totalement irresponsable et, puisque le processus est dangereux, les bouteilles de champagne ne feront évidemment pas l'objet d'un réemploi.

Les premières études que nous avons reçues démontrent que le réemploi risque d'être très difficile aussi concernant les bouteilles de vin, pour des raisons liées notamment à l'export : il serait compliqué d'aller rechercher les bouteilles vendues aux États-Unis, en Chine, en Russie ou ailleurs. Nous allons donc nous intéresser à la capacité de standardisation – tout en sachant que de nombreuses bouteilles de vin, par exemple celles porteuses d'une identité, ne pourront pas être concernées. Nous devons agir avec bon sens et analyser les différentes études spécifiquement, filière par filière et produit par produit, afin d'identifier les cas où le réemploi peut avoir un intérêt – il faudra alors l'encourager – et les cas où il n'a pas de sens.

L'article 12 me semble répondre à l'ensemble de ces exigences. Soyez certains que notre objectif est de faciliter la consigne pour réemploi là où cela est possible et de faciliter le recyclage dans les autres cas. Soyons raisonnables ensemble, encourageons cette avancée environnementale quand elle est possible et ne l'encourageons pas dans le cas contraire, tout simplement. J'émets un avis défavorable aux amendements de suppression de l'article.

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